Où c’est ? à Paris

houssaye1On ne lit plus guère Arsène Houssaye(1815-1896) qui a pourtant publié de nombreux ouvrages, s’essayant avec plus ou moins de bonheur, à tous les genres littéraires. Son nom reste connu (une rue porte son nom à Paris 8°) car il fut, entre autres, administrateur général de la Comédie-Française et fit jouer des pièces de Victor Hugo, Alexandre Dumas…. Il devint également directeur de L’Artiste, revue qui accueillit nombre de jeunes talents tels que Charles Baudelaire. Ce dernier lui enverra une dédicace célèbre lors de la publication du Chasse Spleen.

Dans « Les Confessions », souvenir d’un demi-siècle, il évoque les folles soirées de l’époque. Arsène aimait le théâtre, ses entractes et le vin de champagne. A propos d’une représentation à la Comédie française, il écrit :

« Nous commençâmes la fête à huit heures du soir, il y eut un souper à minuit. Dumas avait d’abord demandé des femmes, mais les femmes ne vinrent pas. Le souper n’en fut pas moins gai, le vin de champagne raviva la verve. À peine à table, c’était à qui trouverait une scène ou un mot. Verteuil avait son encrier à côté de sa coupe de vin de champagne. Il lui arriva plus d’une fois de tremper sa plume dans la coupe, mais il ne lui arriva point de prendre son encrier pour y boire ».

Ah, Mona, quelle période bénie des dieux ! Buvons. Buvons cette Malvasia Delle Lipari 2004. C’est un nectar produit sur des poussières d’iles proches de la Sicile. Ma que …, que c’est bon !!!

la Raccourcisseuse patriotique

Louis XVI et Marie-Antoinette d'après F. Botero
Louis XVI et Marie-Antoinette d'après F. Botero

Alexandre Dumas Père a écrit l’histoire de Louis XVI et de Marie-Antoinette. Dans les trois tomes de l’édition de 1853, j’ai sélectionné ce texte sur les premiers essais de la guillotine :

C’est dans une des cours de Bicêtre que les premiers essais de la guillotine eurent lieu le 17 avril 1792. Il est sept heures du matin. Une petite pluie tombe fine comme un crêpe, tandis que cinq ou six ouvriers charpentiers, sous la direction d’un maître, s’occupent à dresser dans cette cour une machine d’une forme inconnue et étrange.

Disons comment se fit la modification qui conduisit l’instrument de mort à la perfection qui le distingue aujourd’hui. Le roi Louis XVI entendit parler de l’essai qui avait été fait dans la cour de Bicêtre, et l’on n’avait pu lui cacher le désagrément qu’avait éprouvé le docteur Guillotin. Le roi était assez bon mécanicien et surtout assez habile serrurier. La première fois qu’il eut occasion de se trouver avec le docteur Louis, il se fit expliquer par lui le mécanisme de la machine. Le docteur Louis prit une plume et tant bien que mal fit un dessin de l’instrument.
Le roi examina le dessin avec attention, et arrivé au couperet :
— Le défaut est là, dit-il, le couperet, au lieu d’être façonné en croissant, devrait être de forme triangulaire et taillé en biais comme une scie. Et joignant l’exemple à la démonstration, Louis XVI prit à son tour une plume et dessina l’instrument comme il l’entendait.
Neuf mois après, la tête du malheureux Louis XVI tombait sous l’instrument que lui-même avait dessiné.

En regardant aux ouvertures grillées pratiquées dans les quatre murailles qui formaient cette cour, on pouvait voir quelques têtes pâles et inquiètes, dont les regards plongeaient sur la machine qui allait s’élevant toujours. C’étaient les têtes des prisonniers réveillés par les coups de marteau. On a le sommeil léger en prison, et ils regardaient quel évènement inattendu allait se passer dans cette cour.

Quelques personnes entraient les unes après les autres ; et, malgré la pluie qui continuait de tomber, ils examinaient cette machine avec curiosité. Ce furent d’abord le docteur Philippe Pinel, puis le célèbre Cabanis, dans les bras duquel Mirabeau venait de mourir il y avait quinze jours.

On demandait naturellement des explications au maître charpentier qui s’appelait Guidon, et qui, il faut le dire, s’empressait de donner ces explications avec une complaisance parfaite. Et maître Guidon expliquait de son mieux les vertus de la machine, pour laquelle il paraissait avoir une prédilection toute particulière, et qu’il appelait en riant « sa demoiselle », attendu, disait-il, qu’elle était vierge.
Dans un coin de la cour se tenait un autre groupe de quatre personnes. Celles-là étaient vêtues fort simplement et portaient des cheveux non poudrés.Le chef de ces quatre hommes était un homme de cinquante à cinquante-cinq ans, dont la taille était haute, le sourire bienveillant, la physionomie ouverte. Cet homme s’appelait Charles-Louis Samson, il était né le 15 février 1738, et exerçait depuis vingt ans, sous la direction de son père, les fonctions de bourreau de Paris. Les trois autres hommes étaient son fils et ses deux aides.
Cette présence de M. de Paris, comme on appelait alors l’exécuteur des hautes œuvres du département de la Seine, donnait une terrible éloquence à la machine.
Aussi nous l’avons dit, le bourreau, son fils et ses deux valets formaient-ils un groupe à part, qui ne se mêlait point aux autres groupes.
Vers huit heures, deux hommes apparurent à la grille qui s’ouvrit devant eux.
D’un âge de soixante-dix ans, pâle, souffrant de la maladie dont il devait mourir bientôt, était le docteur Louis, médecin par quartier du roi. L’autre était l’inventeur de la fameuse machine, le citoyen Joseph-Ignace Guillotin.
Tous deux s’approchèrent, Louis lentement, Guillotin avec cette vivacité qui faisait le côté remarquable de sa personne. Ce dernier parut enchanté de la manière dont maître Guidon avait traduit sa pensée, aussi lui demanda-t-il combien l’instrument pouvait coûter.

On frappa à la grille, et une petite voiture traînée à bras, fut introduite dans la cour.
— Ah ! Voilà ce que nous attendons, s’écria le docteur Guillotin tout joyeux.
Cette voiture contenait trois sacs, et les trois sacs trois cadavres, envoyés par la direction des hospices.
Le bourreau, son fils et les deux valets s’emparèrent d’un des cadavres et le couchèrent sur la bascule. Puis on fit jouer le ressort. Le ressort se détendit, le couperet se précipita avec la rapidité de la foudre, et la tète du cadavre, séparée du corps, roula sur le pavé de la cour.

Guillotin poussa un cri de joie.
Quant à la guillotine, elle pouvait être appelée « Madame », car elle venait de perdre sa virginité.
Quelques applaudissements se firent entendre. Le docteur salua.

Un second essai fut tenté avec un succès égal.

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Louis XVI et Marie-Antoinette, Basilique Saint-Denis

J’ai relevé dans cette page d’Alexandre Dumas : « espérons que nous vivrons assez pour enregistrer dans cette même histoire le nom du dernier ».

Mon cher Alexandre, il eut fallu que vous viviez bien vieux. C’est Hamida Djandoubi qui fut le dernier guillotiné. C’était à Marseille, le 10 septembre 1977. La peine de mort a été abolie en France le 9 octobre 1981.

Mona encore toute sa tête

Asperges à la Pompadour

pompadourEt c’est quoi des asperges à la Pompadour ? Le patron, homme de culture (d’asperges ?) oublie que nous n’avons pas tous la chance de tout savoir comme lui. Heureusement, vous avez votre petite Mona…

C’est dans le Grand Dictionnaire de la Cuisine d’ Alexandre Dumas que je vous ai trouvé la recette originale :

Monsieur de Jarente, ministre d’Etat pendant la faveur de Mme de Pompadour, a laissé à notre célèbre gourmand Grimod de la Reynière, digne neveu de son oncle, la prescription suivante :

« Choisissez trois bottes des plus belles asperges du gros plant de Hollande, c’est-à-dire blanches avec le bout violet.
Faites parer, laver et cuire en les plongeant comme à l’ordinaire, c’est-à-dire dans de l’eau bouillante; tranchez-les ensuite en les coupant en biais du côté de la pointe, à la longueur du petit doigt. Ne vous occupez que des morceaux de choix, et laissez de côté le reste de leurs tiges.
Mettez cesdits morceaux dans une serviette chaude afin de les égoutter en les maintenant chaudement, pendant que vous confectionnerez leur sauce.

Videz un moyen pot de beurre de Vanvres ou de la Prévalais, en prenant le contenu par cuillerées et le mettant dans une casserole d’argent; joignez-y quelques grains de sel avec une forte pincée de macis en poudre, une forte cuillerée de fleur de farine d’épeautre, et de plus, deux jaunes d’œufs frais bien délayés avec quatre cuillerées de suc de verjus muscat.
Faites cuire ladite sauce au bain-marie, en évitant de l’alourdir en lui laissant prendre trop d’épaisseur; mettez vos morceaux d’asperges tranchés dans ladite sauce, et servez le tout ensemble, en casserole couverte et en extra, pour que cet excellent entremets ne languisse point sur la table et puisse être apprécié dans toute sa perfection. »

Mona sparagus

Pour cuire l’éléphant, il ne faut pas se tromper

Le Grand Dictionnaire d’Alexandre Dumas réserve nombre de surprises au lecteur, ainsi :

« Que ce titre n’effraye pas le lecteur, nous n’allons pas le condamner à manger tout entier ce monstrueux animal, mais nous l’engagerons, si toutefois il lui tombait une trompe ou des pieds d’éléphant sous la main, d’y goûter en les assaisonnant de la façon que nous allons indiquer plus loin, et à nous en dire après des nouvelles.

elephant5La Cochinchine est peut-être aujourd’hui la seule nation qui mange la chair de l’éléphant et la regarde comme un aliment très délicat. Quand le roi en fait tuer un pour sa table, il en envoie des morceaux aux grands, ce qui est une très grande marque de faveur ; mais les morceaux les plus estimés sont toujours la trompe et les pieds.
Levaillant dit que c’est un mets exquis. « Les pieds grillés, ajoute-t-il, sont un manger de roi ; je ne concevais pas qu’un animal aussi lourd, aussi matériel, pût fournir un mets aussi délicat ; je dévorai sans pain le pied de mon éléphant. »

Nous allons donc indiquer, pour ceux de nos lecteurs qui voudraient faire comme Levaillant, une recette pour les pieds d’éléphant que nous devons encore à M. Duglerez de la maison Rothschild.

Prenez un ou plusieurs pieds de jeunes éléphants, enlevez la peau et les os après les avoir fait dégorger pendant quatre heures à l’eau tiède. Partagez-les ensuite en quatre morceaux dans la longueur et coupez-les en deux, faites-les blanchir dans de l’eau pendant un quart d’heure, passez-les ensuite à l’eau fraîche et égouttez-les dans une serviette.

Ayez ensuite une braisière qui ferme bien hermétiquement ; placez au fond de cette braisière deux tranches de jambon de Bayonne, mettez dessus vos morceaux de pieds, puis quatre oignons, une tête d’ail, quelques aromates indiens, une demi-bouteille de madère et trois cuillerées de grand bouillon.

Couvrez bien ensuite votre braisière et faites cuire à petit feu pendant dix heures ; faites passer la cuisson bien dégraissée à demi-glace en y ajoutant un verre de porto et 50 petits piments que vous aurez fait blanchir à grande eau et à grand feu pour les conserver très verts.
Il est nécessaire que la sauce soit très relevée et de bon goût ; veillez surtout à ce dernier point.

Les Indiens ne font pas tant de façons ; il est vrai qu’ils sont moins versés que nous dans les mystères de la haute cuisine ; aussi font-ils tout simplement cuire sous la cendre, après les avoir préalablement enveloppés dans des feuilles serrées avec des fibres de jonc.
Ce qui ne les empêche pas, du reste, de s’en régaler. »