Faut pas placenta avec çà

Louis XVI et Marie-Antoinette se marièrent le 16 mai 1770. Ils étaient respectivement âgés de 16 et 14 ans. Bien que le Roi soit un colosse (il mesurait 1,93 m), il dut attendre plus de sept années avant de consommer le mariage. En effet, il souffrait d’un phimosis qui l’empêchait d’accomplir son devoir conjugal au grand dam des Cours de France et d’Autriche.

Enfin, le 11 décembre 1778, la Reine sentit les premières douleurs. La famille royale, les princes du sang et les grandes charges passèrent la nuit dans les pièces proches de la chambre de la reine. Madame[1], fille du roi, vint au monde avant midi le 19 décembre. L’usage de laisser entrer indistinctement toute personne qui se présentait au moment de l’accouchement des reines fut observé avec une telle exagération, qu’à l’instant où l’accoucheur Vermond dit à haute voix : « La Reine va accoucher« , les flots de curieux qui se précipitèrent dans la chambre furent si nombreux que la reine fut incommodée. Le roi avait eu, dans la nuit, la précaution de faire attacher avec des cordes les immenses paravents de tapisserie qui environnaient le lit de sa majesté : sans cette précaution ils auraient à coup sûr été renversés sur elle. Il ne fut plus possible de remuer dans la chambre : elle se trouva remplie d’une foule si mélangée, qu’on pouvait se croire dans une place publique. Deux savoyards montèrent sur des meubles pour voir plus à leur aise la reine placée en face de la cheminée, sur un lit dressé pour le moment de ses couches.

Le bruit, la déception d’avoir une fille[2] ou une faute de l’accoucheur eurent de graves conséquences sur la jeune mère. Elle se pâma ; l’accoucheur cria : « De l’air, de l’eau chaude!  Il faut une saignée au pied! » Les fenêtres avaient été calfeutrées ; c’est le Roi, lui-même qui les ouvrit précipitamment alors qu’elles étaient d’une très grande hauteur et collées avec des bandes de papier pour protéger les appartements du froid.
Le bassin d’eau chaude n’arrivant pas assez vite, l’accoucheur dit au premier chirurgien de la Reine de piquer à sec; il le fit, le sang jaillit avec force, la reine ouvrit les yeux. On avait emporté à travers la foule la princesse de Lamballe sans connaissance.
Les valets de chambre durent évacuer sans ménagement les curieux indiscrets qui, profitant du spectacle, n’étaient pas pressés de sortir de la chambre.

Le Roi décida sur le champ d’abolir l’usage de l’accouchement en public. Les princes et les ministres suffiront pour attester la légitimité d’un prince héréditaire.

La chambre dégagée, la Reine retrouva ses esprits et fut replacée dans son lit. Ouf !

Mais, ma petite Mona, vous tremblez ; vous avez eu peur ? C’est fini, la Reine va bien ; allez on va faire péter une roteuse pour célébrer le premier enfant du Roi : le blanc de blanc de Ruinart est d’une rare élégance.


[1] Ou Madame Royale, prénommée Marie-Thérèse Charlotte
[2] La Reine connut le sexe de l’enfant grâce à un signe convenu avec la princesse de Lamballe

Sanson : son sang

Balzac a beaucoup écrit. Aujourd’hui, je vous propose un texte intitulé : un épisode sous la terreur.
Vous pouvez lire ce texte en intégralité ou le résumé ci-dessous :

La scène se passe le 22 janvier 1793, au lendemain de l’exécution de Louis XVI, dit Louis Capet, dans le quartier du faubourg Saint-Denis, vers huit heures du soir et par temps de neige. Un « inconnu » suit « une vieille femme » (c’est une religieuse, elle s’appelle soeur Marthe) jusqu’à la pâtisserie où elle se fait remettre une « petite boîte », qui contient des hosties nécessaires  à l’abbé de Marolles, prêtre insermenté, pour dire sa messe. Toujours suivie, la vieille femme regagne le misérable logis qu’elle occupe avec soeur Agathe et l’abbé de Marolles. On frappe à la porte : c’est l’inconnu. Il demande au prêtre de célébrer une messe pour le repos de l’âme de Louis XVI. Il lui remettra aussi un mouchoir taché de sang et marqué de la couronne royale.
Après le 9 Thermidor, l’abbé Marolles retrouve la liberté.
Au passage d’une charrette de condamnés, il reconnaît « l’inconnu » : c‘est le bourreau Charles-Henri Sanson dit « Sanson le Grand » qui emmène à la guillotine les derniers condamnés de la Révolution : Fouquier-Tinville et Robespierre…

En avril 1793, soit trois mois après la mort du Roi, il avait laissé sa place à son fils Henri tout en conservant le titre officiel de bourreau. Avec son fils, il guillotina près de 3.000 personnes dont Louis XVI, la reine Marie-Antoinette, Danton, Hébert, Charlotte Corday, Lavoisier …

Mona pas aimé la Révolution… et vous ?

Sortie de Saint-Cyr

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Durant la terreur de 1793-1794, la guillotine fonctionnait à plein régime. Le moindre comportement jugé contre-révolutionnaire vous emmenait directement à l’échafaud. La Commune de Paris dans un arrêté municipal obligeait les citoyens portant un nom emprunté aux tyrans et à la féodalité à changer de patronyme. Ainsi les Lecomte, Lempereur, Baron… durent s’exécuter (si j’ose dire). Or un certain Monsieur de Saint-Cyr fut traduit devant le tribunal révolutionnaire. Le président lui demande son nom :

– Je me nomme de Saint-Cyr, répond l’accusé
– Il n’y a plus de noblesse, réplique le président
– Alors, je m’appelle Saint-Cyr
– Le règne de la superstition et des saints est révolu, lance le président
– Je m’appelle donc Cyr
– Mais enfin citoyen, la royauté a été définitivement abolie
– Puisque je n’ai pas de nom, j’échappe à la loi car je ne suis qu’une abstraction. Or vous ne trouverez aucune loi condamnant une abstraction ; je dois donc être acquitté.

Le public applaudit et demande la grâce de Saint-Cyr. Le président du tribunal se range à la demande du peuple et relaxe le prévenu :
– Citoyen Abstraction, tu es invité à faire choix d’un nom bien républicain si tu ne veux passer pour suspect. La séance est levée.

Mona pas changé de nom, et vous ?

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En ce jour, nous nous souvenons que Louis XVI fut guillotiné le 21 janvier 1793. Il avait 38 ans.  Sur l’échafaud, il avait dit : « Je souhaite que mon sang puisse cimenter le bonheur des Français. » Qu’il en soit ainsi.

Posthume d’hiver

brillat_savarin3En octobre 1825, Jean-Anthelme Brillat-Savarin, âgé de plus de 75 ans, publie à compte d’auteur un ouvrage : Physiologie du goût, ou méditations de gastronomie transcendante. Ce livre, référence de la gastronomie est toujours édité depuis cette date.

Le 21 janvier 1826, Charles X fait dire la première messe commémorative officielle pour l’anniversaire de la mort de son frère, Louis XVI, guillotiné le 21janvier 1793. Cet office regroupe les différents corps d’Etat. La magistrature est représentée par Brillat-Savarin qui fut Conseiller à la Cour de Cassation.  Ayant longtemps bénéficié des largesses de l’Empire, il se rend, bien que grippé, à la cérémonie pour conforter le serment de fidélité qu’il vient de faire au Roi.

L’office qui se déroule dans la Basilique de Saint Denis est interminable et le froid lui fait dire : « Ce sera la première messe pour un mort, et la dernière d’un vivant. »

Et de fait, une pneumonie l’emporte quelques jours plus tard, le 2 février.

brillat-savarin-livrefromage

En 1930, Henri Androuët, grand fromager devant l’Eternel baptise un fromage du nom du grand gastronome. Parmi tous les aphorismes de son ouvrage, un des plus célèbres était un hommage au fromage : « Un repas sans fromage, c’est comme une belle à qui il manque un œil. »

Bon Mona, il est temps de saluer la mémoire de BS. Levons notre verre à ce génie. Comme il était originaire de Belley (Ain), je vous sers un vin local trop méconnu : un Cerdon demi-sec de Georges Martin. De jolies bulles aux notes de fraise et framboise.

la Raccourcisseuse patriotique

Louis XVI et Marie-Antoinette d'après F. Botero
Louis XVI et Marie-Antoinette d'après F. Botero

Alexandre Dumas Père a écrit l’histoire de Louis XVI et de Marie-Antoinette. Dans les trois tomes de l’édition de 1853, j’ai sélectionné ce texte sur les premiers essais de la guillotine :

C’est dans une des cours de Bicêtre que les premiers essais de la guillotine eurent lieu le 17 avril 1792. Il est sept heures du matin. Une petite pluie tombe fine comme un crêpe, tandis que cinq ou six ouvriers charpentiers, sous la direction d’un maître, s’occupent à dresser dans cette cour une machine d’une forme inconnue et étrange.

Disons comment se fit la modification qui conduisit l’instrument de mort à la perfection qui le distingue aujourd’hui. Le roi Louis XVI entendit parler de l’essai qui avait été fait dans la cour de Bicêtre, et l’on n’avait pu lui cacher le désagrément qu’avait éprouvé le docteur Guillotin. Le roi était assez bon mécanicien et surtout assez habile serrurier. La première fois qu’il eut occasion de se trouver avec le docteur Louis, il se fit expliquer par lui le mécanisme de la machine. Le docteur Louis prit une plume et tant bien que mal fit un dessin de l’instrument.
Le roi examina le dessin avec attention, et arrivé au couperet :
— Le défaut est là, dit-il, le couperet, au lieu d’être façonné en croissant, devrait être de forme triangulaire et taillé en biais comme une scie. Et joignant l’exemple à la démonstration, Louis XVI prit à son tour une plume et dessina l’instrument comme il l’entendait.
Neuf mois après, la tête du malheureux Louis XVI tombait sous l’instrument que lui-même avait dessiné.

En regardant aux ouvertures grillées pratiquées dans les quatre murailles qui formaient cette cour, on pouvait voir quelques têtes pâles et inquiètes, dont les regards plongeaient sur la machine qui allait s’élevant toujours. C’étaient les têtes des prisonniers réveillés par les coups de marteau. On a le sommeil léger en prison, et ils regardaient quel évènement inattendu allait se passer dans cette cour.

Quelques personnes entraient les unes après les autres ; et, malgré la pluie qui continuait de tomber, ils examinaient cette machine avec curiosité. Ce furent d’abord le docteur Philippe Pinel, puis le célèbre Cabanis, dans les bras duquel Mirabeau venait de mourir il y avait quinze jours.

On demandait naturellement des explications au maître charpentier qui s’appelait Guidon, et qui, il faut le dire, s’empressait de donner ces explications avec une complaisance parfaite. Et maître Guidon expliquait de son mieux les vertus de la machine, pour laquelle il paraissait avoir une prédilection toute particulière, et qu’il appelait en riant « sa demoiselle », attendu, disait-il, qu’elle était vierge.
Dans un coin de la cour se tenait un autre groupe de quatre personnes. Celles-là étaient vêtues fort simplement et portaient des cheveux non poudrés.Le chef de ces quatre hommes était un homme de cinquante à cinquante-cinq ans, dont la taille était haute, le sourire bienveillant, la physionomie ouverte. Cet homme s’appelait Charles-Louis Samson, il était né le 15 février 1738, et exerçait depuis vingt ans, sous la direction de son père, les fonctions de bourreau de Paris. Les trois autres hommes étaient son fils et ses deux aides.
Cette présence de M. de Paris, comme on appelait alors l’exécuteur des hautes œuvres du département de la Seine, donnait une terrible éloquence à la machine.
Aussi nous l’avons dit, le bourreau, son fils et ses deux valets formaient-ils un groupe à part, qui ne se mêlait point aux autres groupes.
Vers huit heures, deux hommes apparurent à la grille qui s’ouvrit devant eux.
D’un âge de soixante-dix ans, pâle, souffrant de la maladie dont il devait mourir bientôt, était le docteur Louis, médecin par quartier du roi. L’autre était l’inventeur de la fameuse machine, le citoyen Joseph-Ignace Guillotin.
Tous deux s’approchèrent, Louis lentement, Guillotin avec cette vivacité qui faisait le côté remarquable de sa personne. Ce dernier parut enchanté de la manière dont maître Guidon avait traduit sa pensée, aussi lui demanda-t-il combien l’instrument pouvait coûter.

On frappa à la grille, et une petite voiture traînée à bras, fut introduite dans la cour.
— Ah ! Voilà ce que nous attendons, s’écria le docteur Guillotin tout joyeux.
Cette voiture contenait trois sacs, et les trois sacs trois cadavres, envoyés par la direction des hospices.
Le bourreau, son fils et les deux valets s’emparèrent d’un des cadavres et le couchèrent sur la bascule. Puis on fit jouer le ressort. Le ressort se détendit, le couperet se précipita avec la rapidité de la foudre, et la tète du cadavre, séparée du corps, roula sur le pavé de la cour.

Guillotin poussa un cri de joie.
Quant à la guillotine, elle pouvait être appelée « Madame », car elle venait de perdre sa virginité.
Quelques applaudissements se firent entendre. Le docteur salua.

Un second essai fut tenté avec un succès égal.

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Louis XVI et Marie-Antoinette, Basilique Saint-Denis

J’ai relevé dans cette page d’Alexandre Dumas : « espérons que nous vivrons assez pour enregistrer dans cette même histoire le nom du dernier ».

Mon cher Alexandre, il eut fallu que vous viviez bien vieux. C’est Hamida Djandoubi qui fut le dernier guillotiné. C’était à Marseille, le 10 septembre 1977. La peine de mort a été abolie en France le 9 octobre 1981.

Mona encore toute sa tête