Madame, si on faisait le Point

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Y’en a marre ! Je m’adresse à Madame Anne Jeanblanc du Point. Cette dame reprend le rapport de l’OCDE sur la consommation d’alcool dans le monde et plus particulièrement en France. Ce rapport constate que la consommation baisse légèrement mais que nous sommes toujours champions du monde des pays de l’OCDE avec 11,8 litre d’alcool pur contre 9,1 en moyenne pour les autres pays. Et comme à chaque fois qu’un journaliste évoque de tels chiffres, il illustre ces propos avec une photo de vin : dans le cas présent deux ballons qui s’entrechoquent. Certes, l’image du Français coiffé de son béret, avec sa baguette de pain sous le bras et son ballon de rouge est fortement ancrée dans nos mémoires. Mais je voudrais vous rappeler chère Madame que le vin ne représente que 8% de la consommation de boissons alcoolisées contre 50% pour les spiritueux (source OMS). Comme je l’écrivais dans un article, le fléau aujourd’hui ce sont les jeunes qui pratiquent le speed-drinking et se mettent misère en absorbant le plus vite possible une importante dose d’alcool. Et je n’ai pas entendu parler de cas où ils choisissaient du vin pour se bourrer.

Nous sommes le plus gros producteur de vins de qualité du monde et je trouve dommage (voire idiot) de nous tirer des balles dans le pied en ne retenant que les facettes négatives de ce produit divin que la terre entière nous envie… et nous achète.

Chère Madame, je vous invite à vous rapprocher de votre collègue Jacques Dupont pour qu’il vous révèle le plaisir de la dégustation.

Bon Mona, que diriez-vous de taquiner une quille ? Ce sera un Morgon Côte du Py 2010 du domaine Louis-Claude Desvignes. Que c’est bon ! Des arômes de bigarreaux, de poivre et une des tanins fondus pour une bouche délicate et gourmande. Difficile de résister à l’appel d’un second verre !

Ce vin d’or dans ma cave

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Décidément tout fout le camp. Dans les années 1900, les vins de Sauternes étaient fort réputés, fort appréciés et fort consommés. Il suffit de regarder les cartes des restaurants de l’époque pour trouver une offre pléthorique de ces liquoreux souvent plus mis en avant que les vins rouges. Certes, la richesse des plats d’alors débordant de sauce facilitaient l’absorption de ces vins si riches.

Mais depuis une cinquante d’années, la descente aux enfers est inexorable et s’accélère ; les Sauternes ont quasiment disparus de nos cartes et de nos tables. Comme me dit un ami, nous avons tous dans nos caves des merveilles aux éclats d’or qui dorment sagement mais que nous ne sortons qu’en de rares occasions. Bien sûr au moment des fêtes, on en ouvre une bouteille pour manger le foie gras et puis on les oublie…

Et pourtant que de plats peuvent se marier avec ce vin : un simple poulet rôti préalablement frotté d’une gousse d’ail, un fromage persillé, la cuisine chinoise…

Et pourtant notre peur du sucre, notre volonté d’être mince comme un fil de fer tuent les vins riches comme les Sauternes ou les Banyuls. Un propriétaire d’un cru classé affirme que si chaque Français buvait un verre de Sauternes par an, la production serait épuisée. Il faut croire qu’on est loin du compte puisque trois châteaux, dont deux 1er Crus ont élaboré un ersatz de Sauternes destiné à être bu en apéritif noyé dans du Perrier.

O tempora, ô mores !

Ma chère Mona, je reconnais bien volontiers que moi-même je ne contribue que trop rarement à réduire les stocks de ces vins d’or. Allez ma belle, sortez deux verres et je vous sers un Château Coutet 2001. Une explosion d’arômes : exotiques, abricot, épices. La fin de bouche est fraîche. Le verre vide sent encore Coutet et la bouche est longuement imprégnée de ce nectar.

Secouez, secouez moi

Mona essaie le hyperdecanting
Mona essaie le hyperdecanting

En septembre 2012, Nathan Myhrvold, un auteur à succès de livres de cuisine américain, gourou de la cuisine dite moderne a écrit :

Les amateurs de vin savent depuis longtemps que décanter un vin avant de le servir améliore souvent sa saveur. Bien que la carafe traditionnelle  soit la plus utilisée, c’est un moyen assez peu performant. Il ya quelques années, j’ai trouvé que je pourrais obtenir de bien meilleurs résultats en utilisant un mixeur de cuisine ordinaire. Il suffit de verser le vin dedans, mettre la puissance maximale pendant 30 à 60 secondes, puis laisser la mousse se dissiper (ce qui arrive rapidement) avant de servir. J’appelle cette technique : « hyperdecanting. »
Bien que torturer un vin cher de cette manière peut attrister des œnophiles sensibles, ce procédé améliore presque invariablement les vins rouges, en particulier les plus jeunes, mais même un Château Margaux 1982.

Les bras m’en tombent. Comment peut-on écrire de telles âneries. Et le gars insiste. Selon lui l’hyperdecanting améliore les petits vins. Et pour appuyer sa thèse, il propose à chacun d’organiser une dégustation avec un groupe d’une dizaine de personnes et selon lui, 90% des participants confirmeront une amélioration du vin. Depuis aux States, il est de bon ton de sortir son pied à soupe, son mixer pour épater les copains.

Bon, permettez-moi de ne pas partager cet enthousiasme. Passer au mixer un Château Margaux 1982 est une aberration. Un tel vin doit au contraire être traité avec respect et délicatesse…

Que certains vins californiens bas de gamme, surchargés en copeaux de bois résistent aux manipulations les plus atroces, pourquoi pas, que ce brassage permette de détruire les échardes qui se détachent des staves … mais de grâce, laissez tranquilles nos grands vins ciselés par le temps. Ils ne demandent qu’à nous donner du plaisir, tels que la bouteille les aura façonnés.

Ceci étant dit, depuis longtemps les adeptes du carafage et ceux qui y sont opposés se chamaillent. Selon les uns, le passage en carafe facilite l’accès aux vins jeunes, les autres estiment que l’oxydation est la pire des choses… Il serait temps que nos œnologues et universitaires tranchent ce débat sans fin.

Ma chère Mona, inutile de sortir votre mixer, nous boirons un vin de Vosne Romanée 2011 du Domaine Mugneret-Gibourg. Si vous lisez ces rubriques, vous savez que je suis fan. Les vins y sont toujours d’une extrême finesse et d’une élégance exceptionnelle. Bien que jeune, ce vin avec un morceau de viande nous ravira…dès maintenant.

Quel sein… patron

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Vous savez le bonheur que j’ai de travailler pour Lépucurien. Ce grand homme m’a tellement appris de choses que je lui dois tout et c’est presque du vol qu’il me gratifie d’une rémunération. C’est bien entendu la connaissance du vin qu’il m’a transmise. L’éventail incroyable de crus qu’il m’a proposé m’a permis de comprendre les subtilités du jus de la treille et même si je ne lui arrive qu’à la cheville lorsque nous sommes un verre à la main en train d’écouter le vin, je suis très fière du chemin parcouru. Un jour de dégustation, je voulus en savoir plus. Comment ce génie avait-il pu emmagasiner tant de connaissances sur la boisson de Bacchus. Lépicurien se fit un plaisir de me raconter son long apprentissage. Je reprendrai in extenso les paroles employées pour expliquer cette passion dévorante :  

Tout petit déjà, j’ai aimé la dégustation, me dit Lépicurien. Aussi loin que remontent mes souvenirs, me reviennent de longues tétées gourmandes et moi qui essayais de distinguer le goût du sein droit de celui de gauche sous le regard tendre de ma maman qui avait une devanture de première bourre, style melon de cavaillon. Et chaque jour selon ce que ma mère avait mangé, je pouvais distinguer poisson, viande, légumes… En grandissant, je demandais à ma cousine de me mettre dans le bec toutes sortes de choses : carambar, calisson, bêtise de Cambrai, nougat, chocolat… et mémorisais toutes ces sucreries. Lorsque ma mère allait au marché, j’avais plaisir à l’accompagner. Là, les yeux fermés, je m’approchais des étals et sentais à pleins poumons les effluves de poisson, viandes, fruits… et même qu’un jour je me suis retrouvé sous les jupes d’une imposante commerçante. Je reniflais à pleins naseaux son persil dru comme du crin qui dépassait du cabas. Je reçus une baffe mais cette odeur resta gravée dans ma mémoire bien que je ne l’aie jamais retrouvée dans aucun flacon.

Ainsi parle mon mentor, mon maître, mon patron. Que c’est beau cette vocation précoce.
Mona tellement de chance de l’avoir…

Crème au goût de Mont-Blanc

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Vous vous bien gavés durant les fêtes en décembre ? Des tonnes de bouffe se sont déversées en quelques jours. Les chocolatiers ont réalisé en décembre 30% de leur chiffre d’affaires. Ballotins et sujets ont été croqués, dévorés en abondance. Le calme revenu, tel ou tel  se pose des questions. Est-ce que ce trop-plein de chocolat est néfaste pour ma santé ?

Ainsi Ella Traumangé, jeune lectrice de nos pages gourmandes, se plaint d’avoir une poussée d’acné. Elle se demande si elle ne risque pas de faire péter son compteur de cholestérol après avoir englouti tant de pralines et de guinettes.  

Ma chère Ella, je vous rassure. Vous pouvez manger, certes en quantité plus limitée, chaque jour du chocolat noir à 70%. Deux carrés contribueront à vous conserver votre système cardio-vasculaire en bon état de marche. Contenant des substances stimulantes, il vous aidera à avoir bon moral, de plus les polyphénols du cacao favorisent l’oxygénation du cerveau et donc votre intelligence. Quant aux questions que vous m’avez transmises, je vous affirme qu’en croquant raisonnablement du chocolat vous ne fabriquerez pas plus de cholestérol. Et puis, votre crise d’acné n’est pas due au chocolat mais à votre âge. Vous êtes encore en pleine adolescence et les hormones qui s’agitent en vous augment votre production de sébum. Pour faire passer cela je vous conseille de vous trouver un petit copain et de lui demander de vous donner un petit coup de dégorgeoir ou si vous préférez laissez-le explorer votre sous-sol et y larguer sa camelote à Popaul. Si vous avez besoin d’encouragements pour vous faire oblitérer sous baldaquin, mangez donc un peu de chocolat, ça vous décontractera. Mais attention, ne devenez pas comme 41% de nos compatriotes qui préfèrent croquer du chocolat à une partie de jambonneaux. En effet selon un sondage réalisé en 2008, un pourcentage bien trop élevé de femmes considère avoir plus de plaisir à manger du chocolat qu’à faire l’amour. Purée de ta mère. Soit elles ont des gars ramollis du bulbe, soit ce sont des mecs qui larguent la purée sur le rebord du vase… Enfin moi, ma chère Ella, si j’adore le chocolat noir, je suis prête à ne pas en engouffrer un seul carré durant des jours plutôt que de ne pas me faire bricoler le compteur bleu.

Mona le sens des priorités. Merde !

Ce sera sans moi

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Vous savez que je suis bonne fille et j’ai un tel respect pour Lépicurien, mon patron adoré que je sais lui refuser quoi que soit. Bandes de dégoutants, pas ce à quoi vous pensez obsédés du gland. Comme tous les hommes vous avez le cerveau dans le calbute. Mais ne disgressons pas. Pour la première fois ce jeudi, je lui ai dit NON. Et je dois vous dire que ça ne m’a même pas coûté. Vous vous rendez compte, j’ai franchi le Rubicon sans aucun regret. Certes après ce refus, je rosis en baissant les yeux. Mais je l’avais dit…

Quel est la raison de ce Non ? Figurez-vous que le boss croyant me faire plaisir se proposait d’acheter un Beaujolais Nouveau en ce troisième jeudi de novembre.

Un refus c’est bien, mais fallait-il encore s’expliquer. Ce fut fait avec célérité, force et persuasion. Je lui dis que j’aimais trop le vin et les Crus du Beaujolais pour assimiler ce liquide à un vin digne de mon palais ; je rajoutais que je gardais toujours le souvenir de celui de l’an dernier qui avait traversé rapidement dans les deux sens mon œsophage. L’aller fut à peine passable, le retour franchement acide. Et qu’enfin étant trop snob pour partager ces agapes de fin de chantier ou ces réunions de troquets armés de ballons de comptoir, je préférais ce soir là boire un bon Champagne avec un bon gars du Beaujolais.

Mona pas digéré le pif de l’année dernière. Y a de quoi être en colère, non ?

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Aut bibas aut abeas (Bois ou va-t’en)

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Nombre de journaux ont titré que le pays qui consomme le plus de vin par habitant est le Vatican. Chiffres à l’appui fournis par Bonial. En consommant 73.8 litres, ce micro état pulvérise ses poursuivants. La France est loin derrière avec 44.2 litres, suivie de la Slovénie avec 43.3 litres et la Croatie 42.6 litres. L’étude rappelle que la France boit de moins en moins de vin. Ainsi en 1975, c’était un hectolitre que chaque Français ingurgitait. Cette baisse importante est une bonne chose aux yeux de nos responsables politiques et médicaux. Certes, cependant ces études portant sur un seul breuvage oublient que si la consommation de vin baisse, nous sommes les champions pour divers alcools forts comme le whisky. Nous sommes champions du monde sur cet alcool venu d’Ecosse. Mais curieusement les campagnes anti-alcool présentent le plus souvent un verre de vin bu au comptoir. Curieux ce besoin irrépressible de se tirer une balle dans le pied !

Mais revenons aux gros titres de la presse : le Vatican est le plus gros consommateur de vins au monde et les journalistes de souligner que cela peut s’expliquer par sa démographie particulière : des hommes âgés sans enfants. C’est vrai, les religieux au Vatican passent leur temps à picoler…On les voit tituber place Saint-Pierre à toute heure du jour et de la nuit.

Certains journalistes soulignent également que les vins ne sont pas taxés au Saint Siège et se demandent si cela n’inciterait pas à boire. Enfin, certains évoquent la consommation de vin pour la messe mais en affirmant immédiatement que cela ne peut expliquer cette surconsommation.

Bon, tout cela montre un travail journalistique bâclé. Dans l’étude de Bonial le Vatican n’apparait pas dans les classements. Le site l’a exclu de ses classements pour des raisons techniques et de pertinence des données. Mais un gros titre ça fait vendre du papier, ça attire l’attention. Il suffit de savoir qu’au Vatican, les employés et retraités ont à disposition un supermarché sans taxe pour comprendre qu’ils ravitaillent famille et amis en vin. De même, à ma connaissance, aucune étude ne fait ressortir la part de vins achetés en France qui part dans un avion, un train, une voiture comme souvenir d’un séjour au pays des grands vins. Pour ma part, je suis persuadé que nous perdrions notre première place de buveurs de vin. Par contre, des études tendent à prouver que nous resterons champions pour les whiskies.

Mona, malgré une consommation du breuvage divin en baisse régulière, il reste de vrais amateurs dont vous êtes. Aussi, c’est un plaisir de vous inviter à boire ce Saumur-Champigny Les Rogelins 1997 du Domaine Legrand. Un vin qui n’a pas pris une ride. Une couleur de jeune homme mais une bouche gourmande avec finesse et puissance en même temps. Du bel ouvrage pour une bouteille qui peut encore braver les ans.

Mes beaux monts

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Avec le patron, nos rôles sont parfaitement établis. A lui, l’organisation des dégustations et des articles de fonds, à moi le courrier des lecteurs.

Et pourtant aujourd’hui, je vais oser parler vin, ce breuvage divin que Lépicurien m’a fait aimer et connaître et apprécier chaque jour davantage.

Il faut dire que récemment c’était mon anniversaire et à cette occasion, mon patron adoré a débouché un grand vin de Bourgogne : un Vosne-Romanée 1er cru les Beaux Monts 2006 du Domaine Bertagna. Quel bonheur ! Ce vin est d’une rare élégance avec ses arômes de cerise et de framboise. La bouche est légèrement cacaotée et des notes de kirch se révèlent. Bien entendu la description de ce vin reprend les mots employés par mon Lépicurien. Le grand homme a su trouver les mots qui ont décuplé mon plaisir.

Mais je profite de ce moment de bonheur sensuel pour approfondir le nom de ce cru : Les Beaux Monts. Dans mon ignorance et ma naïveté, je pensais qu’il s’agissait de coteaux à l’esthétique remarquable car il faut le dire, les pentes viticoles de la Côte d’Or méritent le détour. Mais que nenni !

Selon Marie-Hélène Landrieu-Lussigny, ce lieu s’appelait à l’origine Les Baus qui signifie Hauteur comme on retrouve au sud de la France avec les Baux de Provence. Mais avec le temps, la signification de Baus a été oubliée et on a rajouté à la suite Monts. Et tout naturellement Baus s’est orthographié Beaux. Et une parcelle située plus haut sur le coteau prit le nom de Les Hauts Beaux Monts. Dans le genre pléonasme, difficile de faire mieux.

Heureusement que Lépicurien connait la Côte et ses secrets comme le fonds de ma poche. Jamais je n’aurais trouvé cela toute seule et je suis persuadée que la grande majorité d’entre vous l’ignorait…

Mona des beaux monts… Et là, il n’y a pas de doute sur leur origine.

Ça me la coupe

Quelle coupe !
Quelle coupe !

Utiliser la forme d’un sein pour en faire un buvant ne date pas d’hier. Ne dit-on pas que Madame de Pompadour, la maîtresse de Louis XV prêta son sein pour y mouler la première coupe de Champagne. Ce vin dont la mode fut lancée sous la Régence était considéré comme aphrodisiaque. Quelques années plus tard, la romantique Marie-Antoinette préféra mouler sur son sein un bol pour boire le lait de sa bergerie de Rambouillet.

En 2008, Karl Lagerfeld lança une coupe galbée sur la poitrine de Claudia Schiffer. Pour son quarantième anniversaire, Kate Moss accepta de prêter son sein gauche pour une coupe style art-déco. Le mannequin ayant apposé sa signature au pied de chaque verre, le prix est devenu loufoque. On parle de plus de 2.500€ pour une coupe vendue avec un Dom Pérignon Œnothèque 1995. Un vin de Champagne au nez intense, à la bouche ample et ronde. Mais à ce prix là, c’est Moss…

Avec le rhum, elle s’est bien arrangée

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C’est quand elle est grimpée sur le bureau que j’aurais dû me méfier

Une récente étude a attiré mon attention. Les travaux d’une équipe israélienne du Weizmann Institute of Science assurent que notre odorat est plus performant après avoir bu un peu d’alcool. Pour ce ils ont demandé à une vingtaine de personnes de reconnaître des odeurs après avoir bu un verre de jus de raisin. Puis quelques jours plus tard, ils leur ont présenté des flacons après qu’ils aient bu un verre de jus de raisin additionné de 35 ml de vodka. Après ingestion de cette faible quantité d’alcool, les sensations olfactives des cobayes étaient plus élevées.

J’ai souhaité vérifier ces dires en demandant à Mona de me servir de sujet d’expérimentation. Elle accepta de bon cœur sous réserve que je remplace la vodka par du rhum qu’elle aime particulièrement. Qu’à cela ne tienne !

J’avais prévu de proposer à ma fidèle collaboratrice une séance quotidienne. Le premier jour, je lui versai un simple jus de fruit. Elle reconnut 4 des 10 flacons mis à hauteur de ses narines. Le lendemain, je versais 35 ml dans un verre de jus. Elle reconnut 5 des 10 flacons. Fort de cette amélioration je versais le troisième jour 70 ml. Ce furent 7 flacons qui furent trouvés. Le quatrième jour, je mis 210 ml, elle ne reconnut que 6 flacons. Enfin le jour suivant, je versais un verre entier de rhum et une goutte de jus de fruit. Non seulement, elle ne reconnut aucun flacon, mais elle tint des propos difficilement compréhensibles, de plus, elle faisait des grimaces, des gestes amples. Elle me rappela que le rhum ne s’était pas fait en un jour, que tous les chenins mènent au rhum… puis elle passa aux mots peu appropriés à la bouche ciselée d’une jeune femme. Je l’enfermai dans son bureau imbibée comme un rognon marinant depuis des heures dans du Madère.

Il était temps de tirer les conclusions de ce que je venais de vivre. Une nette amélioration des performances olfactives de Mona peuvent être constatées après qu’elle ait bu une petite dose d’alcool. En augmentant la quantité, on arrive au résultat inverse. On peut en déduire que soit Mona ne tient pas l’alcool, soit elle avait déjà absorbé du rhum avant le dernier test. En vérifiant ce qui restait dans la bouteille, je penche pour la seconde hypothèse.

Furieux, je retournais à son bureau et la trouvais la tête penchée sur le bois, endormie telle que si elle avait été piquée par une mouche tsé-tsé.

Malgré l’attitude peu avantageuse pour elle, j’admirais sa plastique hors normes et fondis comme un glaçon tombé dans une théière. Moi qui voulais la houspiller pour ses excès qui avaient réduit à néant mon travail sur l’odorat, je caressais sa chevelure ondulée, promenais ma main sur sa peau satinée et la laissais cuver tranquillement dans les bras de Morphée.   

Inutile de vous dire que je n’ai pu proposer à la chère enfant une quelconque dégustation. Nos plus fidèles lecteurs voudront bien pardonner à Mona cette absence de vin qui nous prive d’un breuvage divin.