Encore sein

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Louis XV craignait la vérole aussi toute sa vie, il demanda à Dominique Lebel, premier valet de la chambre du roi, de sélectionner les filles qui devaient rejoindre sa couche. Pour assurer la santé de son maître, Lebel testait les conquêtes afin de voir si elles n’étaient pas poivrées. Mais en 1774, le roi, dit-on, rencontra une fille si jeune qu’il la crût vierge. Et pourtant la fillette lui refila la maladie tant crainte.
Deux ou trois jours avant sa mort, son corps était enflé comme un soufflé au fromage sortant du four, et il était couvert d’horribles pustules tellement suppurantes que les mouches ne voulaient plus s’y poser, si assommé par une fièvre de cheval qui le faisait délirer que dans sa tête il entendait déjà le bourdon de Notre-Dame annoncer sa mort.  Et pourtant même dans cet état pitoyable, Louis manifesta le désir de voir une dernière fois sa maîtresse, Madame du Barry. C’est Laborde, valet remplaçant Lebel décédé en 1768, qui introduisit (si j’ose dire) la Bécu (nom de jeune fille de la comtesse) auprès du monarque agonisant. Le moribond, bien qu’aussi frais qu’une morue ayant traîné un mois sur la plage de Saint-Tropez, eut la force de saisir les mains et un sein de la jeune femme en l’assurant du regret qu’il avait de perdre tant de beautés.

Ainsi, même à l’article de la mort, Loulou, expert et grand amateur de donzelles, pensait encore à explorer gorges et corsages comme au bon vieux temps.

Ma chère Mona, quelle époque, quel souverain !  Reprenons nos esprits et buvons ce rosé de Provence : Château Minuty 2013, cuvée Prestige. Un vin riche, velouté et frais. 

Je l’aime Bécu

Louis XV aimait son Bécu à la Jeanne
Louis XV aimait son Bécu à la Jeanne

plaisir-roiJeanne Bécu fut découverte par le Comte Jean du Barry. Il en fit la favorite de Louis XV sous le nom de Madame du Barry. Il faut dire que le Toulousain s’y connaissait en femmes. Pour assurer son train de vie parisien, il louait les services de jeunes beautés aux puissants de son temps.

Philippe Hugon a choisi d’écrire les Mémoires de ce jouisseur. Le livre très bien documenté, écrit dans un style de l’époque est un plaisir pour les amateurs de cette période de notre histoire. Ce texte se déguste. Et je dois vous dire que je lisais peu chaque jour de peur de quitter trop vite la vie de ces personnages hors-normes. Pour vous mettre en appétit, voici un extrait. Jean du Barry rencontre pour la première fois celle qui partagera la vie du Roi.

Dans un coin de la pièce, près d’une fenêtre, une jeune femme très blonde était assise, contemplant d’un œil bleu et distrait le manège des habitués de la maison. On eût dit qu’elle était au Procope plutôt qu’au bordel. Son visage respirait une candeur sans affectation, de celle qui plaide la vertu mais qui plaît tant au vice. En m’approchant, je pus constater que le détail valait largement la vue d’ensemble. À une seule, la nature avait octroyé la grâce qu’elle partage habituellement entre dix autres. Des yeux bleu clair, transparent mais profond, un nez fin et droit, une petite bouche aux lèvres vermillon, un teint d’une blancheur irréprochable, une gorge à perdre son sang-froid : tout était dessiné à la perfection. Un ange tombé du ciel. Je ne croyais pas si bien dire car la Gourdan me prévint qu’on appelait cette beauté Mlle l’Ange. Ça ne s’invente pas. Elle avait dans les vingt ans et était venue escortée d’un loustic qui se présentait comme son frère. Même un aveugle ne les aurait pas crus du même sang. Ce fut d’abord à lui que la Gourdan me présenta. Je compris vite qu’il désirait jouer l’entremetteur des charmes de la belle : je demandai sans détour combien il voulait de sa prétendue sœur. Il campa le surpris, mais comme je le toisais avec insistance, ce misérable maquereau proposa trois louis du bout des lèvres : cet âne ne savait pas quel joyau il bradait.
J’acceptai et le payai avant qu’il ne s’esquivât après avoir murmuré quelques paroles à l’oreille de sa sœur de comédie. La jeune femme ne répondit pas. Et ce fut toujours silencieuse qu’elle m’accompagna dans ma voiture pour se rendre chez moi. Tout au long du chemin, nous n’échangeâmes pas le moindre mot. Arrivé à ma porte, j’entendis enfin sa voix : elle me confia se prénommer Jeanne.

Mona, ce livre, je vous l’offre. Sentimental comme vous êtes, vous ne pourrez que le dévorer. En attendant, buvons un coup. Que diriez-vous de l’Aligoté 2012 de Sylvain Pataille à Marsannay ? Ce cépage trop longtemps oublié a retrouvé grâce auprès des Bourguignons. Un très joli vin pour un apéritif de printemps. Bravo Sylvain !

Le Roi au bord d’elle

Dans les Fastes de Louis XV, l’auteur, un certain Bouffonidor publie en 1782, un ouvrage en deux volumes sur la vie de Louis XV. La lecture de ces pages montre la déliquescence du pouvoir. N’oublions pas que Louis XVI était encore Roi. La préface illustre bien le dégoût que le Bien-Aimé avait suscité à la fin de son règne :

On va parler d’un Roi qui avait mérité de son peuple le doux titre de bien-aimé ; d’un Roi qui fut, dans son berceau, l’idole des Français ; à qui y dans son printemps, on éleva des statues que, dans son automne, on insulta de la manière la plus sanglante ; d’un Roi dont la mort fut, comme celle de son bisaïeul, le triomphe de la nation. Voici le moment de la vérité. Ayons le courage de tout dire et de ne rien cacher. Ne dissimulons ni les vertus, ni les vices du Monarque, ni les crimes, ni les forfaits des esclaves, des roués, des courtisans, des Ministres, des viles prostituées qui l’entourèrent pour son malheur et celui de ses peuples.


A propos de Madame Du Barry, l’auteur n’y va pas avec le dos de la cuillère. Ces quelques mots suffiront à illustrer :

C’est ainsi qu’on vit une catin, née dans une condition très obscure, vouée au libertinage dès sa tendre jeunesse, autant par goût que par état, n’apportant au Monarque que les restes de la prostitution de la plus vile canaille; c’est ainsi qu’on l’a vit s’asseoir presque sur le trône, et le Roi lui prodiguer le trésor public pour lui faire étaler un luxe de Reine, multiplier les impôts pour satisfaire ses fantaisies puériles, et faire dépendre le destin de ses sujets des caprices de cette folle.

Dois-je vous rappeler que cette dame est toujours en vie [1] lors de la parution de ce livre.

De même, l’auteur rapporte les attaques contre la favorite. Même au sein de la Cour, on jase… Ainsi cet ecclésiastique profite d’un sermon pour envoyer la purée :

L’abbé de Beauvais ayant obtenu l’honorable station du carême [2] de 1774, devant Louis XV, prit le parti de faire fortune par cette voie, en s’exposant ou à avoir un évêché pour prix de son zèle apostolique, ou à être enfermé à la bastille en punition de son audacieuse témérité. Il osa donc tonner en chaire contre la vie scandaleuse du Monarque. Il caractérisa spécialement sa passion pour Madame du Barry, dans une peinture énergique qu’il fit des mœurs de Salomon, dont la comparaison était sensible. « Ce Monarque, disait-il, rassasié de volupté, las d’avoir épuisé, pour réveiller ses sens flétris, tous les genres de plaisirs qui entourent le trône, finit par en chercher d’une espèce nouvelle dans les viles restes de la corruption publique. » Madame du Barry se reconnut trop bien à ce portrait pour n’être pas piquée. Elle écrivit le soir même cette lettre à l’audacieux prédicateur : « Vous venez, Monsieur l’abbé, de prêcher avec une insolence extrême, la charité, la modération ; vous avez eu la hardiesse de noircir la vie de notre Monarque aux yeux de son peuple; vous n’avez attaqué que lui, quoiqu’il fût le seul que vous deviez ménager, et dont vous deviez en quelque sorte excuser les faiblesses, devant ses sujets. Ce n’est point la charité chrétienne qui vous a inspiré ; c’est l’ambition et le seul désir de vous élever qui ont été les mobiles de votre conduite. A la place de Sa Majesté,  je vous exilerais dans quelque village éloigné, pour y apprendre à être plus circonspect, et à ne plus chercher à soulever les peuples contre les Princes que Dieu leur a donnés pour les gouverner. Je ne sais ce qu’elle fera; mais vous avez trop compté sur sa bonté. Vous ne vous attendiez pas à recevoir de moi des règles pour vous conduire, puisées dans le christianisme et la morale ; mais pour votre bien, tâchez d’en faire votre profit. Voilà mon sermon, je souhaite qu’il vous puisse être utile ». La favorite chercha, par toute voie possible, à indisposer son royal amant contre le hardi prédicateur; mais Louis XV était bon ; il ne se fâcha pas, il l’excusa même, en disant qu’il avait fait son métier, et il récompensa la station de ce nouvel Athanase, par le don de l’évêché de Sénez.

Mona pas de Royal amant ; dommage ?


[1] Elle sera guillotinée le 8 décembre 1793
[2] Se dit particulièrement des prédicateurs auxquels on assigne telle ou telle église pour y prêcher pendant l’avent ou le carême.

Elle conserve Du Barry

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Madame du Barry et Louis XV

La  comtesse du Barry, maîtresse de Louis XV, aimait préparer pour son royal amant des mets aphrodisiaques. Ainsi, elle lui fit servir un apprêt d’œufs de vanneau, volatile réputé au sang chaud, comme le pigeon, champion infatigable du coït, selon Aristote qui dit de lui : « il copule, en une heure 83 fois…! ».

Il faut dire que ce légume avait la réputation d’être si émoustillant qu’on le déconseillait formellement aux pucelles, comme en témoigne la confession timide d’une héroïne du « Roman bourgeois » d’Antoine Furetière (1666) :
« Si quelqu’une de nous eût mangé des asperges et des artichauts, on l’aurait montrée du doigt ; mais aujourd’hui, les jeunes filles sont plus effrontées que des pages de Cour ! ».

Revenons à la du Barry. On dit qu’elle avait obtenu la recette ci-dessus auprès d’une dame qui s’y connaissait : Marguerite Gourdan, dite la Petite Comtesse. Elle tenait une maison entièrement vouée au « culte de Vénus ». Elle publia même à l’intention de ses protégées un ouvrage au titre évocateur : « Instructions pour une jeune demoiselle qui veut faire fortune avec les charmes qu’elle a reçus de la nature« . Son établissement fut fréquenté par tout le beau linge parisien. Un passage secret permettait aux nobles et gens d’Eglise de rentrer sans attirer l’attention.
A son décès, bien que sa maison ait disparu depuis plusieurs années, les chanteurs populaires firent une chansonnette aux paroles si crues que je ne publierai que la première strophe :

Nobles maquereaux et véroles,
Versailles, Paris sont affolés !
Tous prenons le deuil dès ce matin
Pour cette tant renommée catin.
Oui, Gourdan la maquerelle est morte,
Est morte comme elle avait vécu,
La pine au cul
Le corbillard est à sa porte
Escorté par trois cents putains
La pine en mains.

Et au fait, Mona, mon petit pigeon, si vous sortiez l’assiette d’asperges et d’artichauts, moi je m’occupe de déboucher le muscat…