Hymen à tout

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Montaigne est un génie. Alors qu’à son époque, on tentait d’expliquer tout par intervention divine, maline ou magique, il affirme que des dérèglements peuvent être d’origine psychologique (même si cette science humaine n’existait pas), ce qui, en ce temps là, était révolutionnaire. Mais le problème, c’est que lire les essais dans le texte original, c’est aussi ardu que vouloir chasser un lion avec un tape-mouches. Le vieux françaois est une langue qu’il faut lire avec un dictionnaire à ses cotés, et encore !

Aussi, pour que vous puissiez vous intéresser à ces belles pages, j’ai décidé de vous traduire, expliquer et commenter une page des Essais. Ce lien vous amènera à la page originale. Etant donné la longueur du texte, je vous propose de diviser en deux articles.

Demain Mona vous rendra sa copie ; aujourd’hui, je vous raconte le mariage d’un ami de Montaigne.

Donc Michou se rend au mariage d’un de ses potes. La nana pour qui ce dernier se passa la corde au cou avait eu un Jules jaloux comme un pou et qui ne se voyait pas tenir la chandelle sans lui rendre la monnaie de sa pièce. L’entourage du bagousé lui fila le traczire à force de le bassiner avec des histoires de sorcellerie. Il raconta à Montaigne qu’il était certain que le type avait embauché une meuf à balai et qu’elle passait son temps à clouer des épingles sur une poupée de cire pour lui réformer sa braguette. Il risquait d’avoir son os à moelle aussi flasque qu’une chique mexicaine. A cette époque, on parlait de « Nouer l’aiguillette». C’était une opération de sorcellerie qui prétendait rendre quelqu’un impuissant. Joli mot, vous en conviendrez, mais pas chouette quand même !
Et bien entendu ce qui devait arriver arriva. Le mec essaya d’entreprendre sa punaise de pageot et sa couleuvre resta aussi grosse et dure qu’un asticot vautré dans un camembert coulant.

Heureusement, à cette époque, au milieu de la nuit de noce, on amenait aux jeunes mariés un réveillon. En effet, pensant qu’ils avaient besoin d’un remontant pour continuer leur parties de galipettes, on leur donnait un petit en-cas et un verre de vin chaud fortement épicé. Le sang bleu profite de l’intermède pour glisser à l’oreille de Montaigne qu’en fait de feu d’artifesse, il n’a toujours pas réussi à allumer sa mèche.

L’essayiste lui dit d’essayer (logique, non ?) sa robe de chambre et lui tendit un plat en or sur lequel il y avait des signes astrologiques. Puis il lui remit un ruban qu’on passait autour du cou quand on avait une casquette de plomb. Le mode d’emploi était le suivant : au cagoinces en robe de chambre, changer l’eau des poissons et se serrer les rognons avec le ruban en posant le plateau devant soi puis lâcher une incantation trois fois de suite (dont Montaigne n’a pas laissé le texte. Dommage mes petits bouchons). Puis retour vers la chambrée, jeter la robe de chambre sur le pucier de façon à ce qu’elle recouvre les deux tourtereaux. Garder le ruban autour des valseuses et rejoindre maman dans le pieu et lui jouer la flute enchantée en deux actes avec la baguette aussi ferme que celle de Karajan conduisant la Cinquième de Bitoven.

Le lendemain matin, le Comte retrouva Montaigne. Il avait les traits tirés (comme une jeune mariée) ; on lisait sur son faciès une extrême fatigue. Il raconta qu’il avait retrouvé son porte-manteau dressé au dessus du ruban. Il rendit visite sans interruption à la penderie de Madame et lui fit un véritable festival de joyeuses. Certes, ce matin, il ne tenait plus debout mais la Comtesse, elle ne pouvait plus s’asseoir. Ah quelle nuit, ah quel pied ! Merci Michou.

Et Montaigne tire (encore ?) la conclusion de cette brusque métamorphose du service trois pièces de Monsieur :
Ces tours de singe accomplissent tout l’effet, notre imagination étant séduite au point de croire que ces étranges moyens procèdent nécessairement d’une science abstruse, c’est leur inanité même qui leur confère poids et considération.

Bon Mona, rendons Hommage à Montaigne qui fut Maire de Bordeaux. Je débouche un Saint-Emilion 2007 : Château L’Apolline. Comme dirait l’autre, il y a du vin.  

La pilule est dure à avaler

Le sujet dépasse mes connaissances et compétences ; et loin de moi, l’idée d’intervenir dans un débat concernant la santé de jeunes femmes. Mais, j’ai relevé dans la presse ce titre qui m’a fait rigoler.

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Mona, que diriez-vous de boire un coup ? Allez, d’un Saint Véran Climat En Combe 2009 des Bret Brothers ? Cette appellation peu connue de Bourgogne offre des vins blancs fort agréables. N’est-il point, Mona ?

Qu’on serre tôt pour instrument à vent

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Le Journal de Jules Renard fait partie de mes livres de chevet. C’est sans aucun doute un chef-d’œuvre de la littérature française. Véritable portrait de son époque, truffé d’humour et d’anecdotes savoureuses, c’est un livre de détente que l’on lit et relit toujours avec bonheur.

Le seul regret que j’ai et que beaucoup partagent est la destruction d’une grande partie de cette œuvre par Madame Renard. Cette dernière craignait que le livre puisse être sujet à polémique. Chez l’éditeur de son défunt mari, elle affirma qu’ayant brûlé une bonne partie du journal, personne ne pourrait désormais intenter un procès en calomnie ou diffamation. Quel dommage, Madame !

Mais revenons au journal. Le 10 décembre 1890, Jules Renard rencontre Alphonse Daudet. Visiblement impressionné par l’écrivain, il hésite à l’appeler Monsieur ou Cher Maître. Mais rapidement l’atmosphère se détend et Daudet lui dit

-La première, l’unique fois que je voulus jouer du biniou, c’était devant mes cousines, et je fis un gros pet ; oui, en voulant enfler ma pauvre joue, je fis un énorme pet.

Surprenante cette anecdote d’un grand auteur parlant de ses vents quoique, en matière de vent, Daudet devait être un champion puisqu’il a écrit les Lettres de mon Moulin.

Mona, çà vous a fait sourire. Vous m’en voyez flatté. Si vous sortiez deux verres que nous buvions un Irancy 2009 de Vincent Dauvissat. Dans une appellation peu connue de la Bourgogne Chablisienne, ce vigneron réalise des miracles : un très joli vin rouge au milieu d’un océan de blancs.

Les dames aiment le fard ?

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Albert Glatigny (1839-1873)

Albert Glatigny est un poète du XIX° siècle qui faisait partie d’une troupe de comédiens ambulants. Il écrivit des pièces de théâtre, mais aussi des poèmes. Il inspira Verlaine et Rimbaud. Et pourtant, il est tombé dans l’oubli. Le temps d’un instant, laissons le déclamer ces vers amoureux :

J’éprouve à suivre, ma petite,
Tes mouvements capricieux,
Un âcre plaisir qui m’irrite
Et me fait t’aimer encor mieux.

Rien n’est vrai dans ton gaspillage
De fins parfums et de couleurs,
Et tu voles au maquillage
Tes charmes les plus querelleurs.

Bien que je devine ta ruse,
Je ne t’en veux pas : sur ton front,
Malgré la couche de céruse,
Mes baisers nombreux descendront.

La pommade et les aromates
Te donnent l’éclat du métal,
Et ces pâleurs vives et mates
À l’effet charmant et brutal.

C’est par la poudre que, plus rousse,
Ta crinière épand ses parfums,
Et c’est le pinceau qui retrousse
Tes sourcils bizarres et bruns.

Dans une pâte rose tendre,
J’ai vu, sur ton visage aimé,
Tes carmins provocants s’étendre
Suivant leur ordre accoutumé.

Une légère tache d’ombre
Autour de tes yeux vient bleuir,
Afin que ta prunelle sombre
Puisse mieux briller et s’enfuir.

Pas un endroit qui par le plâtre
Sur ta face ne soit atteint,
Et tes lèvres que j’idolâtre,
C’est le vinaigre qui les teint.

Je t’aime ainsi, c’est mon idée,
Pour ta beauté faite de soins ;
Si je te voyais moins fardée.
Sans doute tu me plairais moins.

Qu’importe qu’elle soit factice,
Pourvu que, bien harmonieux,
Son assemblage retentisse,
Chant et lumière pour les yeux?

Elle est pareille à nos ivresses,
Cette beauté qui trompe et ment,
À nos artistiques caresses
Qui dérobent un bâillement,

Ah! lorsque nous sommes ensemble
À la recherche du plaisir,
À cette heure où la bouche tremble
Et s’empourpre aux feux du désir;

Lorsque nous mettons à sa place,
Pour mieux nous abuser encor,
Notre caprice qui se glace,
Ainsi qu’on installe un décor;

Les amants dont l’insouciance
Court par les chemins non frayés,
Devant notre froide science,
S’arrêteraient, tout effrayés.

Notre prudente mise en scène
Épouvanterait ces enfants,
Dont la lèvre amoureuse et saine
À des baisers si triomphants.

Ah! c’est qu’ils comprennent la vie
D’une autre manière que nous.
N’en rions pas. Je les envie
Souvent en baisant tes genoux.

Ô mon indolente poupée!
N’en rions pas, car bien des fois
Ma pauvre âme s’est échappée
De mon corps pour les suivre au bois;

Pour les voir effeuiller des roses
Sur leurs fronts confiants et frais,
Pour entendre ces folles choses
Que nous ne nous dirons jamais!

Puis, honteux de mon impuissance,
Près de toi je suis revenu
Demander à la jouissance
Ce qu’elle a de plus inconnu;

Et, dans les parfums où se noie
Ton beau corps ivre de langueur,
Chercher le faux semblant de joie
Que je ne veux pas de ton cœur! 

Mona pas besoin de fard pour être la plus belle et pour aller danser

Raoul, dit La Ponche

Novembre 1924, Léon Daudet écrivait :
Avant-hier, à deux heures de l’après-midi, chez Drouant, à l’issue d’un déjeuner excellent (turbotin rôti, poularde au sel, soufflé au fromage, …), Raoul Ponchon a été élu à une très forte majorité, membre de l’Académie Goncourt. L’histoire naturelle enregistrera qu’un Champagne naturel, le blanc de blancs, suivi d’un Hermitage empourpré, a célébré l’arrivée parmi nous du chantre immortel des vergers et des vins de France.

Pour ceux qui ne connaitraient pas Raoul Ponchon, il faut rappeler qu’il fut le poète de la table et de la cave, le plus rabelaisien de nos versificateurs. C’est à lui que l’on doit cette célèbre formule :
Quand mon verre est vide, je le plains ; quand mon verre est plein, je le vide.

Buveur impénitent, il était ami de Verlaine et, comme ce dernier, l’absinthe fut sa muse verte.
Alors qu’il avait 62 ans, en 1910, il fut  convié par un ami à une conférence antialcoolique. Au cours de la soirée, un médecin, pour effrayer les plus rebelles pochards, injecta un verre de cognac dans les veines d’un jeune cochon qui creva cinq minutes après l’injection.
Raoul ne se démonta pas. Se levant, il dit :
C’est bien fait ! Le cognac n’est pas pour les cochons !
En 1937, il s’éteint à l’âge fort respectable de 89 ans.

ÉLOGE DU MOT « BOIRE »

Le joli mot que voilà :
Boire ! Qu’en pensez-vous ? Boire !
Moi je suis tout prêt à croire
Qu’aucun ne vaut celui-là !

Ivrognes, ô bons apôtres,
Que je porte dans mon cœur,
N’est-ce pas qu’à la rigueur
On peut se passer des autres ?

Boire ! Eh bien ! cela dit tout ;
Que voulez-vous autre chose ?
Tel un sourire de rose,
Cela se comprend partout.

C’est le seul mot du langage
Qui, par sa fraîche couleur,
A pour moi quelque valeur
Quelque évidence en partage.

Vous avez mille façons
De le prononcer, madame,
Ce mot délicieux, âme
De nos sublimes chansons !

Dites-le, pour moi, de grâce,
Gentiment, bien comme il faut ;
Ah ! pour l’amour de ce mot,
Souffrez que je vous embrasse.

Comme délicatement
La bouche éclot pour le dire !
C’est comme un fin Vau-de-Vire
Du vieux poète normand.

C’est un os rempli de moelle,
Et quand je le dis, parbleu !
Je crois manger du ciel bleu
Ou bien croquer une étoile !

C’est une rose pompon
Qui pare la plus farouche ;
Cela vous fond dans la bouche
Comme un suave bonbon.

C’est un rubis sur la langue,
Tout imprégné de soleil :
Auprès de ce mot vermeil
Toute fleur paraît exsangue.

On dirait, sur le printemps
De votre bouche mutine,
Une abeille qui butine
Le sucre blanc de vos dents.

Qu’il sorte d’un air aimable
De vos lèvres de velours ;
Hurlez-le comme deux sourds
Chez un tavernier du diable ;

Dites-le tout haut, tout bas ;
N’importe comment, je l’aime.
Il me semble inouï même
Lorsque je ne l’entends pas.

Le soleil, en quelque sorte
Le crie à l’immensité ;
La lune l’a répété
Tant de fois qu’elle en est morte.

C’est l’unique mot des dieux,
Le mot le plus vénérable.
Je me donne bien au diable,
Si ça n’est pas le plus vieux.

C’est le verbe d’excellence
Qui doit dissiper la nuit.
C’est tout ce que dit le bruit
Et que pense le silence !

Moi, je le dis constamment ;
La musique en est si tendre,
Que je veux toujours l’entendre,
Que je le rêve en dormant.

Un enfant qui vient de naître
Le dit comme vous et moi,
Car, selon l’humaine loi,
C’est le premier à connaître,

Et c’est aussi le dernier.
Quand survient la mort farouche,
Un moribond sur sa couche,
Cherche à le balbutier.

Vous demandiez, tout à l’heure,
Si j’avais quelque façon
À moi, de le dire ? Non
Car chacune est la meilleure.

Mais, pour parler sans détour,
Si vous désirez le dire
Simplement, comme on respire,
Dites-le cent fois par jour.

Mona, il faut boire un coup pour Raoul qui disait :
J’aime tout ce qui peut se boire, hormis l’eau.
Allez, je vous propose un Léoville Las Cases 1986. Un vin extraordinaire digne d’un si grand poète. Quand Saint-Julien produit des vins comme çà, il faut se taire et déguster!

Pourtant j’ai mon bas chaud !

Chantal Opaira nous a envoyé un mot qui m’a fait beaucoup de mal. Je vous laisse juge :

Madame Mona,
Vos textes sont trop souvent amphigouriques. Si j’osais, je dirais même que ce sont plutôt des galimatias que des sujets de thèse.[…] Et que de tortillages et après lecture, on se dit que tout ce que vous écrivez, ce n’est que de la phraséologie…

Oh, purée, je ne sais pas vous, mais moi, il m’a fallu sortir mon petit Robert (et non pas mes gros…). Bravo Chantal, votre français est vraiment châtié. Vous m’avez caillé le sang.   

Chers lecteurs, loin de moi, l’idée de vous prendre pour des incultes, mais pour ceux qui ne manient pas notre langue aussi bien que Chantal Opaira, je vous livre quelques définitions :

  • Amphigouri : écrit confus, embrouillé.
  • Galimatias : embrouillé et confus, qui semble dire quelque chose et ne dit rien.
  • Tortillages : Façon de s’exprimer sans clarté.
  • Phraséologie : discours creux et vides de sens.

Bon autant dire que Chantal a la dent dure ! Certes, avec Lépicurien, on ne se prend ni pour Victor Hugo ni pour Balzac, mais de là, à nous écorcher vif et nous soumettre au supplice du pal, il y a un pas… que, j’espère, d’autres ne franchiront pas.

Mona pris un coup au moral, Chantal !

Les nouvelles sont bonnes

J’aime lire Maupassant. Pour moi, c’est le roi de la nouvelle. Une écriture sobre et élégante avec des descriptions courtes mais tellement suggestives. Pour le plaisir un long extrait d’une nouvelle :

– Ah ! mon cher, quelles rosses, les femmes !
– Pourquoi dis-tu ça ?
– C’est qu’elles m’ont joué un tour abominable.
– À toi ?
– Oui, à moi.
– Les femmes, ou une femme ?
– Deux femmes.
– Deux femmes en même temps ?
– Oui.
– Quel tour ?

Deux jeunes gens de la bonne bourgeoisie étaient attablés à un café parisien. L’un relatait à l’autre ses malheurs amoureux : il avait une maîtresse à Paris « une que j’aime infiniment, une vieille amie, une bonne amie, une habitude enfin, et j’y tiens. »

Mais avec son mari, elle ne quitte jamais la capitale. Aussi, lors d’un séjour à Dieppe, il se sent « veuf ». Il rencontre sur la plage une petite esseulée. Son mari employé d’un ministère, laid de surcroit, ne la rejoint que le dimanche. Durant six semaines, le jeune homme et sa nouvelle amoureuse passent du bon temps.

De retour à Paris, trouvant à chacune de ces deux femmes, des qualités, il organise sa vie afin de les fréquenter assidument.

Mon cher, la petite ministère était tout feu, tout flamme, sans un tort, comme je te l’ai dit ! Comme son mari passe tous ses jours au bureau, elle se mettait sur le pied d’arriver chez moi à l’improviste. Deux fois elle a failli rencontrer mon habitude.
– Diable !
– Oui. Donc, j’ai donné à chacune ses jours, des jours fixes pour éviter les confusions. Lundi et samedi à l’ancienne. Mardi, jeudi et dimanche à la nouvelle.
– Pourquoi cette préférence ?
– Ah ! mon cher, elle est plus jeune.
– Ça ne te faisait que deux jours de repos par semaine.
– Ça me suffit.
– Mes compliments !

Tout fonctionna parfaitement durant quatre mois. Mais un lundi, la maîtresse habituelle ne vint pas. Se rendant chez elle, il la trouve allongée, lisant un roman. Elle lui dit :

– Mon cher, je n’ai pas pu, j’ai été empêchée.
– Par quoi ?
– Par des… occupations.
– Mais… quelles occupations ?
– Une visite ennuyeuse.

Je pensais qu’elle ne voulait pas me dire la vraie raison, et, comme elle était très calme, je ne m’en inquiétais pas davantage. Je comptais rattraper le temps perdu, le lendemain avec l’autre.
Le mardi donc, j’étais très… très ému et très amoureux en expectative, de la petite ministère, et même étonné qu’elle ne devançât pas l’heure convenue. Je regardais la pendule à tout moment suivant l’aiguille avec impatience.
Voici deux heures et demie, puis trois heures ! Je saisis mon chapeau et je cours chez elle. Elle lisait, mon cher, un roman !
– Eh bien ? dis-je avec anxiété.
Elle répondit, aussi tranquillement que mon habitude :
– Mon cher, je n’ai pas pu, j’ai été empêchée.
– Par quoi ?
– Par… des occupations.
– Mais… quelles occupations ?
– Une visite ennuyeuse.
Certes, je supposais immédiatement qu’elles savaient tout ; mais elle semblait pourtant si placide, si paisible, que je finis par rejeter mon soupçon, par croire à une coïncidence bizarre, ne pouvant imaginer une pareille dissimulation de sa part. Et après une heure de causerie amicale, coupée d’ailleurs par vingt entrées de sa petite fille, je dus m’en aller fort embêté.
Et figure-toi que le lendemain…
– Ça a été la même chose ?
– Oui… et le lendemain encore. Et ça a duré ainsi trois semaines, sans explication, sans que rien ne me révélât cette conduite bizarre dont cependant je soupçonnais le secret.
– Elles savaient tout ?
– Parbleu. Mais comment ? Ah ! J’en eus du tourment avant de l’apprendre.
– Comment l’as-tu su enfin ?
– Par lettres. Elles m’ont donné, le même jour, dans les mêmes termes, mon congé définitif.

Pour connaitre la raison de cette rosserie, lisez « Les Epingles » de Maupassant. 

Mona pas d’occupations. Elle vous attend ?

Un mot passant

Guy de Maupassant fut un grand écrivain certes, mais il avait un appétit sexuel hors du commun. Il se vantait de pouvoir accomplir jusqu’à vingt étreintes en une seule nuit.  Il fit même constater ses performances devant un huissier. Fier, il se plaisait à présenter Casanova comme un petit joueur, il le nommait d’ailleurs Monsieur six fois.
«Je voudrais avoir mille bras, mille lèvres et… mille tempéraments pour pouvoir étreindre en même temps une armée de ces êtres charmants et sans importance».
Guy de Maupassant est mort à 43 ans de la syphilis qu’il avait contractée à 27 ans…

Je vous propose un poème libertin où l’écrivain exprime sa passion des femmes qu’il aime « collectionner ». 

Désirs

Le rêve pour les uns serait d’avoir des ailes,
De monter dans l’espace en poussant de grands cris,
De prendre entre leurs doigts les souples hirondelles,
Et de se perdre, au soir, dans les cieux assombris.

D’autres voudraient pouvoir écraser des poitrines
En refermant dessus leurs deux bras écartés ;
Et, sans ployer des reins, les prenant aux narines,
Arrêter d’un seul coup les chevaux emportés.

Moi ; ce que j’aimerais, c’est la beauté charnelle :
Je voudrais être beau comme les anciens dieux,
Et qu’il restât aux cœurs une flamme éternelle
Au lointain souvenir de mon corps radieux. 

Je voudrais que pour moi nulle ne restât sage,
Choisir l’une aujourd’hui, prendre l’autre demain ;
Car j’aimerais cueillir l’amour sur mon passage,
Comme on cueille des fruits en étendant la main.

Ils ont, en y mordant, des saveurs différentes ;
Ces arômes divers nous les rendent plus doux.
J’aimerais promener mes caresses errantes
Des fronts en cheveux noirs aux fronts en cheveux roux.

J’adorerais surtout les rencontres des rues,
Ces ardeurs de la chair que déchaîne un regard,
Les conquêtes d’une heure aussitôt disparues,
Les baisers échangés au seul gré du hasard.

Je voudrais au matin voir s’éveiller la brune
Qui vous tient étranglé dans l’étau de ses bras ;
Et, le soir, écouter le mot que dit tout bas
La blonde dont le front s’argente au clair de lune.

Puis, sans un trouble au cœur, sans un regret mordant,
Partir d’un pied léger vers une autre chimère.
– Il faut dans ces fruits-là ne mettre que la dent :
On trouverait au fond une saveur amère.

Mona, que c’est beau. Allez, je vous propose de boire un coup à la beauté féminine. Buvons un poiré authentique d’Eric Bordelet. Un cidre de poires fabuleux : on croque le fruit. Et puis à peine 4° d’alcool c’est bien pour ne pas vous saouler.

Les aigris restent

Quand j’étais petite, à l’école primaire, on m’avait appris qu’ « anticonstitutionnellement » était un des mots les plus longs de la langue française. Quand il me fallut le répéter, je bafouillais et n’arrivais pas à mettre les diverses syllabes dans le bon ordre et çà donnait anticonstuti… etc.

La maîtresse me dit qu’il fallait faire un effort afin de ne pas devenir hippopotomonstrosesquippedaliophobe[1].

J’en fus pétrifiée et afin de ne jamais retrouver ce genre de mot serpent de mer sur ma route, je me jurais de ne pas faire de droit et finalement, c’est tant mieux : si j’étais juriste, je n’aurais surement pas rencontré ce grand homme qui est devenu mon patron tant aimé : Lépicurien.  

Mona une bonne constitution.


[1] L’hippopotomonstrosesquipédaliophobie est la peur des mots longs

Le Petit Audiard

Avec Mona, nous avons déjà mis à l’honneur Michel Audiard. Les dialogues qu’il a concoctés sont devenus cultes pour ses admirateurs. Aussi étrange que cela puisse paraître, il n’existait aucun dictionnaire reprenant les magnifiques répliques qu’il a glissées dans la bouche de Gabin, Blier, Belmondo, Dalban, Meurisse et tant d’autres.
Cet oubli est réparé grâce à Philippe Durant grand spécialiste de la pensée audiartienne. Si vous faites partie du fan club, foncez chez votre libraire. Pour vous faire saliver, j’ai retenu une phrase  dans un Idiot à Paris dite par Dany Carrel :
– Je t’écouterai toute la journée, mais il faut que j’aille faire l’étalage.
Lorsque Madame Lafleur parle d’aller faire l’étalage, elle n’a pas l’intention de s’adonner aux joies du lèche-vitrines. Si elle doit lécher quelque chose, ce ne sera surement pas des façades vitrifiées. En fait, elle va littéralement préparer son étalage, c’est-à-dire exposer sa marchandise à l’attention des passants. Or sa marchandise, c’est elle. Ce qu’on appelle «avoir son stock sous la main». Elle va donc remonter ses collines de la passion, brancher ses monts de l’extase sur roulements à billes et accentuer son regard de velours, genre biche surprise par l’orage. Le tout dans le but d’appâter le client. A tout bien considérer, la plupart des représentantes du beau sexe, professionnelles ou non, passent leur temps à faire l’étalage. Et les hommes à se faire rétaler.
Ma Chère Mona, un grand moment de plaisir à la lecture de ce livre, un grand moment avec la dégustation du Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus 2007. Un vin d’une finesse telle qu’on croirait le petit Jésus en culotte de velours (excusez-moi, c’est nerveux, je n’ai pas pu m’empêcher de la faire…)