Une folle habitée

Théroigne participa activement à la prise des Tuileries
Théroigne participa activement à la prise des Tuileries

Imaginez Diane en galant équipage,
Parcourant les forêts ou battant les halliers,
Cheveux et gorge au vent, s’enivrant de tapage,
Superbe et défiant les meilleurs cavaliers !

Avez-vous vu Théroigne, amante du carnage,
Excitant à l’assaut un peuple sans souliers,
La joue et œil en feu, jouant son personnage,
Et montant, sabre au poing, les royaux escaliers ?

Telle la Sisina ! Mais la douce guerrière
À l’âme charitable autant que meurtrière ;
Son courage, affolé de poudre et de tambours,

Devant les suppliants sait mettre bas les armes,
Et son cœur, ravagé par la flamme, a toujours,
Pour qui s’en montre digne, un réservoir de larmes.

Vous savez que Baudelaire est un poète qui compte pour nous. Dans ces vers qui sont un hommage à la femme, Charles évoque Diane, la déesse chasseresse, la Sisina, actrice en vogue et Théroigne.

C’est de cette dernière que je vais vous entretenir. La période révolutionnaire a été la première occasion pour les femmes de s’émanciper. Oh, bien sûr, ce ne sont que quelques pionnières qui osèrent braver l’ordre et la primauté masculine. Elles furent moquées, déshonorées et/ou guillotinées. Si je n’oublie pas Rose Lacombe, l’héroïne par excellence reste Olympe de Gouges.

Aujourd’hui, je souhaite rendre hommage à Anne Josèphe Terwagne dite Théroigne de Méricourt. Née dans un milieu modeste en pays belge (et donc autrichienne de nationalité), elle jouit d’une beauté qui lui permet de mener une vie mondaine et lui donne la richesse. Attirée par la Révolution, elle s’installe à Versailles puis Paris. Le Salon qu’elle ouvre est fréquenté par des députés en vue tels Brissot, Camille Desmoulins… Elle fréquente assidûment l’Assemblée. Arrêtée par les royalistes en 1790, elle est emprisonnée en Autriche durant deux ans.

Quand elle rentre en France, elle est devenue très populaire. Elle affiche de plus en plus ses idées en étant notamment partisane d’une guerre contre l’Autriche et propose même la création de légions d’amazones. Ses propositions sont critiquées aussi bien par la presse royaliste que par la presse révolutionnaire qui pense que la place de la femme est uniquement au foyer, comme disait Henri Désiré Landru.

Soupçonnée de soutenir les Girondins, elle échappe de peu à la guillotine mais des poissardes avinées l’attrapent lui soulèvent ses vêtements et lui donnent une fessée qui ne s’arrête que sur ordre de Marat. L’histoire a retenu quelques noms de ces femmes : Perrette la Douteuse, Margot la mal peignée et Madame Mille Gueules.

Est-ce cela qui la fragilisera ? En tous cas, Théroigne est déclarée folle et enfermée. Elle y restera 23 ans jusqu’à ce 8 juin 1817, date de sa mort. Nous ne souscrivons pas à cette hypothèse souvent rapportée dans les livres d »histoire. Par contre, nous ne pouvons que souligner l’insistance de l’un de ses frères pour la faire interner, ce qui lui donnait des droits sur un héritage confortable laissé par la belle amazone…

Bon Mona, c’est un honneur de déboucher une bouteille à la mémoire des ces femmes héroïques. Buvons un Champagne Laurent Perrier Brut. Une forte proportion de Chardonnay en fait un vin idéal pour s’ouvrir l’appétit. 

Olympe pique

Si vous êtes un fidèle lecteur de ce blog, vous vous rappelez d’Olympe Gouges. Cette chienne de garde avant l’heure, cette passionaria de la cause féministe a fini sur l’échafaud. Je vous ai fait un « raccourci » de la dame. Si vous voulez vous rafraichir la mémoire sur Olympe, une relecture de cet article s’impose.

Le postambule de sa « Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne » était révolutionnaire pour l’époque et le reste même de nos jours ; il secoue notre rapport homme/femme qui n’est pas encore franchement un modèle d’égalité. Qu’on se le dise !

Femme, réveille-toi ; le tocsin de la raison se fait entendre dans tout l’univers ; reconnais tes droits. Le puissant empire de la nature n’est plus environné de préjugés, de fanatisme, de superstition et de mensonges. Le flambeau de la vérité a dissipé tous les nuages de la sottise et de l’usurpation. L’homme esclave a multiplié ses forces, a eu besoin de recourir aux tiennes pour briser ses fers. Devenu libre, il est devenu injuste envers sa compagne. 0 femmes !  Femmes, quand cesserez-vous d’être aveugles ? Quels sont les avantages que vous avez recueillis dans la Révolution ? Un mépris plus marqué, un dédain plus signalé. Dans les siècles de corruption vous n’avez régné que sur la faiblesse des hommes. Votre empire est détruit ; que vous reste-t-il donc ? La conviction des injustices de l’homme. La réclamation de votre patrimoine, fondée sur les sages décrets de la nature.

Craignez-vous que nos législateurs français, correcteurs de cette morale, longtemps accrochée aux branches de la politique, mais qui n’est plus de saison, ne vous répètent : femmes, qu’y a-t-il de commun entre vous et nous ? Tout, auriez-vous à répondre. S’ils s’obstinaient, dans leur faiblesse, à mettre cette inconséquence en contradiction avec leurs principes; opposez courageusement la force de la raison aux vaines prétentions de supériorité ; réunissez-vous sous les étendards de la philosophie ; déployez toute l’énergie de votre caractère, et vous verrez bientôt ces orgueilleux, nos serviles adorateurs rampants à vos pieds. Quelles que soient les barrières que l’on vous oppose, il est en votre pouvoir de les affranchir; vous n’avez qu’à le vouloir.

 Mona une admiration pour celle qui a dit : « La femme a le droit de monter sur l’échafaud, elle doit avoir également celui de monter à la tribune« .

Messieurs les députés, il y a encore du boulot…. Enfin, c’est Mona-vis.

Des gars, des os

L’année 1793, fut une des plus folles que connut la France. Les exécutions se suivirent à la chaîne. Après Louis XVI en janvier, ce fut le tour de Marie-Antoinette et des Girondins en octobre, d’Olympe de Gouges en novembre et de Madame du Barry en décembre. Cette même année, les restes des rois furent exhumés, pillés ou détruits. Les restes furent jetés dans une fosse commune.
Un texte de l’époque relate ce déchainement. C’est le « Journal historique de l’extraction des cercueils royaux, dans l’Église de Saint-Denis, fait par le citoyen Druon, ci-devant bénédictin« .

Le premier jour, le samedi 12 octobre dans l’après-midi, les ouvriers chargés des exhumations descendirent à la lueur de torches et de lanternes vers le caveau des Bourbon situé dans la galerie souterraine.
Le premier roi à être sorti de son repos est Henri IV qui apparut, momifié, incroyablement bien conservé, avec sa barbe blanche intacte et « les traits du visage parfaitement reconnaissables » selon plusieurs témoins. Le cercueil ouvert fut ensuite exposé durant plusieurs heures, dressé contre l’un des piliers du passage des chapelles basses. De nombreuses anecdotes ont circulé sur l’attitude adoptée par le public à ce moment-là, dont l’épisode légendaire d’un soldat qui va trancher la barbe d’Henri IV, le roi guerrier et conquérant, pour en faire une moustache postiche avant de s’écrier : « et moi aussi je suis soldat français et désormais, je n’aurais plus d’autres moustaches. Maintenant, je suis sûr de vaincre les ennemis de la France et je marche à la victoire ».
Le soir venu, les ouvriers partent et laissent le roi dressé seul, sur son pilier.

Deux jours plus tard, le lundi 14 octobre, le travail reprend vers 3 heures de l’après-midi. Ils prennent le corps d’Henri IV et le jettent le premier dans la fosse commune creusée spécialement pour les Bourbon.

Un des profanateurs et voleur de restes humains est Alexandre Lenoir, directeur du Musée des Monuments Français. On sait qu’il vola notamment quelques poils de la moustache d’Henri IV pour en donner ensuite une partie à son ami Vivant Denon qui dirigeait le Louvre.

Les poils de moustache d’Henri IV sont conservés dans un reliquaire au musée Bertrand de Châteauroux et offrent, là encore, une excellente traçabilité.

Mona pas de sympathie révolutionnaire.

Gouges, ah ?

Olympe de Gouges, écrivain sans relief, montée de Montauban, publie, dès 1788, plusieurs articles dont une « Lettre au peuple » où elle appelle à des réformes politiques, économiques et sociales radicales. L’année suivante, alors que la Révolution gronde, elle multiplie les libelles politiques. La tribune de l’Assemblée n’étant pas ouverte aux femmes, elle assiste aux débats de l’Assemblée Nationale dans les tribunes des Jacobins.

En 1791, Olympe de Gouges publie un texte radicalement féministe intitulé « Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne » en réponse à la fameuse « Déclaration des droits de l’homme ». Ce texte de 17 articles proclame notamment le droit des femmes à devenir des citoyennes égales aux hommes en matière civile et politique.

Prise dans le tourbillon de la Révolution et abhorrant la peine de mort, elle propose son aide à Malesherbes pour assister le Roi dans son procès devant la Convention. Elle souhaite que le souverain soit exilé et non exécuté. Vivement opposée au régime de la Terreur, elle signe un placard contre Robespierre et Marat qu’elle accuse d’être responsable des effusions de sang. Fidèle à ses principes humanistes, elle y déclare que « Le sang même des coupables, versé avec profusion et cruauté, souille éternellement les révolutions ».

C’est l’escalade. Soutenant les Girondins, elle écrit, entre autres, le 2 novembre 1793 :

« Toi, Robespierre, désintéressé, toi, philosophe, toi, ami de tes concitoyens, de l’ordre et de la paix ! tu oses le dire ? Ah ! si cela est, malheur à nous ! Car quand un méchant fait le bien, il prépare de grands maux ; et j’ai bien peur que cette ritournelle de ton ambition ne nous donne bientôt une musique lugubre. Vois quelle différence entre nos âmes! La mienne est véritablement républicaine; la tienne ne le fut jamais. […] Tu te dis l’unique auteur de la révolution ; tu n’en fus, tu n’en es, tu n’en seras éternellement que l’opprobre et l’exécration. « 

Immédiatement arrêtée, elle est condamnée à mort.

C’est le célèbre bourreau Sanson qui raconte, dans ses mémoires, les derniers instants d’Olympe :

Le 4 au matin, à trois heures, le bourreau vint la chercher, elle était instruite de son sort, et ne paraissait point abattue ; quand on lui eut coupé les cheveux, elle demanda un miroir. Grâce à Dieu, s’écria-t-elle en s’y regardant, mon visage ne me jouera pas de mauvais tour, je ne suis pas trop pâle.
Les apprêts terminés, elle monta courageusement dans la fatale charrette. Pendant tout le trajet elle ne rompit que deux fois le silence : une fois par cette exclamation : « Fatal désir de la renommée », une autre fois par celle-ci : « J’ai voulu être quelque chose! » Arrivée au pied de l’échafaud, elle dit encore: « Ils vont être contents, ils auront détruit l’arbre et la branche ! » Puis en montant les marches, elle regarda le peuple, et s’écria : « Enfants de la patrie, vous vengerez ma mort ! »

Fin tragique  pour une femme qui avait dit : « La femme a le droit de monter à l’échafaud; elle doit avoir également celui de monter à la tribune. »

Et pourtant la bataille du droit des femmes est loin d’être gagnée. Voici comment on la juge dans un journal de l’époque intitulé: La Feuille du salut public : « Olympe de Gouges, née avec une imagination exaltée, prit son délire pour une inspiration de la nature. Elle voulut être homme d’état. Elle adopta les projets des perfides qui voulaient diviser la France. Il semble que la loi ait puni cette conspiratrice d’avoir oublié les vertus qui conviennent à son sexe. »

Gouges ? Gouges, mais c’est un grand vigneron bourguignon. Ma Chère Mona, portons un toast aux féministes de tout poil et soyons sûrs que Madame Gouges nous regardera de son Olympe. Ce Nuits Saint Georges 1er cru Les Pruliers 2007 est déjà fort agréable à boire.