Mes frais m’effraient

Nous sommes en août 1477. Monsieur de Paris, autrement dit le bourreau, se pointe à la Prévôté de Paris et présente sa note de frais comme après chaque exécution. Et celle là marqua les esprits puisqu’il s’agissait de Jacques d’Armagnac, Duc de Nemours, pair de France et frère de lait du roi Louis XI. Accusé de haute trahison, il fut condamné à mort, mais les choses furent bien faites : Jacques fut placé sur un cheval drapé de noir et mené aux Halles, où on le fit monter sur un échafaud construit à son intention et entièrement recouvert de draperies noires. En route, comme le voulait la tradition, le cortège s’arrêta au couvent des Filles-Dieu, rue Saint-Denis. Là, tandis que les nones priaient pour le salut du condamné, le futur défunt et les accompagnants buvaient le dernier verre en portant des toasts du genre : longue vie et bonne santé. C’est le bourreau qui payait l’addition avant de se faire rembourser.

Mais ce jour là, ça coince : le contrôleur trouve la note un peu salée. Douze livres et six deniers pour du pain et des fruits et douze pintes de vin qu’ont bues ces Messieurs du Parlement et officiers du Roi.

Le bourreau fut-il payé intégralement ? L’Histoire ne le dit pas…

Notre journal étant professionnel, je ne broderai pas. Par contre, si l’un de vous en sait plus, je lui assure une publication rapide.

Alors Mona, inutile de me faire signer une note de frais pour servir ce vin.  Que diriez-vous du Moulin à Vent 2009 de Thibault Liger Belair. Là on dit : y’a du vin et tout est dit ! Grandiose.

Une bière pour la Palatine, une

Vous savez que nous avons une affection particulière pour La Palatine ; la Duchesse d’Orléans fut la vraie commère de la Cour de Louis XIV. Son abondante correspondance est la source la plus importante pour comprendre cette époque. Restant attachée à ses origines allemandes, elle aime la bière et la cuisine roborative

Mais le 8 décembre 1722, la princesse ferme les yeux pour toujours. Lors de son enterrement en l’Eglise Saint-Sulpice, un laquais de la maison d’Orléans, vêtu de noir, remet à chaque personne entrant dans le lieu de culte un papier en précisant que Madame la Duchesse d’Orléans avait recommandé en rendant l’âme de remettre ce document à tous ses amis.

Dans l’église, quelques murmures, quelques rires étouffés, des conversations s’engagent. Décidément, cette grande dame était incorrigible.
Le texte est savoureux :

Je ne puis rendre de service plus éclatant à mes chères nobles amies que de leur léguer ma fameuse recette d’accommoder les choux rouges.
Pour un chou de moyenne grosseur, faites cuire dans quatre pintes de bouillon, avec deux quartiers de pomme reinette, un oignon piqué de girofle et deux bons verres de vin rouge. Saupoudrez légèrement d’épices, le tout à l’étuvée.
Charlotte de Bavière

Je ne sais par pourquoi, mais çà me donne envie de chanter du Brel :

Après mon dernier repas
Je veux que l´on m´installe
Assis seul comme un roi
Accueillant ses vestales
Dans ma pipe, je brûlerai
Mes souvenirs d´enfance
Mes rêves inachevés
Mes restes d´espérance
Et je ne garderai
Pour habiller mon âme
Que l´idée d´un rosier
Et qu´un prénom de femme
Puis je regarderai
Le haut de ma colline
Qui danse, qui se devine
Qui finit par sombrer
Et dans l´odeur des fleurs
Qui bientôt s´éteindra
Je sais que j´aurai peur
Une dernière fois.

Mona encore rien écrit pour son dernier jour. Patience !

Je tiens pas de boue

Mona attend votre aide

Louis-Philippe avait invité à dîner Giacomo Meyerbeer, compositeur allemand, qui triomphait à Paris avec ses opéras. Au cours du repas, le roi lui demanda s’il avait des enfants.

-Oui, Sire, répondit le maître, je regrette seulement de n’avoir que des filles.

-Comment, s’écria le roi, vous qui êtes Juif, vous ignorez l’art d’avoir des garçons. Pendant mon exil en Suisse, j’ai fait la connaissance d’un rabbin qui m’a donné des leçons d’allemand. Mais ce qu’il m’a appris de mieux, c’est de me marier de bonne heure et d’avoir des garçons et des filles à ma volonté.

Là-dessus, le roi communiqua son secret au musicien : le Talmud dit que, pour avoir des garçons, il faut attendre que la femme désire son mari ; pour avoir une fille, il faut, au contraire, que l’homme désirant violement  sa femme, la surprenne pour ainsi dire, et l’aime à l’improviste.

-Je vous certifie, ajouta le roi, que l’expérience a tout à fait justifié cette théorie. D’avance, j’ai annoncé à mes parents et connaissances, soit mon garçon, soit ma fille.

Le moyen est simple et à la portée de tout le monde, nous le donnons pour ce qu’il vaut.

Et nous ne pouvons passer sous silence un moyen que nous a appris une brave nourrice, et auquel elle attribue une absolue infaillibilité.
Voici le moyen, qui aurait été indiqué par Hippocrate lui-même.

Vous êtes grosse, Madame, et votre mari, la famille toute entière et vous-même désirez bien connaître avant les neuf mois accomplis, le sexe du petit être dont vous ressentez déjà les premiers mouvements. Le procédé est fort simple pour le savoir. Il s’agit de vous asseoir à terre, les jambes bien allongées. Une fois là, quelqu’un se plaçant devant vous, vous ordonnera de vous relever ; à ce commandement, par un mouvement instinctif, vous prendrez appui sur le sol avec l’un de vos bras. Si c’est le bras droit qui porte à terre, vous aurez un garçon ; si le bras gauche, une fille.

-Mais, me direz-vous…
-Mais de tous les moyens proposés, c’est celui qui nous a paru le plus sérieux.[1]

Ma chère Mona, j’ai hâte que vous soyez «grosse», j’aurai plaisir à vous aider à vous relever. En attendant, n’étant point enceinte, vous pouvez goûter ce Morgon 2009 du domaine Aucoeur.  Un vin fruité, simple qui donne envie d’une bonne assiette de charcuterie. De quoi se réconcilier avec les Beaujolais à quelques semaines du jeudi Beaujolais nouveau. Je vous rappelle, Mona, que nous ne fêterons pas ce liquide indigne de ces crus du Beaujolais.


[1] Texte tiré du Lendemain du mariage par le Dr Coriveaud

 

Les bourses au plus bas

Décidément, mes petites chattes, vous êtes formidables. Si, si, j’insiste. Tenez par exemple, j’ai reçu un courrier de Justine Petitegoute qui me signale la publication d’une nouvelle étude sur un sujet qui nous préoccupe depuis longtemps : la diminution du nombre de spermatozoïdes. Il y a de quoi s’inquiéter car non seulement, c’est la reproduction même de l’espèce qui est en jeu, mais c’est également une diminution de moments de tendresse qui nous attend nous, pauvres femmes. En effet, si nos hommes ont les valseuses qui contiennent de moins en moins de béchamel, de crème fouettée ou d’écume blanche, ils seront moins enclins à nous rincer la cuvette ou à cracher dans le bénitier à maman. Et çà, c’est pas bon pour nous.

Personnellement, me dit Justine, j’ai pas envie de me contenter des joujoux si en vogue auprès de mes copines (de cheval ?). Ces fausses clarinettes à perruque ne sont que des pis-aller et ne sauraient contenter des filles roulées au moule comme moi. Alors, après avoir milité pour sauver les baleines, les ours et les dauphins, je vous propose, Mona, de lancer un S.O.S pour nos Jules…

Justine, votre idée est magnifique : sauver l’homme, lui rendre sa fierté en lui laissant suffisamment de bouillon génératif dans les bibelots pour nous arroser régulièrement le gazon sans risquer de les assécher ou pis de provoquer une pénurie qui nous empêcherait de faire de beaux lardons pour que l’humanité perdure. Concrètement, je ne sais pas encore ce que je peux faire, mais je vais y réfléchir et vous tiendrai informée de mes recherches.

Mona plus de mal avec ses actions en bourse qu’à mettre les bourses en action. Bizarre, non ?

Des soupers manquant de pain, c’est triste…

Il y a des acteurs populaires. Michel Galabru en est le prototype. Il a tourné depuis 1948, environ 250 films dont un grand nombre sont des navets alimentaires, comme il le dit lui-même.

Mais, il restera à jamais dans le cœur des Français, le Maréchal des logis Cruchot dans la série des gendarmes auprès de Louis de Funès.

Cependant, il ne faut pas oublier le grand comédien qui fréquente assidument les planches depuis 60 ans et enseigne depuis le début des années 1980.

En 1977, il décroche un César de meilleur acteur et en 2008, à 85 ans, il est enfin reconnu comme théâtreux en recevant un Molière pour son rôle dans Les Chaussettes opus 124.

Et son rôle dans la Femme du Boulanger a rencontré un énorme succès.

Pourtant, Michel Galabru se définit toujours comme un saltimbanque. A un comédien qui lui reprochait sa participation à une bonne soixantaine de comédies mal ficelées, vite tournées et vite oubliées, Galabru lui dit :

-J’aime mieux avoir des lingots d’or dans mes tiroirs que des kilos de bonnes critiques.

Ma chère Mona, Galabru est un bon vivant. Je vous invite à boire un Savigny lès Beaune 1er cru Les Serpentières 2007 de Michel Ecard. Une vraie gourmandise !

Que de cheval !

Le sujet que je vais aborder ce matin est sujet à polémique, j’en suis consciente. Mais je ne peux rester sans réagir à la lettre de Brigitte Barchaud qui m’a adressé un courrier virulent sous prétexte d’une pétition pour interdire la viande de cheval. Le texte n’est qu’un ramassis d’injures à l’adresse des hippophages.

Tout d’abord, je trouve votre façon de faire inique (et non hi-hippique, hourra). L’insulte n’est pas un argument.

Certes, je comprends que l’on veuille défendre le cheval, la plus noble conquête de l’homme. Cependant, Brigitte, il est bon de vous rappeler l’Histoire. Si les hommes préhistoriques chassaient le cheval pour s’en nourrir, si les grecs, les romains… en faisaient élevage pour les manger, avec l’ère chrétienne, la consommation de viande de cheval a fortement diminué au profit des autres viandes d’élevage. Pourquoi ? Parce que cette viande était consommée au cours de cérémonies païennes mêlant sacrifices humains et banquets pantagruéliques. Aussi l’Eglise, pour en finir avec ces pratiques, interdit la consommation de viande de cheval. Il fallut attendre 1866 pour que la première boucherie chevaline ouvre ses portes à Paris. Mais c’est durant le siège de 1870 que cette viande va se révéler fort utile. Et pour cause, après avoir abattu tout le bétail disponible, les animaux du zoo, on en vint à sacrifier les chevaux. Cette viande trouva sa place durablement jusque dans les années 1960. Mais avec la disparition du cheval dans les campagnes et le développement de l’équitation et des promenades en forêt, le cheval est de plus en plus considéré comme un animal de compagnie. Et chacun sait que l’on ne mange pas ses amis. Et pourtant, dans d’autres contrées, le chien, le cochon d’Inde… ne sont vus que comme des aliments pendant que nos bichons et chiwawas sont élevés dans le luxe de niches dorées et enterrés au cimetière d’Asnières au cotés de Barry ou de Rintintin.

Alors, même si je ne suis pas une consommatrice de cheval plus par habitude que par principe, je vous rappelle, Mademoiselle Barchaud, que la viande de cheval fut utilisée pour des raisons économiques. Moins chère que le bœuf, elle fut encouragée par savants et docteurs pour permettre aux moins fortunés d’avoir leur apport en protéines. Et d’ailleurs encore de nos jours, les rares boucheries chevalines en activité sont situées dans les villes ou arrondissements de Paris plutôt populaires.

Alors Mademoiselle Barchaud, votre dure lutte est surement noble ; mais quand sa gamelle est assurée, on peut se permettre des combats que d’autres n’ont pas les moyens de mener.

Brigitte Barchaud, je ne suis pas à cheval sur les principes, mais convenez-en, un peu de courtoisie et de politesse aurait faciliter nos relations.

Mona pris le mors aux dents !

Au diable, la varice…

L’avarice est un des sept péchés capitaux. Ce travers prive la personne concernée et son entourage de beaucoup de plaisirs de la vie. Il n’est que de relire l’Avare de Molière. Mais j’aime ces deux brèves vaches.

Le poète Scarron fit cette épitaphe pour une de ses parentes dont l’avarice était des plus sordides:

Ci-gît qui tant aimait à prendre,
Et qui l’avait si bien appris,
Qu’elle aima mieux mourir que rendre
Un lavement qu’elle avait pris.

Un autre poète composa ce quatrain pour une de ses tantes qui avait le même défaut:

Par testament dame Denise,
Quoiqu’elle possédât un ample revenu,
Ordonna que son corps fût inhumé tout nu,
Pour épargner une chemise.

Mona, vous savez que je ne suis pas pingre. Aussi, si vous sortez deux verres, je vous invite à déguster un Chinon 2009 du Domaine de la Morandière. Un vin … généreux !!

Bien sûr, l’accessoiriste teint les calèches

Un grand merci à Jean Sébienplus qui, à la lecture du texte remarquable du Patron Lépicurien sur Erich Von Stroheim, m’apprend que ce cinéaste était un perfectionniste. Ainsi en 1922, sur un plateau de tournage d’Hollywood, il tourne son troisième film muet : Folies de Femmes. Pour une scène, on a reconstitué le casino de Monte Carlo et deux mille figurants sont là pour applaudir l’arrivée du carrosse du Comte Sergius Karamzin, joué par Stroheim lui-même.
Erich Von Stroheim lance «moteur» et la foule applaudit ; le carrosse avance et l’acteur descend, rentre dans l’hôtel et se dirige vers la réception. Il appuie sur la sonnette. Aucun son n’en sort. Von Stroheim, fou de rage s’écrie : – Coupez.

Le producteur fait remarquer au cinéaste que pour un film muet, ce manque de son n’aura pas d’incidence. Mais Von Stroheim est fou de rage et s’en prend à l’accessoiriste :
-J’ai déjà dit que je voulais que tout doit être réel, réparez cette cloche et on la refait.

Le producteur transpire à grosses gouttes, s’effondre dans son fauteuil et compte la perte due à ce caprice.

La cloche est réparée et la scène retournée.

Mona écrit ce texte, mais vous ne l’entendez pas, on le refait ?…