Mes frais m’effraient

Nous sommes en août 1477. Monsieur de Paris, autrement dit le bourreau, se pointe à la Prévôté de Paris et présente sa note de frais comme après chaque exécution. Et celle là marqua les esprits puisqu’il s’agissait de Jacques d’Armagnac, Duc de Nemours, pair de France et frère de lait du roi Louis XI. Accusé de haute trahison, il fut condamné à mort, mais les choses furent bien faites : Jacques fut placé sur un cheval drapé de noir et mené aux Halles, où on le fit monter sur un échafaud construit à son intention et entièrement recouvert de draperies noires. En route, comme le voulait la tradition, le cortège s’arrêta au couvent des Filles-Dieu, rue Saint-Denis. Là, tandis que les nones priaient pour le salut du condamné, le futur défunt et les accompagnants buvaient le dernier verre en portant des toasts du genre : longue vie et bonne santé. C’est le bourreau qui payait l’addition avant de se faire rembourser.

Mais ce jour là, ça coince : le contrôleur trouve la note un peu salée. Douze livres et six deniers pour du pain et des fruits et douze pintes de vin qu’ont bues ces Messieurs du Parlement et officiers du Roi.

Le bourreau fut-il payé intégralement ? L’Histoire ne le dit pas…

Notre journal étant professionnel, je ne broderai pas. Par contre, si l’un de vous en sait plus, je lui assure une publication rapide.

Alors Mona, inutile de me faire signer une note de frais pour servir ce vin.  Que diriez-vous du Moulin à Vent 2009 de Thibault Liger Belair. Là on dit : y’a du vin et tout est dit ! Grandiose.

Sang d’Ancre

Vous souvenez vous que Concini fut assassiné ? Vous souvenez vous que son corps fut déterré puis « dispersé, ventilé », et enfin brûlé ? .. Pendant ce temps, sa veuve, sœur de lait de la Reine Marie de Médicis, se retrouva bien seule. Marie de Médicis, ayant compris que son fils Louis XIII avait pris le pouvoir, ne souhaitait plus s’afficher avec la veuve du Maréchal d’Ancre.  Mais, laissons Abel Hugo nous raconter :

La malheureuse veuve du maréchal s’était couchée après avoir caché ses pierreries dans la paillasse de son lit. « Les archers envoyés chez elle par Vitry, sur l’ordre du roi, dit la relation contemporaine que nous avons déjà citée, la trouvèrent encore dans le lit; et quelqu’un y fut arec eux pour saisir les coffres, et empêcher que l’argent ne fût détourné. On fouilla partout pour trouver les pierreries, sans rien trouver; et par ce qu’on savait bien qu’il y en avait, on la fit lever pour fouiller dans son lit, où elles furent trouvées : ce qui ne put pas être fait si paisiblement, que les petits meubles et habillements qui se trouvèrent hors des coffres ne fussent pillés ou détournés par les archers; de façon que la maréchale ne trouva point de bas de chausse quand elle se voulut vêtir, et fut contrainte d’envoyer demander à son fils, qui était retenu prisonnier en un autre endroit, s’il n’avait point un écu sur lui pour en envoyer acheter. Ce pauvre petit garçon lui envoya quelques quarts d’écu qu’il trouva en sa pochette, dont un ne lui sut acheter qu’un bas de toile.

La maréchale resta quatre jours au Louvre, et fut ensuite envoyée à la Bastille. La jeune épouse de Louis XIII (qu’on appelait alors la petite reine, pour la distinguer de la régente), Anne d’Autriche, insensible aux malheurs de cette femme tombée de si haut, voulut jouir elle-même de son abaissement. « Sur le soir, comme on eut résolu de mener la maréchale à la Bastille, la petite reine y envoya le duc d’Uzès, qui fut longtemps avec elle pour voir seulement sa mine, et elle-même, déguisée, la voulut voir mener, derrière d’autres personnes. » Avant de quitter ce Louvre, où elle avait été si longtemps puissante et respectée, la maréchale eut à subir une dernière humiliation. Un des assassins de son mari, Du Hallier, devenu capitaine des gardes de Louis XIII, lui demanda si elle n’avait pas de pierreries cachées sur elle ; la maréchale, qui avait un caleçon de frise rouge de Florence, haussa sa cotte (pour montrer sans doute qu’elle n’avait point de poches cachées ) ; Du Hallier lui dit en riant « qu’il « fallait donc mettre les mains au caleçon » ; elle répondit « qu’en autre temps elle ne l’eût pas souffert ; mais lors tout était permis, et Du Hallier tâta un peu sur le caleçon. »

Eléonore Galigaï espérait que le roi la renverrait à Florence, d’où elle était venue jeune et pauvre, mais joyeuse, avec Marie de Médicis, à laquelle elle s’était dévouée. « Pauvre papillon! dit le cardinal de Richelieu, elle ne savait pas alors que le feu qui la consumerait était inséparablement uni à l’éclat de cette vive lumière qu’elle suivait transportée d’aise et de contentement. « 

Elle sera condamnée pour sorcellerie. Décapitée, son corps fut ensuite brûlé.

Mona, çà donne chaud tout çà. Sortez donc deux verres, je vous prie. Nous allons boire un Moulin à Vent Les Rouchaux 2009 de Thibault Liger-Belair. Ce bourguignon tire du Gamay une cuvée facile à boire. De quoi se réconcilier, s’il en était besoin avec le Beaujolais…