Comme dans un fauteuil, Voltaire

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En 1758, âgé de 64 ans, ce qui est un âge canonique pour l’époque, Voltaire se retire près de la frontière Suisse. Il acquiert le Château de Ferney et y fait des travaux durant de longs mois avant de pouvoir s’y installer en 1760. Cependant le chantier ne sera terminé qu’en 1762. Afin de réaliser l’agrandissement du Château, il obtient la destruction de la chapelle qui jouxte la demeure. Certaines mauvaises langues disent que c’est pour élargir la vue depuis les fenêtres de son salon.

Mais à l’époque cette chapelle était utilisée par les paroissiens de Ferney. Voltaire reconstruit un peu plus loin une chapelle dont deux clochetons qui garnissaient les tours furent abattus durant la Révolution. En dessous du clocher, il fait poser une plaque sur laquelle était inscrit en lettres d’or : « Deo Erexit Voltaire[1]« . Il est à noter que Voltaire est écrit en plus gros que Deo.

Certes, Voltaire est connu comme un anti-religieux mais dans cette église, il assista régulièrement aux offices. Il y communia même bien qu’il ait écrit concomitamment aux Encyclopédistes qu’il se moquait de ce sacrement.

Pas peur aux chevilles, François-Marie Arouet. N’est-il point ma chère Mona ? Bon, c’est pas tout ça. Voulez vous sortir deux verres que je verse le Château Bellevue 2004. Ce vin de Lussac Saint Emilion cultivé en bio est un vin excellent. Bien que ce millésime n’ait pas laissé de grand souvenir, la réussite est totale. Un grand vin prêt à boire.


[1] Voltaire érigea pour Dieu 

Viens Poupoule, viens

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Je n’en peux plus, mon mari m’appelle toujours «ma poule». Me comparer à ce gallinacé bête et stupide m’est insupportable.
Tel est le cri (ou plutôt le caquètement, devrai-je dire) d’Aimée Nervegrave dans la lettre qu’elle m’a adressée.  

Non, mais vous vous rendez compte, alors que le monde est en crise, vous m’envoyez des conneries pareilles. Oui, je sais ; çà peut choquer dans la bouche d’une jeune fille comme moi d’utiliser la grossièreté pour exprimer ma colère, mais, je trouve que ce surnom affectueux n’est pas dégradant. La femelle du coq n’est pas plus bête que beaucoup de mes congénères. Savez-vous que nombre de femmes sont affublées de surnoms bien pire. Vous savez le gars qui au moment de se coucher appelle sa donzelle : tu te couches, ma puce ? Et qui le lendemain matin après avoir profité de ses charmes, lui crie de la cuisine alors qu’elle paresse dans le pucier conjugal : alors tu te lèves grosse vache ? En une nuit, la compagne du jouisseur lubrique vient de prendre 300 kg dans le moral…

Et puis, Aimée Nervegrave, ces petits noms enfantins mais si attendrissants existent depuis la nuit des temps. S’il fallait vous en convaincre, lisez donc ce court extrait signé Voltaire :

Le célèbre Harvey qui, le premier, démontra la circulation sanguine, et qui était digne de découvrir le secret de la nature, crut l’avoir trouvée dans les poules. Elles pondent des œufs, il jugea que les femmes pondaient aussi. Les mauvais plaisants de dire aussitôt que c’était pour cela que les bourgeois appelaient leur femme ma poule, et que toutes les femmes étaient coquettes, parce qu’elles voulaient que les coqs les trouvassent belles. Malgré ces railleries, Harvey ne changea point de système, et il fut établi dans toute l’Europe, que nous étions pondus.

Mona pas de problème quand Lépicurien l’appelle Poupoule. 

Bain dites donc

Actuellement, chacun peut prendre sa douche journellement. Mais ce luxe est récent. Et durant plusieurs siècles, le bain était réservé à quelques uns. Par contre, il était de bon ton de recevoir ses amis pendant son bain. A partir du XVII° siècle, la pudeur fit prendre certaines précautions avant de les laisser entrer. On versait une pinte de lait pour troubler l’eau et cacher ce qui ne devait être vu. Mais si on ne se montrait pas nu devant ses invités, on ne faisait pas attention avec ses gens.  Ainsi Sébastien Longchamp qui fut valet dans de grandes maisons a écrit dans ses mémoires que :

Les grandes dames ne regardaient leurs laquais que comme des automates. Je suis convaincu que ma maîtresse dans son bain, en m’ordonnant de la servir, ne voyait pas même en cela une ombre d’indécence, et que mon individu n’était alors à ses yeux ni plus ni moins que la bouilloire que j’avais à la main.

Longchamp fait référence à ses débuts chez Madame du Chatelet, la sublime Emilie, mathématicienne et physicienne et surtout connue comme la maîtresse de Voltaire. Laissons le jeune homme nous partager son émoi :

Cependant quelques jours après, au moment où elle était dans son bain, elle sonna ; je m’empressai d’accourir dans sa chambre, ma sœur, occupée ailleurs, ne s’y trouvait point alors. Madame du Châtelet me dit de prendre une bouilloire qui était devant le feu, et de lui verser de l’eau dans son bain, parce qu’il se refroidissait.
En m’approchant, je vis qu’elle était nue, et qu’on n’avait point mis d’essence dans le bain, car l’eau en était parfaitement claire et limpide.
Madame écartait les jambes, afin que je versasse plus commodément et sans lui faire mal l’eau bouillante que j’apportais. En commençant cette besogne, ma vue tomba sur ce que je ne cherchais pas à voir ; honteux et détournant la tête autant qu’il m’était possible, ma main vacillait et versait l’eau au hasard : Prenez donc garde, me dit-elle brusquement, d’une voix forte, vous allez me brûler. Force me fut d’avoir l’œil à mon ouvrage, et de l’y tenir, malgré moi, plus longtemps que je ne voulais. Je n’étais pas encore familiarisé avec une telle aisance de la part des maîtresses que je servais.

Mona, quand vous sortirez de votre bain, si vous voulez sortir deux verres. Je vous propose le Bourgogne rouge 2007 de Frédéric Magnien. Un style moderne mais un vin fort plaisant. En renverser une pinte dans votre baignoire serait du gâchis !

Une fille dans le vent

Bien que soutenu par Voltaire, il fallut attendre 1738 pour que Les Pièces Libres d’Antoine Ferrand soient publiées alors que l’écrivain était mort depuis 1719. Et encore, ce n’est pas à Paris mais à Londres qu’il fut édité. Il faut dire que ses vers sont souvent irrévérencieux ou coquins.

Comme je préfère les poèmes légers, je vous en offre deux.  

Astrée un jour s’enquit du Médecin
Quel temps était à l’amour plus propice
L’ébat, dit-il, au matin est plus sain,
Mais vers le soir il a plus de délices.
Oracle sûr, savante Faculté !
Bien répondu ! Depuis ce temps, Astrée
Chaque matin le fait pour la santé
Pour le plaisir, le fait chaque soirée.

 §

Ma charmante Nanette,
J’entends un petit bruit;
C’est ton cul qui caquette,
Apprends-moi ce qu’il dit.
Aurait-il reçu quelque injure
Dont il murmure?
A-t-il quelque chagrin
Contre son bon voisin?

Parlons en confidence,
Ce voisin si mignon,
Prend-il en patience
Cette espèce d’affront?
Que je voudrais, quand tu lui lâches,
Sur la moustache,
Un petit camouflet,
Voir la mine qu’il fait! 

Mona pas tout compris. Vous voulez lui expliquer ?

Où çà ? A la Bastille

Vous direz au Duc d'Orléans que je ne sors pas....

Le duc d’Orléans convaincu de l’innocence de Voltaire, faussement accusé d’avoir écrit contre la mémoire de Louis XIV, le fit sortir de la Bastille où il avait été emprisonné. En dédommagement, il lui accorda une gratification.

«Monseigneur, lui dit le poète, je remercie votre Altesse Royale de vouloir bien continuer à se charger de ma nourriture, mais je la prie de ne plus se charger de mon logement.»

Mona pas besoin de toi(t) ?

Hymen, c’est vache

Sallentin a publié au début des années 1800 une série de recueils au titre curieux : l’Improvisateur Français. Ces ouvrages ressemblent à un dictionnaire mais agrémenté de nombre d’anecdotes. Au mot « coucher« , on peut lire :

« Nous ne pouvons vendre que ce qui nous appartient.
Autrefois les curés de Picardie prétendaient que les nouveaux mariés ne pouvaient pas, sans leur permission, coucher ensemble les trois premières nuits de leurs noces. Il intervint arrêt le 19 mars 1409, portant défense à l’évêque d’Amiens et aux curés de ladite ville, de prendre ni exiger aucun argent des nouveaux mariés pour leur permettre de coucher avec leurs femmes la première, la seconde et la troisième nuit de leurs noces. Il fut dit que chacun desdits habitants pourrait coucher avec son épouse sans la permission de l’évêque et de ses officiers. »

Un peu plus loin, au mot « cul, culage » on peut lire :

jeunes-maries– Les femmes, à qui la mode a de tout temps tourné la tête, portaient il y a vingt ans des culs postiches; elles en portaient il y a 200 ans, et davantage. Henri Etienne dit que de son temps, environ l’an 1680, quand une dame demandait son bourrelet pour sortir, elle disait : apportez-moi mon cul, et que quelquefois on criait : on ne trouve point le cul de madame ; le cul de madame est perdu.

– Culagium en latin, en français couillage ou culage, étaient des termes dont on se servait autrefois pour exprimer le droit que s’étaient attribué les seigneurs, et qui les autorisait à jouir, le jour de l’hyménée, des prémices du mariage avec toutes les filles qui habitaient sur leur territoire. Ce droit, quoique fort agréable pour l’ordinaire, était fort embarrassant pour les vieux seigneurs, pour les vieux prélats, et quelquefois même pour les jeunes quand le pays était passablement peuplé. Ils imaginèrent donc de donner aux maris la licence de se racheter du droit de culage, et comme l’argent était rare, les seigneurs n’en exigèrent pas. Ils se contentèrent du paiement d’un impôt en nature, tel que blé, vin, cidre ou bestiaux, selon les productions du sol. Du reste, nul ne pouvait coucher avec sa femme s’il n’eût payé ce droit. Alors le seigneur se contentait de mettre une cuisse nue dans le lit de la mariée, ce qu’on appelait prendre le droit de cuissage ou culage. Même les filles de nobles n’en étaient pas dispensées. Mais il paraît qu’il vint un temps où elles purent s’en racheter par le don d’une vache.

Voltaire s’est insurgé contre cette ancienne pratique :

Les jeunes fiancées donnaient donc sans résistance la première nuit de leurs noces au seigneur châtelain.
On prétend que cette jurisprudence commença en Ecosse ; je le croirais volontiers : les seigneurs écossais avaient un pouvoir encore plus absolu sur leurs clans, que les barons allemands et français sur leurs sujets.
Il est indubitable que des abbés, des évêques s’attribuèrent cette prérogative en qualité de seigneurs temporels : et il n’y a pas bien longtemps que des prélats se sont désistés de cet ancien privilège pour des redevances en argent, auxquelles ils avaient autant de droit qu’aux pucelages des filles.
Mais remarquons bien que cet excès de tyrannie ne fut jamais approuvé par aucune loi publique. Si un seigneur ou un prélat avait assigné pardevant un tribunal réglé une fille fiancée à un de ses vassaux, pour venir lui payer sa redevance , il eût perdu sans doute sa cause avec dépens.

Mona, çà me rappelle cette vieille blague :
Qui grossit le plus en une nuit ? Vous ne savez pas ? Votre langue au chat ?
C’est la femme ; car son mari lui dit le soir : « tu viens ma petite puce » et le matin : « tu te lèves, grosse vache« … Oui, je sais c’est déplacé, gamin et tout. Mais enfin, il y encore quelques temps, il fallait avoir au moins une vache pour passer sa nuit de noce. J’ai rien inventé.
Bon allez, on boit un coup ? Et pas du lait. Moi je boirai du lait uniquement quand les vaches mangeront du raisin. Mais une simple Clairette de Die authentique fera l’affaire. Le plaisir du muscat avec des bulles. C’est léger, léger… Et avec ce morceau de tarte que vous avez faite, le pied !!