Le Roi au bord d’elle

Dans les Fastes de Louis XV, l’auteur, un certain Bouffonidor publie en 1782, un ouvrage en deux volumes sur la vie de Louis XV. La lecture de ces pages montre la déliquescence du pouvoir. N’oublions pas que Louis XVI était encore Roi. La préface illustre bien le dégoût que le Bien-Aimé avait suscité à la fin de son règne :

On va parler d’un Roi qui avait mérité de son peuple le doux titre de bien-aimé ; d’un Roi qui fut, dans son berceau, l’idole des Français ; à qui y dans son printemps, on éleva des statues que, dans son automne, on insulta de la manière la plus sanglante ; d’un Roi dont la mort fut, comme celle de son bisaïeul, le triomphe de la nation. Voici le moment de la vérité. Ayons le courage de tout dire et de ne rien cacher. Ne dissimulons ni les vertus, ni les vices du Monarque, ni les crimes, ni les forfaits des esclaves, des roués, des courtisans, des Ministres, des viles prostituées qui l’entourèrent pour son malheur et celui de ses peuples.


A propos de Madame Du Barry, l’auteur n’y va pas avec le dos de la cuillère. Ces quelques mots suffiront à illustrer :

C’est ainsi qu’on vit une catin, née dans une condition très obscure, vouée au libertinage dès sa tendre jeunesse, autant par goût que par état, n’apportant au Monarque que les restes de la prostitution de la plus vile canaille; c’est ainsi qu’on l’a vit s’asseoir presque sur le trône, et le Roi lui prodiguer le trésor public pour lui faire étaler un luxe de Reine, multiplier les impôts pour satisfaire ses fantaisies puériles, et faire dépendre le destin de ses sujets des caprices de cette folle.

Dois-je vous rappeler que cette dame est toujours en vie [1] lors de la parution de ce livre.

De même, l’auteur rapporte les attaques contre la favorite. Même au sein de la Cour, on jase… Ainsi cet ecclésiastique profite d’un sermon pour envoyer la purée :

L’abbé de Beauvais ayant obtenu l’honorable station du carême [2] de 1774, devant Louis XV, prit le parti de faire fortune par cette voie, en s’exposant ou à avoir un évêché pour prix de son zèle apostolique, ou à être enfermé à la bastille en punition de son audacieuse témérité. Il osa donc tonner en chaire contre la vie scandaleuse du Monarque. Il caractérisa spécialement sa passion pour Madame du Barry, dans une peinture énergique qu’il fit des mœurs de Salomon, dont la comparaison était sensible. « Ce Monarque, disait-il, rassasié de volupté, las d’avoir épuisé, pour réveiller ses sens flétris, tous les genres de plaisirs qui entourent le trône, finit par en chercher d’une espèce nouvelle dans les viles restes de la corruption publique. » Madame du Barry se reconnut trop bien à ce portrait pour n’être pas piquée. Elle écrivit le soir même cette lettre à l’audacieux prédicateur : « Vous venez, Monsieur l’abbé, de prêcher avec une insolence extrême, la charité, la modération ; vous avez eu la hardiesse de noircir la vie de notre Monarque aux yeux de son peuple; vous n’avez attaqué que lui, quoiqu’il fût le seul que vous deviez ménager, et dont vous deviez en quelque sorte excuser les faiblesses, devant ses sujets. Ce n’est point la charité chrétienne qui vous a inspiré ; c’est l’ambition et le seul désir de vous élever qui ont été les mobiles de votre conduite. A la place de Sa Majesté,  je vous exilerais dans quelque village éloigné, pour y apprendre à être plus circonspect, et à ne plus chercher à soulever les peuples contre les Princes que Dieu leur a donnés pour les gouverner. Je ne sais ce qu’elle fera; mais vous avez trop compté sur sa bonté. Vous ne vous attendiez pas à recevoir de moi des règles pour vous conduire, puisées dans le christianisme et la morale ; mais pour votre bien, tâchez d’en faire votre profit. Voilà mon sermon, je souhaite qu’il vous puisse être utile ». La favorite chercha, par toute voie possible, à indisposer son royal amant contre le hardi prédicateur; mais Louis XV était bon ; il ne se fâcha pas, il l’excusa même, en disant qu’il avait fait son métier, et il récompensa la station de ce nouvel Athanase, par le don de l’évêché de Sénez.

Mona pas de Royal amant ; dommage ?


[1] Elle sera guillotinée le 8 décembre 1793
[2] Se dit particulièrement des prédicateurs auxquels on assigne telle ou telle église pour y prêcher pendant l’avent ou le carême.

Quand la Reine est servie…

marie-leczinska-boucheeLa bouchée à la Reine est un des plats les plus traditionnels de la gastronomie française. Saviez vous qu’en mangeant ce plat, vous saluez la mémoire de la femme de Louis XV ? Fille du Roi de Pologne, Marie Leczinska (1703-1768) épousa le Roi de France en 1725. Ce dernier n’avait que quinze ans, et elle, vingt-deux. Ils furent très amoureux et, pour la première fois, la Cour vit deux tourtereaux fort épris. De ces amours, naquirent dix enfants, dont seulement deux garçons (de plus l’un décéda en bas âge). Devenue une mère dévouée, elle délaissa un peu le Roi.

Louis XV se lança dans une longue vie extraconjugale et eut des maîtresses jusqu’à la fin de sa vie. Les plus connues ont pour nom Madame de Pompadour et Madame du Barry.

Dans les écrits de l’époque, la Reine est toujours présentée comme une « bonne mangeuse ». Gourmande, elle demanda à son cuisinier de lui concocter des recettes pour réactiver son appétit coïtal et lui ramener son Royal Epoux…  Seule à table, elle fit réduire la taille du vol au vent, plat à partager, pour obtenir un plat pour une seule personne.

Ainsi arriva la bouchée à la Reine. Dans la recette du XVIIIème siècle, les croûtes feuilletées sont  garnies d’un salpicon[1] fait notamment de ris de veau, de crêtes, de rognons de coq, d’amourettes, d’animelles d’agneau, de truffes et d’olives vertes.

Un régime fort aphrodisiaque mais qui n’eut que peu d’effet sur le couple !

Mais le plat passa les diverses révolutions et reste un des mets préférés des Français.

Pour réussir de belles bouchées, reportez vous comme moi à cette recette. Ne faîtes pas comme certains qui remplacent les ris de veau par des rognons blancs : çà peut donner des boutons aux jeunes femmes comme moi.

Mona pas mangé de bouchée à la reine. Elle en a pas besoin. Et vous ?

[1] Préparation de volailles, abats, champignons… coupés en petits dés et servant à garnir les bouchées à la reine ou vol au vent.

Au pied des stalles

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Allégorie en l'honneur de la publication de la paix d'Aix-la-Chapelle de Jacques Dumont - Musée Carnavalet Paris

La Place de la Concorde, a été créée par l’architecte de Louis XV, Ange-Jacques Gabriel. Les travaux commencent en 1754. Elle est achevée en 1763. Son nom lors de son inauguration est évidemment : Place Louis XV.

En juin 1765, au centre de la place, fut dressée une statue équestre du Roi. Ce monument de bronze fut fixé sur un piédestal. A chacun des angles, quatre statues personnifiaient les vertus royales : Force, Amour de la Paix, Justice et Prudence.

Mais si au début de son règne, Louis XV fut surnommé le « Bien-aimé », il n’en était plus de même à cette époque. Et ce d’autant plus, que malgré la victoire de la France, c’est la Prusse qui tira le plus de bénéfice de la victoire et du  traité d’Aix. Il en reste cette expression : « travailler pour le Roi de Prusse ».

L’opinion est tellement remontée contre le gouvernement et contre son Roi qu’une main anonyme et spirituelle écrivit, sur le socle de la statue, ce distique[1] resté célèbre :

« Ah ! La belle statue! Oh! Le beau piédestal
Les vertus sont à pied et le vice à cheval. »

Mona, je ne sais pas si je suis votre bien-aimé, mais en tous cas, j’aurais bien aimé boire un coup… avant que vous ne me fassiez perdre la tête. Et pas un vin d’Argenteuil ou de Suresnes… et encore moins un Bourbon.


[1] Groupe de deux vers renfermant un énoncé complet

Elle conserve Du Barry

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Madame du Barry et Louis XV

La  comtesse du Barry, maîtresse de Louis XV, aimait préparer pour son royal amant des mets aphrodisiaques. Ainsi, elle lui fit servir un apprêt d’œufs de vanneau, volatile réputé au sang chaud, comme le pigeon, champion infatigable du coït, selon Aristote qui dit de lui : « il copule, en une heure 83 fois…! ».

Il faut dire que ce légume avait la réputation d’être si émoustillant qu’on le déconseillait formellement aux pucelles, comme en témoigne la confession timide d’une héroïne du « Roman bourgeois » d’Antoine Furetière (1666) :
« Si quelqu’une de nous eût mangé des asperges et des artichauts, on l’aurait montrée du doigt ; mais aujourd’hui, les jeunes filles sont plus effrontées que des pages de Cour ! ».

Revenons à la du Barry. On dit qu’elle avait obtenu la recette ci-dessus auprès d’une dame qui s’y connaissait : Marguerite Gourdan, dite la Petite Comtesse. Elle tenait une maison entièrement vouée au « culte de Vénus ». Elle publia même à l’intention de ses protégées un ouvrage au titre évocateur : « Instructions pour une jeune demoiselle qui veut faire fortune avec les charmes qu’elle a reçus de la nature« . Son établissement fut fréquenté par tout le beau linge parisien. Un passage secret permettait aux nobles et gens d’Eglise de rentrer sans attirer l’attention.
A son décès, bien que sa maison ait disparu depuis plusieurs années, les chanteurs populaires firent une chansonnette aux paroles si crues que je ne publierai que la première strophe :

Nobles maquereaux et véroles,
Versailles, Paris sont affolés !
Tous prenons le deuil dès ce matin
Pour cette tant renommée catin.
Oui, Gourdan la maquerelle est morte,
Est morte comme elle avait vécu,
La pine au cul
Le corbillard est à sa porte
Escorté par trois cents putains
La pine en mains.

Et au fait, Mona, mon petit pigeon, si vous sortiez l’assiette d’asperges et d’artichauts, moi je m’occupe de déboucher le muscat…

Baba pas cool

leszinski

Le roi Stanislas Leczinski de Pologne dont les armées furent battues par celles du Tsar Pierre 1er, trouva refuge en Lorraine. Sa fille Marie épousa Louis XV,  ce qui lui permit de retrouver un titre de Duc de Lorraine. Très cultivé, et n’ayant aucun réel pouvoir, il entretenait  et protégeait artistes et gens de lettres. Très amateur de douceurs, il trouvait les Kouglofs[1] bien bourratifs : ils les fit inonder de rhum puis flamber. Grand amateur des contes des mille et une nuits, il nomma cette innovation ALI BABA. Chaque fois qu’il voulait honorer sa royale épouse ou une autre femme, il lui envoyait une variante agrémentée de raisins de Corinthe.

Tout passe, tout casse, tout lasse… En 1754, une donzelle refusa du Roi tout en bloc : et les avances, et le fameux gâteau, préludes aux ébats. La pbaba_rhumrude, la langue bien pendue, le fit savoir à toute la cour…
Du courtisan fielleux au valet sarcastique, le bruit courut jusqu’au peuple qui en fit gorges chaudes : le Roi l’avait eu « dans le baba ».
Plus de 250 ans après, le baba au rhum est toujours dans les devantures de nos pâtisseries.

Votre Mona lit baba

[1] Le kouglof est une spécialité alsacienne, de l’Autriche, de la Tchéquie et du sud de l’Allemagne. Il s’agit d’une brioche dont la forme est caractéristique. Il se prépare dans un moule spécial. Il existe à Ribeauvillé une légende qui prétend que cette pâtisserie fut confectionnée pour la première fois par les Rois Mages pour remercier un pâtissier de son hospitalité, et que la forme est celle de leurs turbans.