L’homme offre toujours un verre d’eau avec sa cage

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L’autre jour, j’ai ramené un amoureux vachement romantique. Il n’arrêtait pas de m’appeler sa petite colombe ou sa belle Colombine. J’ai trouvé ça touchant et pour un peu, je l’aurais gardé plus d’une nuit, vous dire ! Mais abuser, c’est le risque d’être prise pour un pigeon.

Bon assez de mièvrerie, demandons-nous pourquoi on parle de colombe ou de pigeon pour évoquer ces animaux volants qui peuplent nos cités et campagnes.

Durant fort longtemps, colombe désignait l’ensemble des columbidés. Mais la gastronomie a imposé le mot pigeon. En effet, depuis longtemps, les hommes ont préféré manger les jeunes oiseaux. Pigeon qualifiait tous les oisillons en référence à leurs cris dans le nid pour obtenir nourriture.

Mais ce qui est curieux c’est que colombe a conservé toutes les vertus de cet oiseau alors que pigeon est plutôt raillé.

Ainsi on parle de blanche colombe, symbole d’amour et de paix alors qu’on parle de pigeon pour une bonne poire, de quelqu’un qui se fait plumer, duper.

Heureusement le pigeon est symbole d’affection conjugale, de fidélité. Au printemps, ces oiseaux semblent passer leur temps à se bécoter. Et puis quelque soit l’endroit où vous lâchez un pigeon, il reviendra au domicile. Certes c’est une qualité, mais le retour se fait toujours vers une cage plus ou moins fermée. Et ça ce n’est pas pour Mona, mes chéris. Une cage même dorée  reste une cage et je crois toujours qu’un mari reste un geôlier. Alors le colombophile qui voudrait me baguer, il ne doit pas être né.

Pour tout vous dire, je préfère qu’on m’appelle Colombine. Je n’oublie pas que dans la Commedia dell’arte, elle est belle, malicieuse et mène Arlequin et Pantalon par le bout du nez. 

Mona un joli duvet… pour dormir et n’aime pas qu’on la prenne pour une pintade.

Ok. Nous pigeons

Les pigeons voyageurs sont  des volatiles étonnants. Les colombophiles les transportent en un lieu inconnu, loin du nid qui les a vus naître. Lâchés, ils retournent vers leur pigeonnier sans même brancher leur GPS ou consulter leur carte Michelin. De temps à autre, il y a des ratés.  Ainsi en juin 1953, un pigeon, futur champion espéré, est largué dans la campagne anglaise pour un simple vol d’entrainement à quelques miles de sa base. Le colombidé est attendu dans la soirée. Les heures passent, l’oiseau ne rentre pas. Mais il est dit qu’un pigeon retrouve toujours son domicile. Onze années plus tard, le facteur amène un colis en provenance d’Amazonie. Il contient la dépouille de l’oiseau. Avec cet humour tout britannique, le sujet de sa majesté, en voyant la corps sans vie de son animal dit : « De toute façon, j’avais fait une croix dessus. »

Et parfois, çà tourne au fiasco. Lors d’une course, toujours en Angleterre, 6748 pigeons sont lâchés. Moins de 2400 rejoindront leur port d’attache. Diverses hypothèses furent élaborées : pourquoi pas un tir nourri en provenance d’un groupe de chasseurs en quête d’un salmis de palombes ? Mais compte tenu de la vitesse de vol des pigeons, il fut calculé qu’il aurait fallu un rassemblement de plus de 400 chasseurs particulièrement rapides et habiles au tir. Peu vraisemblable. Un naturaliste de renom pense que les volatiles, lassés du climat pluvieux des Iles Britanniques, ont pris la poudre d’escampette et ont rejoint les côtes ensoleillées du sud de la France.

Comme quoi, les pigeons, faut pas les prendre pour des pigeons.

Bon Mona, un vin de soleil, çà vous fera rester au bureau ? Je vous propose les Armières 2007 du Domaine de Garance. Un vin magnifique…

Elle conserve Du Barry

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Madame du Barry et Louis XV

La  comtesse du Barry, maîtresse de Louis XV, aimait préparer pour son royal amant des mets aphrodisiaques. Ainsi, elle lui fit servir un apprêt d’œufs de vanneau, volatile réputé au sang chaud, comme le pigeon, champion infatigable du coït, selon Aristote qui dit de lui : « il copule, en une heure 83 fois…! ».

Il faut dire que ce légume avait la réputation d’être si émoustillant qu’on le déconseillait formellement aux pucelles, comme en témoigne la confession timide d’une héroïne du « Roman bourgeois » d’Antoine Furetière (1666) :
« Si quelqu’une de nous eût mangé des asperges et des artichauts, on l’aurait montrée du doigt ; mais aujourd’hui, les jeunes filles sont plus effrontées que des pages de Cour ! ».

Revenons à la du Barry. On dit qu’elle avait obtenu la recette ci-dessus auprès d’une dame qui s’y connaissait : Marguerite Gourdan, dite la Petite Comtesse. Elle tenait une maison entièrement vouée au « culte de Vénus ». Elle publia même à l’intention de ses protégées un ouvrage au titre évocateur : « Instructions pour une jeune demoiselle qui veut faire fortune avec les charmes qu’elle a reçus de la nature« . Son établissement fut fréquenté par tout le beau linge parisien. Un passage secret permettait aux nobles et gens d’Eglise de rentrer sans attirer l’attention.
A son décès, bien que sa maison ait disparu depuis plusieurs années, les chanteurs populaires firent une chansonnette aux paroles si crues que je ne publierai que la première strophe :

Nobles maquereaux et véroles,
Versailles, Paris sont affolés !
Tous prenons le deuil dès ce matin
Pour cette tant renommée catin.
Oui, Gourdan la maquerelle est morte,
Est morte comme elle avait vécu,
La pine au cul
Le corbillard est à sa porte
Escorté par trois cents putains
La pine en mains.

Et au fait, Mona, mon petit pigeon, si vous sortiez l’assiette d’asperges et d’artichauts, moi je m’occupe de déboucher le muscat…