Çà fait « papauter »

A la lecture du courrier de Théo Laugiens, je me suis posée des questions. Pourquoi moi ? Pourquoi ce Théo s’adresse à moi ? En effet, notre lecteur me demande «pourquoi le Pape, lors de son élection change de prénom et n’utilise plus son nom de famille ?»

Pour un journal épicurien, le sujet semble peu adapté. Même si, au cours des siècles, de nombreux souverains pontifes sont plus connus pour leur vie faste et agitée que pour leurs bulles !

Selon la tradition, le premier Pape qui changea son nom fut Serge II, élu en 844. On évoque un nom de famille lourd à porter. En effet, le cardinal s’appelait Os Porci que l’on peut traduire par groin de porc… Est-ce dû à une déformation du visage d’un de ces ancêtres ou de lui-même ? On ne le sait. Mais il faut avouer que pour diriger l’Eglise de Rome, çà fait tâche. Et certains historiens ont repris cela sans vraiment vérifier.
Heureusement pour vous, mes petits chats, Mona,elle, scrute homme et sujet à fond. Et je suis en mesure de rétablir la vérité. Certes, il y eut bien un Serge IV, pape élu en 1009 qui s’appelait Groin de Porc[1]. Mais lors de son élection, la tradition de changer de nom était bien établie.

Mais alors me direz-vous qui c’est ? Ne nous laissez pas, Mona, phare de l’intelligence et déesse de la beauté et du savoir, dans notre vide culturel. … Bon ok, j’y viens. Doucement, y a pas le feu, comme dirait Pierre Cauchon

Au cours des premiers siècles, seuls les cardinaux qui avaient un prénom païen en changeaient pour en prendre un chrétien. Et pourtant en 983, le Cardinal Campanora fut porté sur le fauteuil de Pierre[2]. Il se prénommait justement Pierre : plus chrétien, tu meurs ! Mais il s’estima indigne de porter le prénom du premier pontife. Il devint Pape sous le nom de Jean XIV. Depuis les Papes adoptent un prénom qui devient leur patronyme.

On peut trouver deux explications : tout d’abord les Papes étaient de puissants souverains et comme les Rois, ils étaient connus avec un prénom suivi d’un chiffre, style Louis XIII, XIV, XV… Ensuite, dans la Bible, les hommes choisis par Dieu changent leur nom : Abram devient Abraham, Jacob devient Israël, Simon devient Pierre et Saul devient Paul…

Et voilà le travail. Alors Théo Logien, j’espère que vous vous sentez moins ignorant qu’hier. Bon, ben Mona peut rentrer chez elle dans sa voiture douze soupapes, avec le sentiment du devoir accompli et non à complies[3].

Mona-thé ou café ?


[1] Avait-il un lien de parenté avec l’évêque Pierre Cauchon (et non Cochon) qui organisa un barbecue géant pour Jeanne d’Arc ?
[2] Pierre était un apôtre de Jésus et fut désigné par lui comme chef de l’Eglise, autant dire comme Pape.
[3] C’est la dernière heure de l’office divin, destinée à précéder immédiatement le repos de la nuit.

Vous avez fini de papauté !

Mona et le Pape à Châteauneuf du Pape

Le vignoble de Chateauneuf-du-Pape doit son expansion à l’installation des Souverains Pontifes en Comtat Venaissin à partir de 1305. Cinq cent soixante plus tard, Alphonse Daudet et son ami Paul Arène se retrouvent à Clamart et écrivent ce qui deviendra «Les lettres de mon moulin».
Dans son recueil de nouvelles et de contes, on peut lire l’histoire de «la mule du pape».  J’ai retenu le début de ce texte qui est un hommage au bien vivre de ces prélats.

Qui n’a pas vu Avignon du temps des Papes, n’a rien vu… Ah ! l’heureux temps ! l’heureuse ville ! Des hallebardes qui ne coupaient pas ; des prisons d’État où l’on mettait le vin à rafraîchir. Jamais de disette ; jamais de guerre… Voilà comment les Papes du Comtat savaient gouverner leur peuple ; voilà pourquoi leur peuple les a tant regrettés !…

Il y en a un surtout, un bon vieux, qu’on appelait Boniface… Oh ! celui-là, que de larmes on a versées en Avignon quand il est mort ! C’était un prince si aimable, si avenant… Un vrai pape d’Yvetot, mais d’un Yvetot de Provence, avec quelque chose de fin dans le rire, un brin de marjolaine à sa barrette, et pas la moindre Jeanneton[1]… La seule Jeanneton qu’on lui ait jamais connue, à ce bon père, c’était sa vigne, — une petite vigne qu’il avait plantée lui-même, à trois lieues d’Avignon, dans les myrtes de Châteauneuf.

Tous les dimanches, en sortant de vêpres, le digne homme allait lui faire sa cour ; et quand il était là-haut, assis au bon soleil, sa mule près de lui, ses cardinaux tout autour étendus aux pieds des souches, alors il faisait déboucher un flacon de vin du cru, — ce beau vin, couleur de rubis qui s’est appelé depuis le Châteauneuf des Papes, — et il le dégustait par petits coups, en regardant sa vigne d’un air attendri. Puis, le flacon vidé, le jour tombant, il rentrait joyeusement à la ville, suivi de tout son chapitre ; et, lorsqu’il passait sur le pont d’Avignon, au milieu des tambours et des farandoles, sa mule, mise en train par la musique, prenait un petit amble sautillant, tandis que lui-même il marquait le pas de la danse avec sa barrette, ce qui scandalisait fort ses cardinaux, mais faisait dire à tout le peuple : «Ah ! le bon prince ! Ah ! le brave pape !»

Ma chère Mona, difficile de ne pas boire religieusement un vin du Domaine du Vieux Télégraphe 1998.  Assagi par le temps, il appelle une belle pièce de boeuf.  Par contre, je me demande pourquoi Daudet a appelé son pape Boniface alors qu’aucun pontife n’a eu ce nom à Avignon. 


[1] Femme aux mœurs légères

Il y a de quoi papauté !

Le Pape Léon X ne savait comment remplir les caisses du Vatican. Un cardinal lui souffla l’idée d’utiliser les indulgences. Le principe était simple : vous avez pêché et vous craignez de ne pas aller au paradis. Pas de problème, vous payez une somme convenue et votre cœur redevient blanc comme neige. Et çà tombait plutôt bien car la Rome des années 1510-1520 était devenue une ville où l’on pratiquait toutes les débauches et où sévissait le crime. Ces indulgences remplirent autant les coffres du Pape que de sa famille…

Pour que tout le monde connaisse les tarifs, le livre des Taxes de la chancellerie romaine prévoie le maximum de cas avec en face la somme due. Simple et efficace ! Malheureusement, je n’ai pas trouvé de correspondance pour les monnaies citées (ducat, tournois et carlins). Mais vous constaterez qu’à péché égal, les laïques paient souvent plus que les clercs : soit ces derniers en avaient plus souvent besoin ; soit c’était un petit avantage « maison »….

Afin de vous donner l’envie de lire cet ouvrage, j’ai relevé quelques absolutions tarifées qui pourront être lues par tous.

  • L’absolution pour celui qui révèle la confession de quelque pénitent est taxée à sept carlins.
  • L’absolution pour celui qui abuse d’une jeune fille est taxée à six carlins.
  • L’absolution pour un prêtre concubinaire est taxée à sept carlins.
  • L’absolution pour un laïque coupable du même fait est taxée à huit carlins.
  • L’absolution pour celui qui a tué son père, sa mère, son frère, sa sœur, sa femme, ou quelque autre parent et allié, laïque néanmoins, est taxée à cinq carlins.
  • L’absolution pour un laïque présent qui a tué un abbé ou un autre ecclésiastique inférieur à l’évêque, est taxée à sept, à huit ou à neuf carlins.
  • L’absolution pour un mari qui frappe sa femme de manière qu’il en survienne un avortement ou une couche avant terme, est taxée à huit carlins.
  • L’absolution pour une femme qui prend quelque remède pour se procurer l’avortement, ou qui fait quelque autre chose dans ce dessein et qui fait périr le fœtus, est taxée à cinq carlins.
  • Le père, la mère, ou quelque autre parent qui aura étouffé un enfant, paiera pour chaque meurtre quatre tournois, un ducat, huit carlins.
  • Celui qui a commis quelqu’un de ces crimes (sacrilèges, vols, incendies, parjures ou autres semblables) est pleinement absous, et son honneur rétabli dans toutes les formes et avec la clause inhibitoire, moyennant trente-six tournois et neuf ducats.
  • L’absolution pour tout acte d’impureté, de quelque nature qu’il soit, commis par un clerc, fût-ce avec une religieuse, dans le cloître ou ailleurs, ou avec ses parents ou alliées, ou avec sa fille spirituelle, ou avec une autre femme, quelle que ce soit; soit aussi que cette absolution soit demandée ou non du clerc simplement, ou de lui ou de ses concubines, avec dispense de pouvoir prendre les ordres et tenir des bénéfices, et avec la clause inhibitoire, ne coûte que trente-six tournois et neuf ducats.
  • L’absolution d’un laïque pour crime d’adultère donné au for de la conscience, coûte quatre tournois.
  • Une religieuse qui sera tombée plusieurs fois dans le péché de luxure aura son absolution et sera rétablie dans son ordre, quand même elle serait abbesse, moyennant trente-six tournois, neuf ducats.
  • L’absolution pour un prêtre qui tient une concubine, avec dispense de pouvoir prendre les ordres et tenir des bénéfices, coûte vingt et un tournois, cinq ducats, six carlins.
  • S’il y a adultère et inceste de la part de laïques, il faut payer par tête six tournois.
  • La permission de manger des laitages dans les temps défendus coûte, pour une seule personne, six tournois.

Mona pas pu tout lire…. écœurée.

Noël : mieux vaut tsar que jamais

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En  Russie, on fête Noël le 7 janvier. Pourquoi ? En 1582, le Pape Grégoire XIII a institué un nouveau calendrier qu’on a nommé « grégorien ».  Mais les orthodoxes, ne reconnaissant pas le Pape, ont refusé de l’utiliser. Ainsi, en Russie on fête Noël d’après le vieux calendrier julien.

Le soir du 6 janvier, on va à l’office religieux, puis on s’attable pour le réveillon. Mais on commence à manger seulement à l’apparition de la première étoile (en hommage à celle de Bethléem qui avait annoncé la Nativité aux rois mages). Comment fait-on quand il y a du brouillard ou une tempête de neige qui cache les étoiles ? On mange pas ? On s’en fout si on peut boire …

Mais si on mange, et on sert des pâtés farcis de riz, de champignons et d’oignons, des spécialités marinées dans du vinaigre. Le plat principal est une oie farcie de pommes. On boit beaucoup de vodka et du thé.

Les enfants eux reçoivent leurs cadeaux dans la nuit du 31 décembre. C’est le « Père Gel », dit aussi le « Père Givre », qui descend dans les cheminées pour apporter des cadeaux aux enfants sages. Il partage sa tâche avec « Babouchka », vieille femme russe.

Une légende russe raconte qu’il existe un quatrième Roi mage, qui conduit sur la steppe un traîneau tiré par des rennes et rempli de cadeaux. Depuis 2000 ans, il a renoncé à trouver l’enfant Jésus ; alors il comble de cadeaux les enfants qu’il rencontre en cours de route.

Mona, on va pas boire de vodka, mais un vin de Crimée, un Muscat de Massandra, un domaine créé par le Tsar Nicholas II. Un vin complexe et riche…

PS : si vous croisez le roi mage dans la neige, informez le sur Noël et donnez lui un bon coup de vodka à boire. Da ?