Pinard, quelle veine !

Au cours de mes promenades livresques, j’ai trouvé un texte qui fera bondir nos pisse-vinaigre qui dirigent les lobbys anti-vins. Ces lignes ont été écrites à une époque où le divin breuvage était considéré non comme un poison pour buveurs alcooliques, mais comme un remède. Vous allez dire que le nombre d’articles sur ce thème devient omniprésent sur ce blog. Mais, contre les offensives répétées de ces lobbys, nous devons maintenir une dure lutte.

Revenons à nos moutons, plus exactement à la naissance du fils d’Henri IV et de Marie de Médicis qui régna sous le nom de Louis XIII. Si Papa Henri IV eut le droit à quelques gouttes de Jurançon le jour de sa naissance, le petit Louis prit deux fois du vin à peine sorti des entrailles de sa royale mère :

Lorsque Marie de Médicis fut entièrement délivrée, l’enfant se trouvant faible, pour avoir longtemps séjourné en attendant l’arrière-faix, il lui fut donné un peu de vin par M. Guillemeau, chirurgien ordinaire du Roi ; puis, sa gouvernante le prit et le porta devant le feu où il fut assez longtemps, tandis que la sage-femme pansait la Reine, qui alla sur ses pieds, depuis sa chaise d’où elle venait d’accoucher, jusque dedans son lit, sans l’aide de presque de personne.
Henri IV avait raison de dire que sa seconde épouse était d’un naturel terriblement robuste et fort.
Revenant à l’enfant, on lui administra dans sa cuiller, un peu de Mithridate détrempé avec du vin blanc, qu’il avala fort bien et en suça ses lèvres comme si c’était du lait.
Après l’avoir examiné sous toutes ses faces et constatant qu’il était grand de corps, gros d’ossements, fort musculeux, bien nourri, fort poli, de couleur rougeâtre et vigoureux tout ce que l’on peut penser pour ce petit âge ; que son cou était gros et fort, les épaules larges, la poitrine bien relevée, les bras grands, les mains aussi, et … les parties génitales à l’avenant ; on procéda au lavage de tout le corps, avec du vin vermeil mêlé avec de l’huile rosat. Pendant tout cela, il cria fort peu.
Après qu’il eut été emmailloté, il fut porté sur le lit de la Reine et couché à sa droite.

Mona pas bu son petit verre. Est-ce pour cela qu’elle se sent faible ?

Deux dents dehors ?

Cet arracheur de dents me fait peur

Aujourd’hui, on écrit de moins en moins. Le téléphone a remplacé le stylo. Grâce aux mémoires et correspondances, nous pouvons savourer des anecdotes sur la vie de ceux qui nous ont précédés. Ainsi lorsque Marie de Médicis débarqua en France pour épouser le Vert-Galant[1], elle vint avec son coiffeur, son cuisinier, ses médecins…Ces apports humains étaient à la fois source d’enrichissement dans les domaines de la gastronomie, de la cuisine et de la mode et en même temps causes de rivalités. Ainsi les médecins français estimaient que leur art était supérieur à celui des Italiens et Marie dut subir saignées et purges, remèdes fort usités dans notre royaume. Voulant garder leur emprise sur la reine, ils faisaient tout pour écarter leurs confrères transalpins. L’ambassadeur florentin, Andrea Cioli, a tenu informé les Médicis de ce qui se passait à la Cour de France et a laissé une abondante correspondance. En septembre 1610, il rapporte que Marie de Médicis fit appel contre l’avis de ses médecins français à un de ses Florentins : 

La reine, écrit Cioli, voulait, ce matin, se faire ôter une dent, qui l’a fait souffrir plusieurs fois ces jours-ci. C’est pourquoi, me trouvant là, je dis à Forzona, la première femme de chambre de la reine, qu’avant de se résoudre à ce martyre, Sa Majesté ne risquerait rien d’essayer un remède du capitaine Horatio Tornabuoni, lequel, en un clin d’œil, avait fait merveille pour quelqu’un d’autre. La Forzona le dit à Sa Majesté, qui voulut m’entendre et me manda exprès dans sa chambre; pendant qu’elle se faisait coiffer. L’on envoya aussitôt chercher Tornabuoni, qui se mit à lui appliquer son onguent aux tempes et puis dans les oreilles, de ses propres mains, lui donnant aussi des soins, au grand scandale de deux médecins, qui comparurent à ce moment. Et ainsi est restée en suspens l’opération de l’extraction de la dent, pour laquelle on avait fait venir un maître de Toulouse. Celui-ci, pour se faire la main et prouver son talent, en avait ôté une à un valet de la cour, qui s’évanouit presque de douleur. Pour rendre courage à la reine, le maître de Toulouse affirmait que c’était la peur et non la douleur l’avait ainsi anéanti, ce que le pauvre diable était contraint d’affirmer. Le succès d’Horatio Tornabuoni fut complet ; il devint un des familiers de la Cour, au grand désespoir de l’arracheur de dents.

Mona, ma chère, vous imaginez ce que nos ancêtres subissaient. C’est bien simple, mes dents claquent comme des castagnettes dans les mains d’un gitan. Aussi, je vous serai gré de verser ce liquide divin pour retrouver mes esprits. Il s’agit d’un Ladoix 1er Cru Les Gréchons 2009 de Jean-René Nudant. Cette appellation encore mal connue offre de grands vins à des prix plus raisonnables que leurs voisins.


[1] Henri IV

Condamnée aux travaux forceps

M'enfin, Mona, uniquement des verres à pied pour Messire le Vin !

Henri IV approche des 50 ans et il n’a toujours pas d’héritier. Marié à Marguerite de Valois, mais vivant avec Gabrielle d’Estrées, il n’a pas d’enfants légitimes. En 1599, sa célèbre maitresse meurt et il obtient l’annulation de son mariage. La place est libre pour Marie de Médicis qu’il épouse en 1600. De cette union, naît un an plus tard un Dauphin, le futur Louis XIII. Comme c’est de tradition à la Cour de France, la Reine devait accoucher devant les Princes. Et pourtant, ce 27 septembre 1601, à Fontainebleau, le spectacle ne fut pas joli, joli. Les douleurs durèrent plus de 22 heures, accompagnées de coliques à répétition.

La sage femme Louise Bourgeois qui officia raconte par le menu cette naissance. Elle relate notamment une anecdote croustillante. Trouvant le bébé un peu chétif et peu vigoureux, elle s’adresse au Roi pour lui conseiller un remède. Mais laissons place à Louise :

«J’enveloppai bien l’enfant, ainsi que j’entendais ce que j’avais à faire. Le roi vient auprès de moi ; je regarde l’enfant au visage. Je le vis en grande faiblesse de la peine qu’il avait enduré. Je demande du vin à l’un des premiers valets de chambre du roi. Il apporta une bouteille, je lui demande une cuiller. Le roi prit la bouteille et je lui dis :
«Sire, si c’était un autre enfant, je mettrais du vin dans ma bouche et lui en donnerais, de peur que la faiblesse ne dure trop».
Le roi me mit la bouteille contre la bouche et me dit :
«Faites comme à un autre».
J’emplis ma bouche de vin et lui en soufflai ; à l’heure même, il revint et savoura le vin que je lui avais donné.

Héroüard, médecin du roi constata que le nouveau-né était « un enfant grand de corps, gros d’ossements, fort musculeux…les parties génitales à l’avenant du corps et le croupion tout velu« . 

Quand je pense que nos gouvernants actuels ne considèrent le vin que comme une drogue, çà me fend le cœur. Et vous, çà ne vous fend pas le cœur ?

Bon en attendant, ma Chère Mona, si vous voulez bien sortir deux verres, je vous invite à déguster le Château Pipeau 2007. Ce Saint-Emilion est une valeur sure de l’appellation. Et vous qui me semblez bien pâlotte, il vous donnera un bon coup de fouet…

Sang d’Ancre

Vous souvenez vous que Concini fut assassiné ? Vous souvenez vous que son corps fut déterré puis « dispersé, ventilé », et enfin brûlé ? .. Pendant ce temps, sa veuve, sœur de lait de la Reine Marie de Médicis, se retrouva bien seule. Marie de Médicis, ayant compris que son fils Louis XIII avait pris le pouvoir, ne souhaitait plus s’afficher avec la veuve du Maréchal d’Ancre.  Mais, laissons Abel Hugo nous raconter :

La malheureuse veuve du maréchal s’était couchée après avoir caché ses pierreries dans la paillasse de son lit. « Les archers envoyés chez elle par Vitry, sur l’ordre du roi, dit la relation contemporaine que nous avons déjà citée, la trouvèrent encore dans le lit; et quelqu’un y fut arec eux pour saisir les coffres, et empêcher que l’argent ne fût détourné. On fouilla partout pour trouver les pierreries, sans rien trouver; et par ce qu’on savait bien qu’il y en avait, on la fit lever pour fouiller dans son lit, où elles furent trouvées : ce qui ne put pas être fait si paisiblement, que les petits meubles et habillements qui se trouvèrent hors des coffres ne fussent pillés ou détournés par les archers; de façon que la maréchale ne trouva point de bas de chausse quand elle se voulut vêtir, et fut contrainte d’envoyer demander à son fils, qui était retenu prisonnier en un autre endroit, s’il n’avait point un écu sur lui pour en envoyer acheter. Ce pauvre petit garçon lui envoya quelques quarts d’écu qu’il trouva en sa pochette, dont un ne lui sut acheter qu’un bas de toile.

La maréchale resta quatre jours au Louvre, et fut ensuite envoyée à la Bastille. La jeune épouse de Louis XIII (qu’on appelait alors la petite reine, pour la distinguer de la régente), Anne d’Autriche, insensible aux malheurs de cette femme tombée de si haut, voulut jouir elle-même de son abaissement. « Sur le soir, comme on eut résolu de mener la maréchale à la Bastille, la petite reine y envoya le duc d’Uzès, qui fut longtemps avec elle pour voir seulement sa mine, et elle-même, déguisée, la voulut voir mener, derrière d’autres personnes. » Avant de quitter ce Louvre, où elle avait été si longtemps puissante et respectée, la maréchale eut à subir une dernière humiliation. Un des assassins de son mari, Du Hallier, devenu capitaine des gardes de Louis XIII, lui demanda si elle n’avait pas de pierreries cachées sur elle ; la maréchale, qui avait un caleçon de frise rouge de Florence, haussa sa cotte (pour montrer sans doute qu’elle n’avait point de poches cachées ) ; Du Hallier lui dit en riant « qu’il « fallait donc mettre les mains au caleçon » ; elle répondit « qu’en autre temps elle ne l’eût pas souffert ; mais lors tout était permis, et Du Hallier tâta un peu sur le caleçon. »

Eléonore Galigaï espérait que le roi la renverrait à Florence, d’où elle était venue jeune et pauvre, mais joyeuse, avec Marie de Médicis, à laquelle elle s’était dévouée. « Pauvre papillon! dit le cardinal de Richelieu, elle ne savait pas alors que le feu qui la consumerait était inséparablement uni à l’éclat de cette vive lumière qu’elle suivait transportée d’aise et de contentement. « 

Elle sera condamnée pour sorcellerie. Décapitée, son corps fut ensuite brûlé.

Mona, çà donne chaud tout çà. Sortez donc deux verres, je vous prie. Nous allons boire un Moulin à Vent Les Rouchaux 2009 de Thibault Liger-Belair. Ce bourguignon tire du Gamay une cuvée facile à boire. De quoi se réconcilier, s’il en était besoin avec le Beaujolais…

Jetez l’ancre

Concini "conseille" Marie de Médicis

Si comme moi, vous aimez les films de cape et d’épée, vous avez surement aimé « Le Capitan« . Jean Marais et Bourvil en sont les vedettes. Ils se battent contre Concini, Maréchal d’Ancre.

Ce jour, dans le cadre de nos articles culturels, je vous invite à découvrir un peu plus ce personnage antipathique du film.

Il faut dire que dans la réalité, il en fut de même. Qui était donc ce Concini ?

Ne voulant pas fatiguer vos méninges par des textes trop longs, je vous propose de survoler la vie de ce Toscan en 2 articles. Aujourd’hui, mise en bouche avec la vie de l’Italien et dans un autre papier, sa mort…

Tout commence lorsqu’Henri IV cherche une épouse. Son choix se pose sur Marie de Médicis essentiellement pour des raisons financières : il avait un million d’écus de dette auprès des Médicis. Grâce à la dote, la facture serait réduite à 400.000 écus (çà donne forcément des attraits à la promise). Marie n’arrive pas seule en Royaume de France, c’est le moins qu’on puisse dire : deux mille Italiens l’accompagnent qui, pour la plupart, viennent chercher fortune ou se faire oublier…
Au milieu de cette foule, Concino Concini. D’origine noble, il demanda très jeune sa part d’héritage qu’il croqua rapidement dans les tripots. Ruiné, il rentre à Florence. Il y vécut d’escroqueries et de « petites combines ». Aussi le mariage de Marie de Médicis était l’occasion rêvée pour aller sous d’autre cieux.  Durant le voyage, il rencontre une « sorte de naine noire, avec des yeux sinistres comme des charbons d’enfer[1]« . Mais la petite (si j’ose dire) a un avantage. Elle est la sœur de lait de Marie. Concini se dit que se marier avec Léonora Galigaï (c’est son nom), c’est se rapprocher de la future Reine de France…

Rapidement, les Concini prennent du galon au Louvre. Leonora était « dame d’atour de la Reine de Médicis. Bien qu’Henri IV n’aimât jamais ce couple trop influent sur sa femme, les Concini s’enrichirent rapidement grâce à la générosité de Marie : hôtel particulier, château à la campagne…

Mais, c’est après l’assassinat du Roi que les Concini prirent les manettes du royaume. Marie de Médicis était sous influence de sa sœur de lait qui elle-même obéissait à son mari. Les titres pleuvent : maréchal d’Ancre puis lieutenant général de la Normandie. Richelieu que Concini avait amené au gouvernement de la France disait du Maréchal d’Ancre : « II avait pour principal but d’élever sa fortune aux plus hautes dignités et pour second désir, la grandeur du roi et de l’État. »

Mais ils commirent une erreur, ils ne ménagèrent pas le futur roi Louis XIII. Pis, ils lui firent subir vexations et humiliations. Aussi, une des premières décisions du jeune roi fut de se débarrasser des Concini.

En avril 1617, c’est fait. C’est dans la cour du Louvre que cinq coups de feu abattent le Florentin. On rapporte que Louis XIII dit : « A cette heure, je suis roi ». Marie de Médicis fut exilée au château de Blois.

Pour savoir la suite, un peu de patience, mes aminches. Je ferai appel à Abel Hugo, le frère de Victor, pour vous relater les jours qui suivirent l’assistanat de Concino… Cà vaut son pesant de cacahouètes.

Mona pas pouvoir attendre longtemps, et vous ?


[1] Selon la description qu’en fait Michelet