Fruitière ?

Comme toujours, mon patron oublie que l’on ne sait pas forcément tout et par exemple ce qu’est une « fruitière« . En prenant le Petit Robert, on lit « coopérative de fabrication de fromages« .

fruitiereLe Jura est une région d’élevage. Les paysans produisent du lait qu’ils transforment en fromage (qui est plus facile à conserver). Pour éviter d’acheter du matériel et d’occuper trop de personnel à la confection des fromages, ils mettent tout en commun. Dans un texte du XIX° siècle, on peut lire :
« Vingt ou trente ménages apportent chaque matin leur laitage au fruitier ou fabricant ; et, au bout de la saison, chacun d’eux est payé en fromage, dont il reçoit une quantité proportionnée à ses versements de lait. »

On a trace de ces coopératives dès la fin du Moyen Age, mais c’est surtout à dater du XVII° siècle, que le système se développe.

Le responsable de la fabrication s’appelle un fruitier. Le mot Fruit s’entend par « produits de la terre en général qui servent à la nourriture des hommes et des bêtes ». C’est ce sens que l’on retrouve dans « le fruit de son travail ».

Les fruitières existent encore de nos jours. Elles produisent notamment le Comté, le bleu de Gex et le Vacherin.

Qu’est ce qu’on dit ? … Merci Mona.

Poupoule, t’as de beaux oeufs, tu sais

pouletrotiLa  poule a la réputation d’être couarde, pleutre, peureuse et si stupide qu’elle se jette sous les roues  des  voitures. On l’estime tout juste bonne à pondre, à couver, à élever une flopée de poussins  « poussillants ».  Elle  vit prostrée dans son poulailler, recluse dans un enclos.

Oubliez tout cela ! La poule est au contraire  une  intrépide voyageuse. Et  comme  elle  est intelligente  (son Q.I la  place bien au-dessus des autres volatiles, elle a limité ses efforts au plus strict  minimum.  Plutôt que d’entreprendre de périlleuses migrations  à  travers les continents comme les stupides oies  ou les  vaniteux goélands, elle a préféré… faire du stop.Elle fut ainsi de toutes les aventures des grands explorateurs. Sur mer, la poule était précieuse : elle fournissait l’équipage en oeufs frais. Et quand elle mettait pattes à terre, elle n’était pas longue à engendrer des générations de poules coquericantes. Des poules jaunes, blanches, herminées, bleues, noires. La poule est un modèle de tolérance et d’intégration. Prenons-en de la “graine” !
Sur terre, elle s’adaptait à tous les climats et à toutes les situations. Certaines poules ont suivi Marco Polo dans ses pérégrinations. D’autres  ont connu  Jacques  Cartier  ou Magellan. Christophe Colomb leur doit une fière chandelle. La Pérouse fut tout heureux d’en découvrir sur l’île de Pâques. Les plus sportives ne dédaignaient pas les longues caravanes du désert. Songez que ces intrépides volailles ont même conquis l’espace avant l’homme. Oui, vous avez bien lu : en 1793, et pour la première fois dans l’Histoire, des êtres vivants purent voler dans une montgolfière. Ces trois émérites aéronautes, pionniers de la conquête spatiale, étaient un mouton, un canard et un… coq ! (D’accord, ce n’est pas une poule, mais tout de même !).
De quoi clouer le bec à tous les médisants qui tiennent les volailles, et la poule en particulier, « pour un animal simple et niais » (Bossuet).

poularde-de-bresseDurant les fêtes, dindes, chapons, oies se sont bousculés sur nos tables. Alors, pourquoi ne pas goûter une poularde. Ce n’est pas, comme on pourrait le croire, une mère poule ayant pris du poids, mais une petite poulette qui n’a pas connu les assauts du coq et qui n’est pas encore en âge de pondre. Elle est engraissée suivant une méthode voisine de celle pratiquée pour son frère, le chapon, mais sans subir comme lui la castration. Les anciens l’estimaient parfaite entre sept et  huit mois. On en trouve aujourd’hui, tuées à 5 ou 6 mois, mais les meilleures, garanties par l’A.O.C. (appellation d’origine contrôlée) « poularde de Bresse » sont élevées durant 8 mois dans la plus pure tradition d’autrefois. En Bresse, pour avoir droit à une A.O.C., un  coq ou une poulette – qui deviendront respectivement chapon ou  poularde – connaissent le même processus d’engraissement. C’est la qualité de la nourriture ingurgitée pendant une vie très douce, passée en partie au grand air en liberté et en partie en « épinette », c’est-à-dire en cage individuelle, à se nourrir et digérer, qui contribue au moelleux et à la tendreté de sa chair. La poularde de Bresse connaît le fin du fin de ce mode d’élevage, avec une nourriture de premier choix et les soins les plus attentifs, ce qui lui donne une qualité de chair incomparable.
Les poulardes s’apprécient rôties, à la crème, en vessie, demi-deuil. C’est  l’occasion de sortir de grandes bouteilles : Pomerol, Côte-Rôtie, Volnay, Meursault…

Poule de Babel

coq-francais-sur-mondeQuestion existentielle que tout homme ou femme s’est forcément posé un jour : existe-t-il une race de poule qui coquericote plus qu’une autre ? Une sorte de Callas du poulailler ?

Non, répondent en chœur les aviculteurs. Elles chantent toutes pareil. Sauf  peut-être, les poules sauvages, réputées pour leur sobriété. Ces taiseuses savent qu’il vaut mieux ne pas trop se faire remarquer des renards.
En fait, la poule chante quand elle a fait un oeuf. Mais comme certaines races pondent plus que d’autres, certaines poules chantent donc davantage, comme disait Monsieur de la Palice.

Mais au fait, que chantent-elles ?

Là, plus personne n’est d’accord. Pour les Allemands. La poule fait “ kikiriki. » Pour les Français, elle fait “cot-cot-codec” et le coq “Cocorico”. « Pas du tout, assurent les Espagnols : le coq fait “quiquiriqui!”. Cela fait bien rire les Anglais qui savent eux  que le coq fait “cock-a-doodle-do !” Bref, c’est la tour de Babel ou, comme on dirait : un drôle de  « coq-tel ».

Je comprends pourquoi la construction européenne prend tant de temps.

Poête sur poêle

la-garde-3Plus çà va, plus je trouve que la poésie s’infiltre dans les menus de certains restaurateurs et sur les contre-étiquettes des vins appelés à dormir sur les linéaires des grandes surfaces. Ainsi, vous pourrez lire :

« Prince de la Baltique dans sa nage provençale » : il faut comprendre hareng mariné à l’huile.
« Emincé champètre de boeuf aux batonnets de tubercules andines » : on vous prépare à découvrir par hasard un mini-steack sous une feuille de salade flétrie accompagné de frites juste décongelées.
« Issu de vieux ceps de nos plus nobles cépages » se traduit par : dès qu’elle pisssera plus assez c’te parcelle, je l’arracherai, c’est promis !!!
« Dans le pur respect d’une tradition séculaire » : avec la machine à vendanger et concentrateur, bon an, mal an, je produit toujours la même quantité de pinard.
« Ce vin de velours magnifiera rôtis, gibiers et fromages affinés« , craignez le pire : ce vin vous aidera à déglutir steack haché en boîte, volailles de batterie et camemberts industriels plâtreux. Attention quand même à la miction, un risque certain de destruction du cuir de vos chausses.

Ta truffe

moliere2Jean-Baptiste Poquelin, né à Pézenas, inventa son personnage fabuleux de Tartuffe à la faveur d’une dîner chez Madame de Sévigné. Ce soir là, Molière dînait chez la célèbre épistolière en compagnie d’un cardinal italien extrêmement jovial, spirituel à souhait et de surcroît fin gourmet. Fut servi à cette occasion un plat de truffes « à la serviette ». Et le cardinal de s’exclamer dans sa langue natale : « Tartuffo » , désignant ainsi les truffes odorantes que l’on venait de poser sur la table. L’expression sonna agréablement à l’oreille de Molière qui nota celle-ci au dos du menu. Le lendemain, il baptisa le héros de la pièce dont il avait entamé l’écriture quelques jours auparavant du nom de Tartuffe.

La pièce fit scandale au point d’être interdite car elle se voulait une satire véhémente en l’encontre des faux dévots, réduisant Tartuffe à un hypocrite, cupide et jouisseur, évoluant au sein d’une société dont Molière s’est appliqué à dépeindre les travers. Bref, outre les vertus aphrodisiaques que l’on prête complaisamment aux truffes, celles-ci sont manifestement sources de toutes les inspirations!

Truffes à la serviette

truffesPour savoir ce que sont ces truffes à la serviette, faisons appel à 2 grands gastronomes :

« Aimables friandises que ces truffes à la serviette (ainsi nommées parce qu’on les sert, cuites dans un excellent court-bouillon au vin blanc, sous une serviette pliée, à l’instar des oeufs à la coque et des marrons de Lyon) qui doivent être monstrueuses et éminemment parfumées. Il doit y en avoir au moins autant que de convives : il est rare que ceux-ci les mangent à table, parce qu’il est permis de les mettre dans ses poches, et les dames en donnent l’exemple. C’est le premier des aphrodisiaques, mais l’un des plus dispendieux entremets de ce bas monde ; car une assiette de truffes à la serviette, pour une table de 40 couverts, ne coûte guère moins de deux louis. »

Grimod de la Reynière – Manuel des Amphitryons 1808

« Lavez plusieurs fois vos truffes dans l’eau tiède ; brossez-les et mettez-les dans une casserole foncée de bardes de lard, avec du sel, une feuille de laurier, une bouteille de vin de Champagne ; on couvre hermétiquement la casserole, on fait bouillir une demi-heure, et l’on sert les truffes sur une serviette. M. le baron Thiry, gastronome distingué, veut qu’on substitue au champagne du vin de Collioure, et M. Bignon autre autorité, préfère le vin de Madère ou le Xérès ; comme on ne mange pas qu’une seule fois dans sa vie des truffes à la serviette, on peut essayer successivement de ces trois vins. Mais lorsqu’on veut conserver aux truffes leur saveur naturelle et sans mélange, on les enveloppe une à une dans du papier beurré et on les fait cuire dans une passoire à la vapeur de l’eau bouillante.
A tous ces apprêts il est permis de préférer la truffe sous la cendre. Enveloppez de papier beurré, et les mangez au beurre d’Isigny.

Alexandre Dumas – Grand Dictionnaire de Cuisine 1873

Pour cuire l’éléphant, il ne faut pas se tromper

Le Grand Dictionnaire d’Alexandre Dumas réserve nombre de surprises au lecteur, ainsi :

« Que ce titre n’effraye pas le lecteur, nous n’allons pas le condamner à manger tout entier ce monstrueux animal, mais nous l’engagerons, si toutefois il lui tombait une trompe ou des pieds d’éléphant sous la main, d’y goûter en les assaisonnant de la façon que nous allons indiquer plus loin, et à nous en dire après des nouvelles.

elephant5La Cochinchine est peut-être aujourd’hui la seule nation qui mange la chair de l’éléphant et la regarde comme un aliment très délicat. Quand le roi en fait tuer un pour sa table, il en envoie des morceaux aux grands, ce qui est une très grande marque de faveur ; mais les morceaux les plus estimés sont toujours la trompe et les pieds.
Levaillant dit que c’est un mets exquis. « Les pieds grillés, ajoute-t-il, sont un manger de roi ; je ne concevais pas qu’un animal aussi lourd, aussi matériel, pût fournir un mets aussi délicat ; je dévorai sans pain le pied de mon éléphant. »

Nous allons donc indiquer, pour ceux de nos lecteurs qui voudraient faire comme Levaillant, une recette pour les pieds d’éléphant que nous devons encore à M. Duglerez de la maison Rothschild.

Prenez un ou plusieurs pieds de jeunes éléphants, enlevez la peau et les os après les avoir fait dégorger pendant quatre heures à l’eau tiède. Partagez-les ensuite en quatre morceaux dans la longueur et coupez-les en deux, faites-les blanchir dans de l’eau pendant un quart d’heure, passez-les ensuite à l’eau fraîche et égouttez-les dans une serviette.

Ayez ensuite une braisière qui ferme bien hermétiquement ; placez au fond de cette braisière deux tranches de jambon de Bayonne, mettez dessus vos morceaux de pieds, puis quatre oignons, une tête d’ail, quelques aromates indiens, une demi-bouteille de madère et trois cuillerées de grand bouillon.

Couvrez bien ensuite votre braisière et faites cuire à petit feu pendant dix heures ; faites passer la cuisson bien dégraissée à demi-glace en y ajoutant un verre de porto et 50 petits piments que vous aurez fait blanchir à grande eau et à grand feu pour les conserver très verts.
Il est nécessaire que la sauce soit très relevée et de bon goût ; veillez surtout à ce dernier point.

Les Indiens ne font pas tant de façons ; il est vrai qu’ils sont moins versés que nous dans les mystères de la haute cuisine ; aussi font-ils tout simplement cuire sous la cendre, après les avoir préalablement enveloppés dans des feuilles serrées avec des fibres de jonc.
Ce qui ne les empêche pas, du reste, de s’en régaler. »

Tradition alimentaire, mon cher Watson

austerlitz_largeDécidément çà ne date pas d’hier. Je croyais que le changement alimentaire des bovins britanniques incorporant des farines animales datait des années 1980. Que nenni, Victor Hugo affirme qu’au XIX°siècle, les ossements récupérés sur les champs de batailles Napoléoniens étaient expédiés en Angleterre. Là, les restes broyés étaient incorporés à l’alimentation du bétail. On voit que le régime alimentaire du cheptel anglo-saxon a progressé : avec les farines animales, point de restes humains ! D’après le grand Victor, même les “reliefs” d’Austerlitz y passèrent !! Gloups, mon pauv’ Pépé….