Le Pinard

Le Champagne, c’est du pinard à ressort (San Antonio)

Le pinard, çà devrait être obligatoire (Coluche)

J’ai comme toi pour me réconforter
Le quart de pinard
Qui met tant de différence entre nous et les Boches (Apollinaire)

Le+PinardL’origine la plus probable de ce vocable est une déformation de “pinot” le cépage roi de la Bourgogne et du Champagne. On l’utilise, dans le langage vulgaire, dés le XVIIème siècle. Il fut glorifié et personnifié pendant la guerre de 14/18 : le “ père pinard ”.
Une autre historiette court sur le mot. Au XIX° siècle, le docteur Adolphe Pinard (spécialiste en obstétrique) aurait travaillé pour l’armée. Sur ses conseils, on aurait complété les rations de vin avecdu mercure pour protéger les soldats contre les maladies honteuses !… Le bon docteur est mort en 1934 à 90 ans ! Il n’avait pas du consommer beaucoup de sa mixture pour parvenir à cet âge !
Il n’a jamais revendiqué un rôle quelconque dans l’heureuse issue de la grande guerre, pourtant la victoire est toujours revendiquée par beaucoup de pères. Seule la défaite est orpheline.

Durant cette Grande Guerre, on retrouve dans nombre de lettres de soldats des allusions au fameux picrate. Au sens propre, ce mot désigne le sel de l’acide picrique, utilisé dans la fabrication des explosifs. Dans les tranchées, le gros vin rouge qui « attaquait » et était destructeur fut ainsi nommé.

Bon Mona, si on faisait une petite rincette ; mais du bon, pas du genre Clinton[1] qui tache…si vous voyez ce que je veux dire.

[1] Cépage teinturier interdit en France depuis 1935 comme le sont les cinq autres du même groupe : le Noah, l’Herbemont, l’Isabelle, le Jacquez et l’Othello.

L’enfer, c’est les hôtes

table-selectNée Euphrasie Héloïse Lydie de Neuville, Madame Aubernon vivait séparée de Georges Aubernon, conseiller d’Etat. A dater de 1874, elle tint un salon littéraire, bourgeois et très discipliné où se retrouvèrent entre autres Alexandre Dumas Fils, Marcel Proust, Anatole France, Guy de Maupassant, Aristide Briand, Alfred de Vigny, Charles Leconte de Lisle, Gabriel Fauré et Camille Saint-Saëns… Excusez du peu. Madame Aubernon de Neuville était appelée dans le tout Paris « la Précieuse Radicale ». Et l’on parlait de ses dîners « débats » qui se déroulaient le mercredi . En effet, autoritaire, cette dame dirigeait tout, même la conversation ! Elle donnait la parole à chacun de ses invités en agitant vivement une précieuse sonnette en porcelaine.

renan
Ernest Renan

L’un de ses hôtes réguliers était Ernest Renan, écrivain et philosophe réputé et âgé alors d’une cinquantaine d’années. Au cours d’un dîner, comme l’exigeait le règlement de Madame Auberton, il leva la main. La maîtresse des lieux lui ordonna :

« Ce n’est pas encore votre tour, vous parlerez plus tard ! »
Lorsqu’un quart d’heure après, elle lui dit :
 » Maintenant, vous avez la parole »
Renan répondit :
« Excusez-moi, mais, tout à l’heure, je voulais simplement redemander des petits pois ! Maintenant, je n’ai rien à dire ».

On ne sait pas ce qui se dit ou se fit après. Il faut dire que Renan avait déjà écrit que « la vie en commun rend commun »…

La mode des salons créait une forte concurrence. Petit à petit, l’influence de Madame Aubernon diminua. Son salon se vida de ses membres les plus prestigieux. Un jour, croisant Anatole France dans la rue, elle l’interpela :
– Il paraît que vous ne viendrez plus chez moi parce que mes dîners vous ennuient.
-Madame, je l’ai peut-être dit, mais ce n’était pas à répéter.

Pour finir, impossible de ne pas évoquer Samuel Pozzi, chirurgien célèbre et homme du monde. Il fit succomber Aubernon pour qui il était « L’amour médecin ». Mari volage et infidèle, il consolait sa femme en lui déclarant : « Je ne vous ai pas trompée, je vous ai complétée ».

Mona son salon toujours ouvert pour vous.

Talleyrand forme Grand

Hier, Mona a évoqué avec panache le boiteux. Je vais, si j’ose dire, lui emboiter le pas.

de gauche à droite : Madame de Staël, Talleyrand, Madame Grand
de gauche à droite : Madame de Staël, Talleyrand, Madame Grand

Madame de Staël avait exercé une forte influence sur Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord. En effet, durant la révolution, ce dernier dut s’exiler en Angleterre, puis aux Etats Unis. C’est Madame de Staël (elle fut sa maîtresse) qui le fit rayer de la liste des émigrés et sollicita de Barras, membre du Directoire, le poste de ministre des Affaires Etrangères pour son protégé.  Mais Catherine Grand, rencontrée aux Etats-Unis d’Amérique, avait fait tourner la tête du « diable boiteux. » Or tout opposait les deux femmes : Madame de Staël était considérée comme une intellectuelle mais franchement laide. Madame Grand, quant à elle, était d’une grande beauté[1]. Par contre, elle semblait incapable d’avoir une idée pouvant rivaliser avec celui qu’elle avait su charmer. On demanda à M. Talleyrand comment il pouvait rester avec une personne si peu « intelligente ». – « Cela me repose, » répondit-il.

Il faut dire que Catherine Grand semble avoir été la seule femme à le rendre heureux « physiquement ». Madame de Flahaut, qui fut une des maitresses du grand homme, disait de lui « Il n’est pas fort dans la chose mais suave dans la manière ».
D’ailleurs, c’est bien Catherine qui devint sa femme et Princesse de Bénévent.

On raconte que Madame de Staël, plutôt jalouse de la belle, demanda un jour à Talleyrand laquelle il sauverait d’elle ou de Madame Grand si elles tombaient à l’eau.
Cette demande n’avait été faite que pour l’embarrasser ; cependant Talleyrand ne le fut pas. Il lui répondit du tac au tac :
« Je suis sûr, Madame, que vous nagez comme un ange. Aussi, c’est Madame Grand que je sauverai ».

Bon c’est pas tout çà, Mona, débouchons la dive bouteille et buvons le jus de la treille.


[1] La Duchesse d’Abrantès écrit à son sujet: « Elle était grande, parfaitement faite, et ses cheveux, du plus beau blond cendré, tombaient en chignon flottant sur ses épaules. Ils la doublèrent et furent charmés en la voyant : une peau de cygne, des yeux bleus admirables de douceur, un nez retroussé et un ensemble parfaitement élégant. »

Talleyrand verse du vin

talleyrand-verreNapoléon ne supportait pas de rester longtemps à table lors des dîners officiels. Aussi, il demanda à Talleyrand de recevoir à sa place les hôtes de la France. La réputation, en matière de gastronomie, du Ministre des Affaires Etrangères n’est plus à faire. Avec son cuisinier, le célèbre Carême, il servait les meilleurs mets et vins à sa table.

D’ailleurs, en 1801, il se porte acquéreur du Château Haut-Brion. Et même, si le fameux classement n’existait pas encore, ce cru était déjà fort connu depuis plus de 150 ans

La famille de Pontac, créateur et propriétaire du domaine ouvre à Londres, en 1666, une taverne à « l’Enseigne de Pontac » qui devient rapidement l’établissement à la mode. Haut-Brion y est le premier vin du Bordelais vendu sous son nom. Dès le 10 avril 1663, dans son fameux journal[1], Samuel Pepys en parle : « Je bus une sorte de vin français appelé Ho-Bryan (Haut-Brion) qui avait un bon goût très particulier que je n’avais jamais rencontré… »

Talleyrand revendit Haut-Brion dès 1804, mais ce vin fut toujours servi régulièrement à sa table.

Comme tout amateur, Talleyrand ne se cantonnait pas aux vins d’une seule provenance. Ainsi, un jour qu’il avait fait servir un Châteauneuf-du-Pape. Un de ses hôtes vida son verre d’un trait. Trop courtois pour faire directement une leçon à un invité,  Talleyrand se tourna vers sa voisine :

« Quand un vin a une belle robe, chère Duchesse, il le faut contempler longtemps du regard. Puis vous l’approchez, vous le humez et d’un grand soupir, vous imaginez tout ce qu’il évoque en vous …chaleur, tendresse, apaisement… Alors… vous reposez le verre… pour en parler. Un peu plus tard, vous oserez le porter à vos lèvres, comme la main d’une jolie femme… et ce geste-là vous permettra d’aller plus avant… Ne pensez-vous pas qu’on ne jouit vraiment que de ce dont on sait se frustrer ?… »

Bravo, çà c’est envoyé, mon Charlot

Enfin une petite annonce : Monsieur le Président de la République, vous qui ne buvez pas de vin, si vous avez besoin d’une quelqu’une pour tenir place aux repas de la République, je suis disponible….

Votre Mona tend une réponse


[1] Ce journal couvre la période 1660-1669. Il est en langage codé. Ce n’est qu’en 1822, qu’il sera décrypté. Et c’est seulement depuis 1983, qu’il a été publié intégralement et non expurgé.

Cà prête à contusion

sexy-nurse-costume3Un médecin est assis dans le bureau du directeur de l’hôpital suite à la plainte d’une infirmière à qui il aurait proféré des insultes…
Le directeur s’adresse au Docteur de Retard:
« Ce genre de comportement n’est pas digne et, même, est, je dirais, inqualifiable. Comment avez-vous pu parler de la sorte à Madame Vasectomie ? »

Le médecin répond qu’il regrette ce qui s’est passé, mais qu’il a des circonstances atténuantes:

Tout a mal commencé ce matin. Mon réveil n’a pas sonné. Quand j’ai vu l’heure, j’ai sauté brusquement du lit. Je me suis pris les pieds dans le tapis. Et je suis tombé la tête la première sur la table de nuit en cassant la lampe de chevet, un cadeau de ma mère.
Ensuite, pendant que je me rasais, la sonnette de la porte d’entrée a retenti. J’ai sursauté et je me suis coupé. Je vais ouvrir : c’était un jeune homme qui vendait des encyclopédies. Et je n’ai réussi à le sortir de chez moi qu’après avoir acheté les volumes A à K… Du coup, j’ai du boire mon café froid et manger des toasts brûlés.

En allant au garage, j’ai glissé sur une peau de banane et je me suis flingué le genou. Quand j’ai voulu démarrer la voiture, la batterie était à plat. Ça a pris 45 minutes et 200 € pour qu’on me dépanne.
Et pour finir le tout, en arrivant sur le parking de l’hôpital, un connard a embouti ma voiture. »

Le médecin prend alors une grande respiration et reprend :

« Finalement, j’arrive dans mon bureau et je m’assied dans mon fauteuil. A ce moment là, l’infirmière, Madame Vasectomie arrive et me dit : « Docteur, on vient de nous livrer une centaine de thermomètres. Où voulez-vous que je les mette ? »…

Mona, j’ai chaud subitement. Si on se déglaçait la glotte avec un Muscadet un peu vif ?

Cures à Passy

bain-moyen-age2Depuis longtemps, on a exploité les vertus des eaux pour la santé. Aller prendre les eaux était une activité très prisée des nobles et puissants. Sous forme de bains ou par absorption, les cures étaient un moyen de garder ou de retrouver une bonne forme. Ainsi, près de Paris de nombreuses sources étaient exploitées. Celles de Passy datent de 1657.  C’est dans cette même paroisse qu’en 1719, l’abbé Le Ragois en découvrit d’autres qui eurent beaucoup de succès. On disait en particulier qu’elles guérissaient la stérilité. Il y eut affluence à Passy, les curistes avaient pour traitement, outre le verre d’eau habituel, d’exécuter une marche sautillante, avec pirouette tous les cinq pas.
Dans l’établissement de bains, on trouvait également des salles de jeux et de bal, qui devaient fortement contribuer …  à la guérison des femmes stériles, disent les mauvaises langues !alcool-grossesse

En souvenir de ces sources ferrugineuses aujourd’hui épuisées, on a baptisé une des rues située entre  l’Avenue du Président Kennedy et la rue Raynouard : « rue des Eaux » -XVI° arrondissement. C’est là que se tient le Musée du Vin de Paris. Nombre de Parisiens ont organisé, dans ses celliers du XV° siècle, l’enterrement de leur vie de garçon et pas qu’avec de l’eau.

En voyant le logo sur les bouteilles de vin, je me demande s’il vaut mieux tomber enceinte ou ivre morte.

Votre Mona vinée.

Je dis Banon

Un certain nombre de fromages sont emballés dans des feuilles (le Cornish yarg des Cornouailles dans des orties, le Pecorino d’Italie dans une feuille de noyer…).

Tout cela ne manque pas d’allure. Après avoir été longtemps de précieux auxiliaires pour les producteurs de fromages, les feuilles et autres végétaux utilisés ont aujourd’hui un rôle purement décoratif. Ils permettaient jadis de conserver les produits fabriqués en excès lors des fortes périodes de lactation.

436253595_8f71eb0def_obanon_titreLe plus pittoresque des fromages conservés sous feuilles est le Banon, fabriqué dans les garrigues des Alpes de Haute Provence. Ce fromage pudique s’est longtemps caché dans une feuille de vigne. L’épidémie de phylloxera ayant coupé court à cet approvisionnement, on s’est reporté sur les feuilles de châtaignier. Il en faut jusqu’à 6 à 7 assouplies dans de l’eau vinaigrée, imbibées d’eau de vie et ficelées de ratafia. Traditionnellement, c’est le Banon lui même que l’on enrobait de divers aromates et épices (poivre, clous de girofle, thym, laurier) avant de le plonger dans une jarre de terre où il macérait très lentement. Inutile de préciser que son goût était particulièrement prononcé. La mise sous feuille lui permettait de ne pas se dessécher et contribuait à lui conserver une pâte onctueuse. A l’abri de l’air, le fromage pouvait se garder longtemps. De nos jours, un affinage court donne un fromage à la saveur agréable qui s’apprécie avec un vin blanc de Cassis.

La collecte des précieuses feuilles de châtaignier ne relève pas de l’improvisation. Elle s’effectue à l’automne, soit à même l’arbre avant qu’elles ne tombent, soit juste à la tombée. Ce qui oblige à un travail journalier durant trois mois. Les feuilles doivent être ramassées quand elles ne sont ni trop sèches ni trop humides. Les feuilles sont mises à sécher. Pas question d’utiliser des feuilles encore vertes qui donneraient trop de tannins à la pâte et la rendraient acre.  Le banon est l’un des très rares fromages à utiliser véritablement les vertus des feuilles.

Pour beaucoup d’autres, comme le fougeru, il ne s’agit plus que d’un héritage décoratif. Ainsi les joncs qui ceinturent le livarot ne servent plus depuis longtemps à empêcher le fromage de s’affaisser. Il lui reste le surnom de colonnel (5 joncs par livarot).

Dans le centre de la France, le sainte-maure de Touraine, long fromage de chèvre arbore encore une paille qui le traverse de bout en bout. Elle servait initiallement de tuteur aux fromages un peu fragiles qui menaçaient de se rompre. Le perfectionnement de l’art fromager rend inutile cet usage. D’ailleurs le décret d’appellation d’origine contrôlée n’exige pas sa présence.

Le long de la frontière suisse, dans le sud du massif jurassien, est né le mont-d’or. La pâte est tellement onctueuse que les paysans n’ont eu d’autre choix que de ceinturer leurs fromages avec des sangles d’épicéa avant de le mettre en boîte. Et là, il s’agit bien d’une alliance du fromage et du bois. Ce n’est en rien un mariage de circonstance. Au contact direct de la boîte qui contient ses épanchements généreux et de la sangle d’épicéa qui l’entoure, le mont-d’or s’imprègne d’un doux parfum balsamique. La récolte des sangles relève d’un métier à part entière : le sanglier, profession exercée par une vingtaine de personnes qui prélèvent la couche située sous l’écorce. Pour le déguster, il faudra patienter. C’est un fromage de fin d’automne et d’hiver qui se marie avec un vin blanc du Jura.

Difficile de ne pas parler du Morbier. Issu du Jura lui aussi, les paysans, durant l’hiver, stoppaient la fabrication du comté faute de lait en quantité suffisante et utilisaient les moindres traites pour préparer des fromages plus petits  : Morbier. Ils faisaient prendre le lait d’une traite et dans l’attente de la prochaine recouvraient le caillé de cendres pour le protéger des insectes. Aujourd’hui reste cette raie noire de charbon de bois.

Ma petite Mona, alors avec ce Sainte-Maure, quel vin blanc me proposez vous ? Un Monlouis ? Hé, ben, je dis banon. Servez…

Souvenirs même pas jaunis

Vous allez dire, tiens, elle écrit un dimanche… Mais je ne pouvais pas passer sous silence ce qui m’est arrivé ce samedi. Je me préparais pour partir à la plage avec mon amie Marie quand le téléphone sonna. C’était mon boss :Mon cher patron, Lépicurien, me demandait de passer au bureau ce samedi en milieu d’après-midi pour un travail urgent et qui pourrait me bloquer une partie de la soirée… Confiante, admirative, je ne lui ai même pas demandé d’explications. Et à 16h00 pêtantes, j’étais au taf.
Et là, ô divine surprise, Mon mentor me tendit une enveloppe contenant un précieux sésame : un billet pour le Concert de Johnny Halliday
. Mes jambes se mirent à trembler, mon palpitant se mit à battre la chamade, je restai sans voix un long moment. Une larme légèrement salée  se mit à couler lentement sur ma pommette… Après ces instants de … forte émotion, je fondis sur le grand homme pour le remercier d’un baiser appuyé sur sa joue rasée de 3 jours. Et çà réveille…

21h30, sur une scène haute comme un immeuble de 6 étages, large comme un stade, Johnny est apparu au milieu d’une débauche de feu. Pendant deux heures, il a envoyé ses plus grands tubes : de « Qu’est ce qu’elle a ma gueule » à « Gabrielle », « Que je t’aime », « Tout la musique.. ». Un spectacle lumières, vidéo à couper le souffle.

Du grand art. Ah que je vous conseille d’aller voir ce show, surement le dernier « grandiose » du chanteur qui nous rock & roll depuis 50 ans.

Merci patron…

Mona plus un poil de sec.

PS : j’ai pris quelques photos avec mon téléphone. La qualité est moyenne, mais le coeur est gros.

pour voir un peu mieux, cliquez sur les images


Un génie coulant

« Nous avions terminé notre dîner avec un excellent camembert et, lorsque je fus seul, je restai un moment accoudé à la table, réfléchissant aux problèmes rencontrés par le « super mou » de ce fromage coulant. Je me levai et me rendis dans montres-mollesmon atelier pour donner, selon mon habitude, un dernier coup d’œil à mon travail Le tableau que j’étais en train de peindre représentait un paysage de Port Lligat. Ce paysage devait servir de toile de fond à quelque idée, mais laquelle ? Il me fallait une idée surprenante et je ne la trouvais pas. J’allais éteindre la lumière lorsque je vis littéralement la solution : deux montres molles dont l’une pendait lamentablement à la branche de l’olivier. Malgré ma migraine, je préparai ma palette et me mis à l’oeuvre : Deux heures après, quand Gala revint du cinéma, le tableau, qui devait devenir l’un de mes plus célèbres, était achevé. »
Salvador Dali (1931)

Désormais, nul ne peut l’ignorer: c’est le propre du temps et du camembert que de couler! Mais hélas, avec les faux camemberts qui déshonorent nos assiettes, Dali aurait eu du mal à écrire cela (voir article du 24 mars).

De ce pas, je vais chez mon fromager rendre hommage à Salvador.

Mona fineur, c’est vous…

L’Ame du Vin

baudelaire-fleursVous l’avez peut-être deviné, avec Mona, nous aimons Baudelaire. Nombre d’articles lui sont déjà consacrés. Mais je ne pouvais ignorer ce magnifique poème issu des Fleurs du Mal.

Charles Baudelaire est souvent supposé être l’ivrogne type. Nombreux ceux qui pensent qu’il était bourré du matin au soir et que sans la verte ou le rouge, il n’y aurait pas eu de poésie. Bien sûr, le vin est présent tout au long de son écriture. Ainsi, « Le Vin » est le titre d’une section des Fleurs du Mal.

Comme pour le haschich, également chanté dans son œuvre, mais qu’il a en fait peu consommé, il ne fut sans doute pas l’alcoolique, qu’on se plait à représenter. Et, selon nombre de contemporains, il fut même très rarement ivre.
Son ami Le Vavasseur écrit : « Il était naturellement sobre. Nous avons souvent bu ensemble. Je ne l’ai jamais vu gris ». Et le photographe Nadar, qui fut son intime de 1843 jusqu’à sa mort : « Jamais, de tout le temps que je l’ai connu, je ne l’ai vu vider une demi-bouteille de vin pur. »
Le vin est pour Baudelaire un thème littéraire, et non un élément de sa vie. Mais quand il le chante, il nous entraîne vers les sommets…

Quand de plus, un sommelier, Jacques Orhon, installé au Canada depuis 1976, met ce poème en musique, c’est « divin »… comme breuvage.musique_ame_du_vin_2w1

L’AME DU VIN
Un soir, l’âme du vin chantait dans les bouteilles:
« Homme, vers toi je pousse, ô cher déshérité,
Sous ma prison de verre et mes cires vermeilles,
Un chant plein de lumière et de fraternité!
Je sais combien il faut, sur la colline en flamme,
De peine, de sueur et de soleil cuisant
Pour engendrer ma vie et pour me donner l’âme;
Mais je ne serai point ingrat ni malfaisant,
Car j’éprouve une joie immense quand je tombe
Dans le gosier d’un homme usé par ses travaux,
Et sa chaude poitrine est une douce tombe
Où je me plais bien mieux que dans mes froids caveaux.
Entends-tu retentir les refrains des dimanches
Et l’espoir qui gazouille en mon sein palpitant?
Les coudes sur la table et retroussant tes manches,
Tu me glorifieras et tu seras content;
J’allumerai les yeux de ta femme ravie;
A ton fils je rendrai sa force et ses couleurs
Et serai pour le frêle athlète de la vie
L’huile qui raffermit les muscles des lutteurs.
En toi je tomberai, végétale ambroisie,
Grain précieux jeté par l’éternel Semeur,
Pour que de notre amour naisse la poésie
Qui jaillira vers Dieu comme une rare fleur ! »

Merci à Jacques pour son aimable autorisation. Extrait du disque « L’âme du vin » Trans Euro Music
Ci-dessous, à écouter sans modération
[dewplayer:http://www.journalepicurien.com/sons/lameduvin.mp3]

Bon, Mona, même si je ne suis pas usé… faîtes en tomber un dans le gosier. Votre chaude poitrine lui fera une douce tombe : en un mot, servez à boire une larme de vin.
Et après, on se fait un karaoké baudelairien, ok ?