Orang ou tant de singes

Napoléon dans les Pyrénées ramenant un orang-outan

Ma Chère Mona, votre article sur Zafara est passionnant. Permettez-moi d’apporter quelques informations complémentaires à votre brillant exposé.

Zarafa à La Rochelle

On ne possédait de cette « géante de la savane » que quelques gravures approximatives et une description que Buffon avait rédigée à partir de compte-rendu d’explorateurs assez fantaisistes. Ce ruminant, qui peut atteindre 5 mètres de haut et peser 1000 kg a été baptisé Caméléopardis parce qu’on le croyait issu des amours d’un léopard et d’une chamelle. Ben voyons !

Aussi l’arrivée de cette girafe fut un évènement exceptionnel.

Parmi les consignes données durant son périple, il est bon de noter que l’animal devait boire 25 litres de lait par jour, ce qui explique la présence de vaches laitières à ses cotés. De même, pour lutter contre l’effet brutal de dépaysement, elle devait être accompagnée de deux jeunes soudanais, Atir et Youssef. Atir restera plus de douze ans, attaché à son service. Chaque jour, il était chargé de son entretien, ce qui laissa l’expression : « peigner la girafe ».

Le Muséum de Paris, manquant de place, expédie des animaux naturalisés vers des musées de province. La girafe du roi, Zarafa, arrive ainsi au muséum d’histoire naturelle de La Rochelle en août 1931.

De nos jours, on peut encore l’admirer en compagnie de l’orang-outan de l’impératrice Joséphine. Il avait vécu, en 1808, à la Malmaison, et comme c’était une jeune femelle, Bonaparte l’avait nommée « Mademoiselle des Bois ». Mais le singe avait eu les mains et les pieds gelés durant la traversée des Pyrénées. Ce fut fatal et il mourut alors qu’il n’avait que dix-huit mois. Cette courte existence fut suffisante au professeur Fr. Cuvier pour noter nombre d’observations sur cette guenon :

La musique ne produisait chez lui aucune autre sensation que celle du bruit ; pour sa défense il mordait et frappait de la main, mais ce n’était qu’envers les enfants qui l’impatientaient qu’il montrait quelque méchanceté. En général, il était doux, affectueux, et répondait au besoin naturel de vivre en société. Il aimait à être caressé, donnait de véritables baisers. Son cri était guttural et aigre ; il ne le faisait entendre que lorsqu’il désirait vivement quelque chose; alors tous ses signes étaient très expressifs. Secouant sa tête pour montrer sa désapprobation, il boudait quand on ne lui obéissait pas, et, quand il était fâché tout de bon, il criait très fort en se roulant par terre; son cou s’enflait alors beaucoup.

Vous Mona, quand vous secouez la tête, c’est plutôt pour goûter un vin… je vous ai comprise. Allez, j’ai ouvert un flacon de Savagnin de JP Salvadori. Ce Côtes du Jura 2005, cuvée des marnes bleues, est racé : finesse, équilibre, longueur…

Venette voir : je suis grosse

Si vous vous rendez à La Rochelle, une visite du centre historique s’impose. Nombre de bâtiments méritent le détour. Le tribunal d’Instance occupe une demeure appelée « maison de Nicolas Venette ». Les ornementations et inscriptions sont toutes dédiées à la santé et la médecine.

venette amour conjugal copieQui était Nicolas Venette ?

C’était un médecin rochelais (1633-1698). Il a écrit nombre d’ouvrages sur le scorbut, les eaux minérales, la lithiase urinaire, mais c’est Tableau de l’amour conjugal, ou l’Histoire complète de la génération de l’homme qui est le plus connu. Ce livre fut réédité jusqu’en 1903. Nicolas Venette est considéré comme le premier « sexologue ». A notre époque, où une femme peut savoir, grâce au test de grossesse, très vite son état, il est intéressant de lire ce qu’en disait un médecin du XVII° siècle :

schwanger_klOn a lieu de croire qu’une femme a conçu lorsque, après s’être divertie avec un homme, elle demeure sèche, et qu’elle ne rend point ce qu’elle a reçu, et qu’avec cela un homme se retire sans être beaucoup humide. Au même temps, la femme ressent comme de petits frissons, semblables à ceux qui nous arrivent après avoir mangé. Elle souffre quelquefois des faiblesses et des vomissements dans le moment que la semence de l’homme est dardée vers le fond de sa matrice, et qu’elle est reçue dans l’une de ses cornes pour se joindre avec la semence de cette femme, et y faire la conception.

La matrice, comme si elle avait de la joie d’avoir reçu l’humeur qui lui est propre, se resserre pour la retenir ; ce qui cause à la femme, je ne sais quel mouvement dans ses parties naturelles, duquel elle ressent du chatouillement et du plaisir, et fait qu’elle recherche alors plus ardemment la compagnie d’un homme.

Si quelque temps après, la sage-femme la touche, et qu’elle rencontre une douce résistance, la matrice et son orifice interne ferme et mollet comme le cul d’une poule, ou le museau d’un chien naissant, il n’y a pas lieu de douter que la femme n’ait conçu.

Mais on ne se contente pas d’avoir des signes communs, on fait encore quantité d’expériences, à l’imitation de l’antiquité, pour découvrir la grossesse d’une femme. Les uns frottent d’un rouge les yeux de celle que l’on soupçonne grosse, et si la chaleur pénètre la paupière, on ne doute plus après cela que cette femme ne soit enceinte.

Les autres tirent de son corps quelques gouttes de sang, et après les avoir laissées tomber dans de l’eau, ils conjecturent qu’elle est grosse si le sang va au fond. Il y en a d’autres qui lui donnent à boire cinq ou six onces d’hydromel simple ou anisé, en se mettant au lit, et ils jugent de la conception par les tranchées que cette boisson cause à la femme.

D’autres lui donnent encore une ou deux onces de suc de séneçon, mêlé avec un peu d’eau de pluie, et s’imaginent qu’elle est grosse si elle ne la vomit point.

Quelques-uns, après avoir mis dans ses parties naturelles une gousse d’ail, ou fait brûler de la myrrhe, de l’encens, ou quelque autre chose aromatique, pour lui en faire recevoir la vapeur par le bas  croient qu’elle est grosse, si elle ne ressent point quelque temps après à la bouche ou au nez l’odeur de l’ail ou des choses aromatiques.

Il y en a encore qui font diverses expériences sur l’urine. Ils considèrent cette liqueur dès qu’on la rend, et, après l’avoir trouvée troublée, et de couleur de l’écorce de citron mûr, avec de petits atomes qui s’y élèvent et qui y descendent, ils disent qu’elle a conçu.

D’autres laissent l’urine pendant la nuit dans un bassin de cuivre, où l’on a mis une aiguille fine, et s’ils observent le matin quelques points rouges sur l’aiguille, ils ne doutent plus de la grossesse.

Quelques autres prennent parties égales d’urine et de vin blanc : si l’urine, après avoir été agitée, paraît semblable à du bouillon de fèves, ils assurent que la femme est grosse.

Les autres laissent pendant trois jours reposer à l’ombre, dans un vaisseau de verre bien bouché, l’urine d’une femme; et après l’avoir coulée par un taffetas clair, s’ils rencontrent de petits animaux sur le taffetas, ils ne font pas difficulté d’affirmer que la femme est grosse.

Nicolas Venette n’approuve guère ces méthodes et sagement, avec les connaissances limitées de l’époque, conseille un peu de patience…

Mona, moi de la patience, je n’en ai pas, Aussi, je vous propose de tester, sans plus tarder, un Bourgogne blanc : c’est rond, gras…