Ah, Tellier, du froid

tellierFils d’un industriel, Charles Tellier se destine à la recherche en laboratoire. Il se préoccupe tout d’abord de l’ammoniaque, puis de la mise au point d’un engrais. Il s’intéresse également à l’utilisation domestique de l’air comprimé. Le baron Haussmann, préfet de la Seine, conseille à Charles Tellier de se préoccuper du problème de la fabrication du froid.
Jusque là, seule la glace, recueillie pendant l’hiver à la surface des étangs et des lacs gelés, puis conservée dans les profondeurs du sol dans des caves aménagées – les glacières -, est utilisée. L’isolation de la terre permet en effet de garder pendant très longtemps (jusqu’à deux ans) ces blocs remontés à la surface aux moments des chaleurs de l’été. En 1856, Charles Tellier se met à l’œuvre : il obtient des résultats probants deux années plus tard, avec la création d’une première machine frigorifique à l’ammoniac. En 1865, il met au point un autre appareil, cette fois-ci à compression mécanique, aussitôt installé dans les usines du maître chocolatier Meunier.
A l’époque, les travaux de Louis Pasteur sur la fermentation et la conservation des produits alimentaires sont rendus publics. Ceci donne à Charles Tellier l’idée d’utiliser son invention à d’autres fins. Grâce à la réfrigération, il pense ainsi pouvoir stopper le développement des germes et la décomposition des matières organiques. A l’heure des grands voyages transatlantiques, son ambition est maintenant d’assurer à l’Europe un approvisionnement régulier en denrées alimentaires. En 1868, une « armoire à conservation » est installée sur un navire anglais en partance vers l’Argentine, le City of Rio de Janeiro. Après vingt-trois jours de traversée, la viande américaine parvient à bon port en Europe et dans un état qui permet sa consommation. L’événement est de taille, mais la guerre franco-prussienne interrompt la mise en œuvre de ses projets.

En 1874, il cherche alors à donner davantage de publicité à sa réalisation : il équipe à ses frais un petit navire à vapeur, rebaptisé « Le Frigorifique », dont les cales sont aménagées en chambre froide grâce à l’installation de machines frigorifiques fonctionnant à l’éther méthylique. Celui-ci quitte le port de Rouen, le 30 septembre 1876, avec à son bord toute une cargaison de viandes. A la suite d’une avarie, Le Frigorifique doit faire escale à Lisbonne et ce n’est qu’après cent cinq jours de traversée qu’il parvient à Buenos Aires, le 23 décembre suivant. Les denrées alimentaires venues de France sont intactes ! Avec celles-ci, un banquet est organisé peu après à bord du navire, auquel sont conviées les autorités locales.
Mais l’agriculture française est en crise. Le ministre Jules Méline en attribuera la responsabilité « à l’entrée en ligne sur les marchés d’Europe de produits grâce au développement des moyens de communication ». Touché par la baisse des revenus de la terre, le puissant lobby agrarien combat dès lors les initiatives de l’inventeur français. De plus, celui-ci doit de plus faire face aux imperfections de son système de réfrigération, son coût prohibitif notamment, le délai important pris par les temps de chargement et de déchargement. Aussi

c'est beau !!!
c'est beau !!! dessin de Reiser

Le Frigorifique, dont la rentabilité s’avère douteuse, est bientôt vendue aux enchères.

Dans les décennies qui suivent, de nombreux perfectionnements sont apportés au système inventé par Charles Tellier, en Angleterre notamment. Au tournant du siècle, plus de trois cent navires « réfrigérés » sont ainsi présents dans les ports outre-Manche.

En France, le « Père du Froid » attendra 1908 pour que son œuvre soit enfin unanimement reconnue. Dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, un Congrès international est réuni afin de saluer Charles Tellier et ses réalisations.

Charles Tellier décède à Paris en 1913, à 85 ans, ayant vécu d’une maigre pension « versée par l’Argentine » …

En France, le froid, çà conserve. Et comme souvent, chez nous, il a fallu que l’inventeur soit froid, pour qu’on reconnaisse son génie.

Votre Mona froid partout.


1 pensée sur “Ah, Tellier, du froid”

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