La nourrice a été trouée par son épingle

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Vous vous souvenez du mariage de Louis XVI. La Dauphine Marie-Antoinette casse la plume et fait une tâche en signant l’acte, le feu d’artifices tiré en leur honneur à Paris se termine mal : morts et blessés jonchent le sol. On y vit un mauvais présage pour Louis qui finira sur l’échafaud. Et n’oublions pas qu’il eut un mal fou à amuser sa femme.

Et pourtant le peuple attendait son règne avec impatience car Louis XV était de plus en plus haï. Il faut dire que les choses n’avaient pas bien commencé pour lui non plus.

A sa naissance, le courrier, envoyé de Versailles, pour annoncer sa naissance, fait une chute mortelle ; l’aumônier ne peut ondoyer[1] l’enfant parce que la mort vient le surprendre ; enfin les premières nourrices succombent à leur tour. De là, à y voir un mauvais présage… il n’y a qu’un pas.

Bien ma Chère Mona, pour conjurer le mauvais sort qui pourrait s’abattre sur nous, je vous propose un Saumur Blanc 2009 : Château de Fosse Sèche cuvée Arcane. Un bel exemple de Chenin qui peut sommeiller quelques années en cave.

[1] Baptiser

On tient le bambou ?

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Y a-t-il besoin de vous redire que j’ai un petit faible pour Louis XVI et Marie Antoinette ? Ces souverains n’ont pas eu de chance et leur mort ne grandit pas notre pays. Bon, je ne vais pas vous refaire un couplet (et non un couperet) sur ce thème.

Je vais plutôt remonter dans le temps et les retrouver alors qu’ils venaient de s’unir par les liens sacrés du mariage, le 16 mai 1770. Durant le festin des noces, le Dauphin se serait empiffré. Louis XV lui glissa à l’oreille avec un air entendu : « Ne vous chargez pas trop l’estomac pour cette nuit« . Mais le dauphin répondit : « Pourquoi donc? Je dors toujours mieux quand j’ai bien soupé! » Le Roi faillit tomber à la reverse, lui qui était fort porté sur la chose se posait des questions sur son petit-fils pourtant appelé aux plus hautes fonctions.

Les jeunes tourtereaux furent placés dans le lit conjugal après que la jeune mariée eut enlevé son voilage de noces. Et la nuit fut fort calme ; le Dauphin se leva fort tôt pour aller à la chasse. Durant de longues années, le mariage ne fut pas vraiment con-sommé.

Même si tous les historiens ne sont pas d’accord, il est généralement admis que Loulou souffrait d’un phimosis qui l’empêchait de visiter en profondeur la boîte à bonheur de Toinette. De plus, ce moment de bonheur se transformait en souffrance pour lui. On comprend qu’il ne cherchait pas à visiter les sous-sols de sa moitié. Et il faudra attendre décembre 1778 pour que la Reine donne enfin naissance à une fille et ainsi faire taire les ragots. Durant ces huit longues années, Loulou avait le disjoncteur en rade. Lui qui était si doué pour bricoler les serrures, il n’avait pas trouvé la clé pour donner du bonheur à sa légitime royale. Souffrant du manche quand ce dernier se raidissait, Louis ne pouvait pas larguer sa gelée royale dans le pot que lui présentait sa dame.

Bon, il faut dire, à sa décharge (si j’ose dire) que la Marie-Antoinette qui deviendra une bien jolie femme était encore en devenir. Fort jeune, elle n’avait guère d’appâts à présenter à son homme pour le dégeler. Loulou qui essayait vainement d’en faire sa femme ne connut qu’échec sur échec.  Aussi il s’intéressait de moins en moins à sa partageuse de pageot. C’est humain, merde ! Il avait beau dire : « J’en Prince pour toi », il n’arrivait pas à mettre coquette au chaud.

On soupçonne Marie-Antoinette d’avoir cherché ailleurs un gars capable de lui jouer le grand air de la Flûte Enchantée. Et un nom revient souvent : Axel de Fersen, ambassadeur de Suède qui lui avait un équipement en parfait état de marche et qui était toujours prêt à rendre service à une nana dans le besoin. Et comme en plus, le Suédois est beau comme un soleil, on peut comprendre que la petite aurait pu se laisser aller.

Quant à Loulou, pressé par Louis XV et le reste de la famille royale, il consulte tous les toubibs qui lui déconseillent l’opération et lui prédisent une amélioration avec le temps.

Alors comment Louis fit-il pour se débrider son matériel à donner des frissons ? On peut penser qu’à force de mettre sa sentinelle à col roulé sur le qui-vive, le frein finit par se débloquer et permit  enfin de hisser le grand froc (comme on dit dans la marine) et de pratiquer une gymnastique sous baldaquin bien méritée.

C’est pas pour me jeter des fleurs, mais voilà encore une fois, je vous donne une page culturelle d’une haute tenue. L’histoire revisitée par votre Mona, c’est quand même plus bandant (si j’ose dire) que les cours de la Sorbonne.

Mona réellement un don pour rendre vivant l’histoire de France.

Aux pas d’Eloi

Mona bien sa culotte à l'endroit
Mona bien sa culotte à l’endroit

Qui n’a fredonné cette chanson : le bon roi Dagobert a mis sa culotte à l’envers. Mais savez vous qu’elle a été écrite dans la deuxième moitié du XVIII° siècle et moquait le roi Louis XVI et sa charmante Marie-Antoinette.

Mais revenons dans les années 600 durant lesquelles vécut Dagobert. Je ne sais pas s’il mit sa culotte à l’envers, mais il est certain qu’il l’avait souvent sur les chaussettes car le souverain était un chaud lapin. Ayant perdu son berlingot au cours de sa douzième année en compagnie d’une bergère, il convola en justes noces avec Gomatrude sans stopper les relations avec ses maîtresses. Six ans après, il la répudie et la remplace par Nanthilde qui quitta la robe de bure à cette occasion. A la rencontre de Ragnétrude, il craque et propose à sa femme de faire chambre à trois. Puis le pageot accueille aussi Berchilde. Seulement, la belle est déjà marida et le roi est accusé d’adultère. Qu’à cela ne tienne, il fait assassiner le gênant. Et le tour est joué : plus de mari, plus d’adultère. Si vous avez la comprenette duraille dans les histoires de famille, compulsez cette page.
Après dix ans de règne, Dagobert chope une mauvaise dysenterie qui lui vide la boyasse et lui fait finalement cracher son bulletin de naissance.

Cette comptine a été détournée en paillarde et est chantée dans les salles de garde. Pour le plaisir, je vous livre un couplet :

Le bon roi Dagobert
Avait toujours la queue à l’air
Le grand Saint-Eloi
Lui dit oh mon roi
Au mois de décembre
Faut rentrer son membre
Le roi lui dit très fier
« Rien ne vaut le vit au grand air ».

Mona pas sa culotte à l’envers

21 janvier 1793

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En ce jour, nous faisons mémoire de l’exécution de Louis XVI. C’était, il y a juste 220 ans. Ce roi que les révolutionnaires ont présenté comme un pleutre, eut une attitude noble jusqu’au bout. C’est surement le bourreau Charles-Henri Sanson qui était le mieux placé pour en juger. Aussi, en ce jour de commémoration, prenez le temps de lire le récit[1] qu’il fait des derniers instants du Roi :

Descendant de la voiture pour l’exécution, on lui dit qu’il fallait ôter son habit. Il fit quelques difficultés, en disant qu’on pouvait l’exécuter comme il était. Sur la représentation que la chose était impossible, il a lui-même aidé à ôter son habit. Il fit encore la même difficulté lorsqu’il s’agit de lui lier les mains qu’il donna ensuite lui-même lorsque la personne qui l’accompagnait lui eut dit que c’était un dernier sacrifice.

Alors il s’informa si les tambours battraient toujours : il lui fut répondu qu’on n’en savait rien, et c’était la vérité. Il monta sur l’échafaud et voulut s’avancer sur le devant comme pour parler ; mais on lui représenta que la chose était impossible. II se laissa alors conduire à l’endroit où on l’attacha ; et d’où il s’est écrié très haut : Peuple, je meurs innocent ! Se tournant vers nous, il nous dit : Messieurs, je suis innocent de tout ce dont on m’inculpe ; je souhaite que mon sang puisse cimenter le bonheur des Français.

Voilà ses véritables et dernières paroles. L’espèce de petit débat qui se fit au pied de l’échafaud roulait sur ce qu’il ne croyait pas nécessaire qu’il ôtât son habit et qu’on lui liât les mains. Il fit aussi la proposition de se couper lui-même les cheveux.

Pour rendre hommage à la vérité, il a soutenu tout cela avec un sang-froid et une fermeté qui nous a tous étonnés. Je reste très convaincu qu’il avait puisé cette fermeté dans les principes de la religion, dont personne ne paraissait plus pénétré et plus persuadé que lui.

Vous pouvez vous servir de ma lettre, comme contenant les choses les plus vraies et la plus exacte vérité.

Signé Samson, Exécuteur des jugements criminels.
Ce 23 février 1793.

France, souviens toi ! 


[1] Lettre adressée au rédacteur d’un journal Belge

Nuit de noces au bord d’elle…

Au soir des noces du Duc de Berry, futur Louis XVI, avec Marie-Antoinette, le Roi Louis XV retint Monsieur de la Vauguyon, précepteur des enfants de France. Ce dernier avait en charge trois garçons : outre le Duc de Berry, il officiait auprès du Comte de Provence, futur Louis XVIII, et du Comte d’Artois, futur Charles X. Mais une partie importante de sa mission s’éteignait avec ce mariage princier.

Louis XV félicita le précepteur pour l’éducation donnée aux jeunes princes et fit un point sur les divers centres d’intérêt du futur Roi.

Puis, il lui demanda si le jeune marié savait ce qu’il devrait faire dans la chambre nuptiale. Le précepteur, gêné, rappela que ce cours n’était pas prévu dans le programme.

Louis XV informa qu’au moment de son mariage, lui-même n’avait aucune connaissance sur le sujet et confia à de la Vauguyon qu’au moment de rentrer dans la chambre, il avait traversé lentement un long couloir parsemé de petits tableaux qu’il avait pu admirer :

—Vous comprenez ?
— Non, sire.
— Comment dirai-je cela? Des scènes champêtres.
— Dans le genre des tableaux de Teniers, alors…
— Mieux que cela, primitives.
— Primitives?
— Naturelles… Je crois que j’ai enfin trouvé le mot ; vous comprenez, cette fois ?
— Comment! s’écria M. de la Vauguyon rougissant, on osa présenter à Votre Majesté?…
— Et qui vous parle de me présenter quelque chose, duc?
— Mais pour que Votre Majesté pût voir…
— Il fallait que Ma Majesté regardât ; voilà tout.
— Eh bien?
— Eh bien, j’ai regardé.
— Et…?
— Et comme l’homme est essentiellement imitateur… j’ai imité.
— Certainement, Sire, le moyen est ingénieux, certain excellent, quoique dangereux pour un jeune homme.
Le roi regarda le duc de la Vauguyon avec ce sourire que l’on eût appelé cynique s’il n’eût glissé sur la bouche la plus spirituelle du monde.
— Laissons le danger pour aujourd’hui, dit-il, et revenons à ce qui nous reste à faire.
— Ah!
— Le savez-vous?
— Non, Sire, et Votre Majesté me rendra bien heureux en me l’apprenant.
— Eh bien, le voici : vous allez aller trouver Monsieur le Dauphin.
— Oui, sire.
— Vous vous munirez d’un bougeoir, et vous le prendrez à part.
— Oui, Sire.
— Vous indiquerez à votre élève, — le roi appuya sur les deux mots, — vous indiquerez à votre élève que sa chambre est située au bout du corridor.
— Je veux bien vous dire, à vous, monsieur le duc, continua le roi, que cette galerie renferme une vingtaine de tableaux que j’ai fait placer là.
— Ah! Sire, oui, oui.
— Oui, monsieur le duc; vous embrasserez votre élève, vous lui ouvrirez la porte du corridor, vous lui mettrez le bougeoir à la main, vous lui souhaiterez le bonsoir, et vous lui direz qu’il doit mettre vingt minutes à gagner la porte de sa chambre, une minute par tableau.
— Ah! Sire, je comprends.
— C’est heureux. Bonsoir, Monsieur de la Vauguyon.

Ce que Louis XV ne pouvait imaginer, c’est qu’il faudrait sept ans au Dauphin pour arriver à ses fins.

Mona pas eu besoin d’images ou de sept années. Et vous ?

Un gland dommage

Dis donc, Loulou, tu pourrais t'intéresser à moi, hein ?

Marie-Antoinette n’a pas été épargnée par ses contemporains. Dès son mariage, des incidents et accidents furent interprétés comme des signes de mauvais augure. Puis pendant des années, son royal époux ne fréquentait pas son lit et la Cour s’impatientait. Cette Autrichienne serait-elle capable de donner un héritier à la couronne ? Alors que Louis XVI souffrait d’un phimosis, il refusait l’opération par peur et espérait une issue naturelle à ce mal (si j’ose dire). Mais ses tentatives se soldaient par des échecs répétés et le mariage n’était toujours pas consommé. C’est au bout de sept ans, pressé par le frère de sa femme venu spécialement à Versailles, qu’il se fit opérer et rapidement un bébé arriva. Manque de pot, c’était une fille… De plus, des « gens bien informés » laissaient entendre que cette grossesse n’était pas due au roi mais à tel ou tel amant supposé…

Voici une lettre (un extrait) que Marie-Antoinette adressa à sa mère Marie-Thérèse, en 1775 :

« Nous sommes dans une épidémie de chansons satiriques. On en a fait sur toutes les personnes de la Cour, hommes et femmes, et la légèreté française s’est même étendue sur le roi. La nécessité de l’opération a été le mot principal contre le roi. Pour moi, je n’ai pas été épargnée. On m’a très libéralement supposé les deux goûts, celui des femmes et des amants. Quoique les méchancetés plaisent assez dans ce pays-ci, celles-ci sont plates et de si mauvais ton qu’elles n’ont aucun succès, ni dans le public, ni dans la bonne compagnie. »

Des chansons satiriques, en effet, se moquaient ouvertement du couple royal. Un extrait d’une chanson de 1775, qui, dit-on, tomba dans les mains de celle qui était devenue Reine.

Chacun se demande tout bas
Un roi peut-il, ne peut-il pas?
La triste reine en désespère.
L’un dit qu’il ne peut ériger.
L’autre qu’il ne peut s’y nicher
Qu’il est flûte traversière.

 Ma fille ayez un successeur,
Peu importe que le faiseur
Soit devant le trône ou derrière.
Mais avant de faire un cocu,
Tâchez de l’avoir convaincu
Qu’il a le pouvoir d’être père.

 Petite reine de vingt ans
Qui traitez mal les gens.
Vous repasserez en Bavière.
En attendant ces doux instants,
Le doux fruit de vos passe-temps,
Vous aurez ma chanson, j’espère.

Mona chanté rien que pour vous !

Perche interdite

Tout près du Panthéon, au cœur du V° arrondissement, la rue de l’Estrapade est calme. Les plus lettrés se souviennent que Charles Péguy y demeura et que Diderot y rédigea nombre d’articles de l’Encyclopédie. Au bout de la rue, on aboutit sur la place de l’Estrapade. Lieu romantique, s’il en est : place ombragée avec en son centre une des belles fontaines Wallace, des bancs qui attirent les amoureux… Un endroit plaisant.

Mais à qui rend-on hommage ? Qui est cette Estrapade ?

Et bien, mes choux, c’est un souvenir du Moyen-Age :

Tout d’abord utilisé pour les déserteurs, ce supplice servit à châtier les hérétiques, les sorcières… Il consistait à hisser avec une corde le condamné, mains liées derrière le dos, au sommet d’une haute potence. La corde était brusquement lâchée. La chute du corps était rapide et ce d’autant plus qu’on avait attaché des poids à ses chevilles. En arrivant au sol, les membres étaient en sale état, mais le gars était généralement vivant. Aussi, on hissait à nouveau la corde et le condamné avait le droit à autant de tours que nécessaire pour passer de vie à trépas.

Il fallut attendre 1776 pour que Louis XVI supprime ce mode de torture.

Mona prend chaque jour quelque chose…

Des gars, des os

L’année 1793, fut une des plus folles que connut la France. Les exécutions se suivirent à la chaîne. Après Louis XVI en janvier, ce fut le tour de Marie-Antoinette et des Girondins en octobre, d’Olympe de Gouges en novembre et de Madame du Barry en décembre. Cette même année, les restes des rois furent exhumés, pillés ou détruits. Les restes furent jetés dans une fosse commune.
Un texte de l’époque relate ce déchainement. C’est le « Journal historique de l’extraction des cercueils royaux, dans l’Église de Saint-Denis, fait par le citoyen Druon, ci-devant bénédictin« .

Le premier jour, le samedi 12 octobre dans l’après-midi, les ouvriers chargés des exhumations descendirent à la lueur de torches et de lanternes vers le caveau des Bourbon situé dans la galerie souterraine.
Le premier roi à être sorti de son repos est Henri IV qui apparut, momifié, incroyablement bien conservé, avec sa barbe blanche intacte et « les traits du visage parfaitement reconnaissables » selon plusieurs témoins. Le cercueil ouvert fut ensuite exposé durant plusieurs heures, dressé contre l’un des piliers du passage des chapelles basses. De nombreuses anecdotes ont circulé sur l’attitude adoptée par le public à ce moment-là, dont l’épisode légendaire d’un soldat qui va trancher la barbe d’Henri IV, le roi guerrier et conquérant, pour en faire une moustache postiche avant de s’écrier : « et moi aussi je suis soldat français et désormais, je n’aurais plus d’autres moustaches. Maintenant, je suis sûr de vaincre les ennemis de la France et je marche à la victoire ».
Le soir venu, les ouvriers partent et laissent le roi dressé seul, sur son pilier.

Deux jours plus tard, le lundi 14 octobre, le travail reprend vers 3 heures de l’après-midi. Ils prennent le corps d’Henri IV et le jettent le premier dans la fosse commune creusée spécialement pour les Bourbon.

Un des profanateurs et voleur de restes humains est Alexandre Lenoir, directeur du Musée des Monuments Français. On sait qu’il vola notamment quelques poils de la moustache d’Henri IV pour en donner ensuite une partie à son ami Vivant Denon qui dirigeait le Louvre.

Les poils de moustache d’Henri IV sont conservés dans un reliquaire au musée Bertrand de Châteauroux et offrent, là encore, une excellente traçabilité.

Mona pas de sympathie révolutionnaire.

Il y a 217 ans…

Le 21 janvier 1793, à huit heures Santerre arrive au Temple avec des commissaires de la Commune et des gendarmes. Nul ne se découvre.

– Vous venez me chercher? interroge le roi.
– Oui.
– Je vous demande une minute.

Il rentre dans son cabinet, s’y munit de son testament et le tend à un municipal qui se trouve être le défroqué Jacques Roux.

– Je vous prie de remettre ce papier à la reine…
Il se reprend, dit: « à ma femme. »

– Cela ne me regarde point, répond Roux. Je ne suis pas ici pour faire vos commissions, mais pour vous conduire à l’échafaud.
– C’est juste, dit Louis…

Un autre commissaire s’empare du testament qu’il remettra non à la reine, mais à la Commune.

Louis est vêtu d’un habit brun, avec gilet blanc, culotte grise, bas de soie blancs. Cléry lui présente sa redingote.

– Je n’en ai pas besoin, donnez-moi seulement mon chapeau.

Il lui serre fortement la main, puis, regardant Santerre, dit :

– Partons.

D’un pas égal, il descend l’escalier de la prison. Dans la première cour, il se retourne et regarde à deux reprises l’étage où sont les siens : au double roulement qui a retenti lorsqu’il a franchi la porte de la Tour, ils se sont précipités vainement vers les fenêtres, obstruées par des abat-jour.

– C’en est fait, s’écrie la reine, nous ne le verrons plus !…

Le roi monte dans sa voiture, un coupé vert, suivi de l’abbé. Un lieutenant de gendarmerie et un maréchal des logis s’assoient en face d’eux sur la banquette de devant. Précédés de grenadiers en colonnes denses, de pièces d’artillerie, d’une centaine de tambours, les chevaux partent au pas… Les fenêtres, comme les boutiques, par ordre restent closes. Dans la voiture aux vitres embuées, Louis, la tête baissée, lit sur le bréviaire du prêtre les prières des agonisants.

Vers dix heures, dans le jour brumeux, la voiture débouche enfin de la rue Royale sur la place de la Révolution. A droite en regardant la Seine, au milieu d’un espace encadré de canons et de cavaliers, non loin du piédestal vide qui supportait naguère la statue de Louis XV, se dresse la guillotine. La place entière est garnie de troupes. Les spectateurs ont été refoulés très loin. Il ne sort de leur multitude qu’un faible bruit, fait de milliers de halètements, de milliers de soupirs. Tout de suite, sur un ordre de Santerre, l’éclat assourdissant des tambours l’étouffe…

L’exécuteur Sanson et deux de ses aides, venus à la voiture, ouvrent la portière; Louis ne descend pas tout de suite ; il achève sa prière. Au bas de l’échafaud, les bourreaux veulent le dévêtir. Il les écarte assez rudement, ôte lui-même son habit et défait son col. Puis il s’agenouille aux pieds du prêtre et reçoit sa bénédiction. Les aides l’entourent et lui prennent les mains.

– Que voulez-vous? dit-il.
– Vous lier.
– Me lier, non, je n’y consentirai jamais

Indigné par l’affront, son visage est soudain devenu très rouge. Les bourreaux semblent décidés à user de la force. Il regarde son confesseur comme pour lui demander conseil. L’abbé Edgeworth murmure

– Faites ce sacrifice, sire; ce nouvel outrage est un dernier trait de ressemblance entre Votre Majesté et le Dieu qui va être sa récompense.
– Faites ce que vous voudrez, je boirai le calice jusqu’à la lie.

On lui attache les poignets derrière le dos avec un mouchoir, on lui coupe les cheveux. Puis il monte le roide degré de l’échafaud, appuyé lourdement sur le bras du prêtre. A la dernière marche il se redresse et, marchant d’un pas rapide, il va jusqu’à l’extrémité de la plate-forme. Là, face aux Tuileries, témoins de ses dernières grandeurs et de sa chute, faisant un signe impérieux aux tambours qui, surpris, cessent de battre, il crie d’une voix tonnante :

– Français, je suis innocent, je pardonne aux auteurs de ma mort, je prie Dieu que le sang qui va être répandu ne retombe jamais sur la France ! Et vous, peuple infortuné…

A cheval, Beaufranchet, adjudant général de Santerre, se précipite vers les tambours, leur jette un ordre. Un roulement brutal interrompt le roi.

Il frappe du pied l’échafaud

– Silence, faites silence ! …

On ne l’entend plus. A quatre, les bourreaux se jettent sur lui, l’allongent sur la planche. Il se débat, pousse un cri… Le couperet tombe, faisant sauter la tête dans un double jet de sang qui rejaillit sur l’abbé Edgeworth. Samson la prend et, la tenant par les cheveux, la montre au peuple. Des fédérés, des furieux escaladent l’échafaud et trempent leurs piques, leurs sabres, leurs mouchoirs, leurs mains dans le sang. Ils crient « Vive la nation !Vive la République ! »

Quelques voix leur répondent. Mais le vrai peuple reste muet. Pour le disperser, il faut longtemps… L’abbé descend de la plate-forme et fuit, l’esprit perdu. Une légende pieuse lui a prêté ces mots, adressés au roi comme adieu :

– Fils de saint Louis, montez au ciel!

Les restes de Louis XVI, transportés dans un tombereau au cimetière de la Madeleine, rue d’Anjou, furent placés dans une bière emplie de chaux vive et enfouis dans une fosse que recouvrit encore une épaisse couche de chaux. Un prêtre constitutionnel marmonna quelques prières sur la tombe, profanation suprême, mais le dernier mot, même devant un cadavre, doit rester à la loi.

Mona, pas de dégustation ce jour. Je n’oublie pas…

Y’a pas de quoi se marier

Le 16 mai 1770, Louis Auguste, Dauphin de France et futur Louis XVI, épouse Marie-Antoinette Josèphe, Jeanne, Archiduchesse d’Autriche. A la suite de la cérémonie religieuse, les jeunes époux signent deux copies de l’acte sur les registres paroissiaux. Ces deux volumes sont conservés : l’un aux archives départementales des Yvelines, l’autre aux archives municipales de Versailles.

Sur la toile, on peut visionner la copie des archives départementales. C’est bien, mais il eut été plus intéressant d’y voir celui des archives municipales.

En effet, sur la signature de la Princesse se trouve une tâche d’encre. La plume a cassé au moment au moment où elle signait. Mauvais présage

Le 31 mai, les jeunes tourtereaux se rendent à Paris pour y être applaudis par le peuple. Un feu d’artifice, confié au grand Ruggieri, doit être tiré de la place Louis XV[1]. Une foule immense est réunie. Ce jeune Dauphin représente un espoir pour des Parisiens qui n’ont plus d’estime pour Louis XV.

La foule grossit, grossit… La nuit tombe et de nombreux spectateurs tentent de rallier la place. D’autres repartent vers l’église de la Madeleine… Bousculade, chute, incendie,… morts, blessés… Mauvais présage

Armand d’Allonville se souvient dans ses mémoires :

Je ne puis clore cet article de mes mémoires sans parler de l’effroyable catastrophe dont les fêtes célébrées à l’occasion du mariage de Louis XVI devinrent la cause. J’étais bien enfant, mais il est des événements trop frappants pour qu’on les oublie, sur lesquels on revient dans un âge plus avancé, et dont on cherche alors à connaître tous les détails. Aussi ai-je eu la certitude que cinquante-trois personnes avaient péri sur la place, que, des trois cents blessés, l’on n’en put sauver qu’environ la moitié, en dépit de tous les soins qui leur furent prodigués ; que le mal était provenu de quatre causes : l’entêtement que le corps de ville, et surtout le prévôt des marchands, mirent à s’emparer de la police de la fête : l’incendie spontané de l’échafaudage construit pour le feu d’artifice ; des cordes tendues par des filous, et le passage des pompes par la rue Royale , non encore pavée, à travers laquelle une foule effrayée se précipitait.

Ce qui fixait dans ma mémoire un aussi triste souvenir, c’est la profonde douleur dont la ville et la cour furent alors frappées ; c’est, et cela était plus près de moi, la tristesse et les pleurs des deux jeunes princesses[2], à qui l’on ne put parvenir à cacher le funeste événement qui venait d’avoir lieu. Elles versaient des larmes sur le sort de l’humanité souffrante, sans prévoir, hélas! qu’elles auraient un jour à en répandre de plus amères sur le leur, et celui surtout de ce qu’elles avaient de plus cher au monde !

Un coup à perdre la tête !

Bon Mona, il est temps de boire un coup. Allez, hop, deux verres, je vous prie. Le Domaine des Lys Sacrés 2009 est royal. Ce Côte de Brouilly va vous refaire boire du Beaujolais…


[1] Actuelle Place de la Concorde. C’est sur cette même place, renommée Place de la Révolution, que Louis XVI et Marie-Antoinette furent guillotinés en 1793.
[2] Marie-Antoinette et Elisabeth, sa belle soeur