Y’a pas de quoi en faire un fromage

mona-plateau-fromage

Pour faire du fromage, il faut du lait, donc des bovins, ovins ou caprins. Et cela crée des problèmes environnementaux qui augmentent sans cesse avec une demande accrue de viande et de produits laitiers. Pour obtenir un kilo de viande, il faut plus de 15.000 litres d’eau alors qu’il n’en faut que 300 litres pour un kilo de légumes… La grande majorité de notre bétail est élevé en bâtiments fermés et nourri avec des tourbes de soja qui viennent de plus en plus d’Amérique du Sud entraînant une déforestation massive.
Mais revenons au lait, il faut environ 1.000 litres d’eau pour un litre de lait. Tant que les pays consommateurs de fromage étaient peu nombreux sur la planète, pas de problème, mais avec la mondialisation, la demande de fromage a explosé : hamburgers, pizzas, sandwichs… Le plateau de fromages qui puent à la française ne pèse pas lourd à coté des mastodontes de la restauration rapide.

Que faire ? Tout d’abord, il est indispensable de diminuer sa consommation : nous mangeons trop de viande et de produits laitiers. Depuis plusieurs années, on cherche des produits de substitution. Ainsi, un laboratoire fabrique de la viande à partir de végétaux, un autre du fromage végétalien. Certes pour un amateur de bonnes choses, ces expériences ne sont pas encore concluantes. Le goût est loin de l’original. Mais il n’est pas interdit de rêver et que sous peu les progrès réconcilieront scientifiques et gourmets. En attendant, ces solutions peuvent remplacer les faux cheddars utilisés par les fast-foods : le consommateur n’y verra que du feu.

Bon Mona, pour marier au mieux ce Roquefort, je vous invite à goûter le Coteaux du Layon Maria Juby 2003 du Domaine Patrick Baudouin. Un liquoreux de Loire qui fait honneur à sa région.

C’est un brie qui court

La TRADITION et les vieilles habitudes ont la vie dure en France. C’est au moment où l’on amène le fromage, que l’on se sent obligé d’ouvrir la bouteille de derrière les fagots. Et combien de bouteilles de grands vins, issu d’un grand millésime, ayant dormi de longues années en cave, finissent sur une table confrontées à un camembert, un maroilles…  et meurent en direct dans une indifférence générale. Quel gachis !!

Certains sommeliers n’hésitent pas à déclarer :1066622591_3fc56e9278_o

Il vous reste une bouteille de mauvais vin rouge ? Servez-le donc avec un peu de fromage. Après quelques bouchées, personne ne fait la différence entre un vin d’exception et un «gros rouge qui tache».
Deux chercheurs de l’Université de Californie à Davis, ont fait tester des vins de qualité variable, avec ou sans fromage, par des goûteurs expérimentés et ont découvert que le fromage faisait disparaître les arômes, l’acidité et l’astringence de tous les vins, qu’ils soient très bons ou mauvais.
Ce sont probablement les protéines du fromage qui empêchent les arômes de s’exprimer ou le gras qui masque les récepteurs du goût.

Alors, votre prochain grand flacon de vin rouge, servez le plutôt avec la viande. Et pour le fromage, contentez vous d’un vin rouge jeune et peu tannique (Loire, Beaujolais…) ou d’un vin blanc sec, notamment pour les fromages de chèvre, ou par exemple, d’un vin moelleux ou liquoreux pour accompagner les fromages bleus (Roquefort, Fourme …). Vous découvrirez de nouvelles sensations.

Mona, si vous allez chez le fromager, rapportez donc un morceau de Comté de 12 mois. Je vous ferai découvrir un mariage fabuleux avec le Vin Jaune.

Fromage de Port du Salut

Bien que la principale occupation du moine soit la recherche de Dieu dans la prière et l’étude, il doit cependant subvenir à ses besoins matériels par le travail. La Trappe du Port du Salut en Mayenne fut fondée en 1815. C’est la première communauté à avoir repris la vie monastique après la révolution. Les trappistes se lancèrent dans la fabrication du fromage pour l’utilisation et la conservation du lait d’un troupeau qui ne cessa de croître.

timadeuc
Abbaye de Timadeuc

Dès 1850, les Pères décidèrent d’agrandir les locaux de la fromagerie et de construire des caves d’affinage adaptées à la nature de la fabrication. Le lait de la ferme fut complété par une collecte organisée parmi les élevages voisins. La vente du fromage commença à se développer à Laval et les environs du monastère.

En 1873, le « Port-du-Salut » fit son apparition sur le marché de Paris. La marque « PORT DU SALUT » fut déposée en 1874, et mondialement connue, plus généralement sous le nom de « PORT-SALUT ». De nombreuses imitations furent créées, la plus connue qui existe toujours : « Saint Paulin ». Par suite de l’évolution de la production du lait et du marché, la fromagerie étant devenue trop importante pour eux, les religieux cédèrent en 1959 à la Société Anonyme « Les Fermiers Réunis« , qui continue à exploiter la marque.

Abbaye de la Coudre
Abbaye de la Coudre

A la suite de cette cession, les religieux se lancèrent dans  la  fabrication d’un fromage à l’échelle artisanale, au lait entier non pasteurisé, façon d’autrefois, sous la marque « Fromage de L’Abbaye ».

Aujourd’hui, avec le manque de vocations et la moyenne d’âge élevée des moines,  la fabrication du fromage est arrêtée et la ferme d’élevage de vaches laitières n’existe plus.

Abbaye d'Echourgnac
Abbaye d'Echourgnac

Fort heureusement, les moines donnèrent la recette aux diverses Trappes. Pour retrouver le véritable goût du fromage monastique, je vous invite à acheter les fromages de l’abbaye d’Echourgnac (Dordogne), de l’abbaye de Timadeuc (Finistère) ou ceux de l’abbaye de la Coudre à Laval.
Je vous conseille de les affiner en les laissant dans un endroit frais (mais pas au frigo) durant 15 jours à trois semaines. A point, ce fromage à pâte pressée aime les vins blancs ou les vins rouges légers de la Loire. Je vous recommande également le fromage parfumé à la liqueur de noix de l’abbaye d’Echourgnac. Avec un vin du Jura (vin jaune, par exemple), c’est un vrai bonheur…

Mona fineur, c’est vous

Je dis Banon

Un certain nombre de fromages sont emballés dans des feuilles (le Cornish yarg des Cornouailles dans des orties, le Pecorino d’Italie dans une feuille de noyer…).

Tout cela ne manque pas d’allure. Après avoir été longtemps de précieux auxiliaires pour les producteurs de fromages, les feuilles et autres végétaux utilisés ont aujourd’hui un rôle purement décoratif. Ils permettaient jadis de conserver les produits fabriqués en excès lors des fortes périodes de lactation.

436253595_8f71eb0def_obanon_titreLe plus pittoresque des fromages conservés sous feuilles est le Banon, fabriqué dans les garrigues des Alpes de Haute Provence. Ce fromage pudique s’est longtemps caché dans une feuille de vigne. L’épidémie de phylloxera ayant coupé court à cet approvisionnement, on s’est reporté sur les feuilles de châtaignier. Il en faut jusqu’à 6 à 7 assouplies dans de l’eau vinaigrée, imbibées d’eau de vie et ficelées de ratafia. Traditionnellement, c’est le Banon lui même que l’on enrobait de divers aromates et épices (poivre, clous de girofle, thym, laurier) avant de le plonger dans une jarre de terre où il macérait très lentement. Inutile de préciser que son goût était particulièrement prononcé. La mise sous feuille lui permettait de ne pas se dessécher et contribuait à lui conserver une pâte onctueuse. A l’abri de l’air, le fromage pouvait se garder longtemps. De nos jours, un affinage court donne un fromage à la saveur agréable qui s’apprécie avec un vin blanc de Cassis.

La collecte des précieuses feuilles de châtaignier ne relève pas de l’improvisation. Elle s’effectue à l’automne, soit à même l’arbre avant qu’elles ne tombent, soit juste à la tombée. Ce qui oblige à un travail journalier durant trois mois. Les feuilles doivent être ramassées quand elles ne sont ni trop sèches ni trop humides. Les feuilles sont mises à sécher. Pas question d’utiliser des feuilles encore vertes qui donneraient trop de tannins à la pâte et la rendraient acre.  Le banon est l’un des très rares fromages à utiliser véritablement les vertus des feuilles.

Pour beaucoup d’autres, comme le fougeru, il ne s’agit plus que d’un héritage décoratif. Ainsi les joncs qui ceinturent le livarot ne servent plus depuis longtemps à empêcher le fromage de s’affaisser. Il lui reste le surnom de colonnel (5 joncs par livarot).

Dans le centre de la France, le sainte-maure de Touraine, long fromage de chèvre arbore encore une paille qui le traverse de bout en bout. Elle servait initiallement de tuteur aux fromages un peu fragiles qui menaçaient de se rompre. Le perfectionnement de l’art fromager rend inutile cet usage. D’ailleurs le décret d’appellation d’origine contrôlée n’exige pas sa présence.

Le long de la frontière suisse, dans le sud du massif jurassien, est né le mont-d’or. La pâte est tellement onctueuse que les paysans n’ont eu d’autre choix que de ceinturer leurs fromages avec des sangles d’épicéa avant de le mettre en boîte. Et là, il s’agit bien d’une alliance du fromage et du bois. Ce n’est en rien un mariage de circonstance. Au contact direct de la boîte qui contient ses épanchements généreux et de la sangle d’épicéa qui l’entoure, le mont-d’or s’imprègne d’un doux parfum balsamique. La récolte des sangles relève d’un métier à part entière : le sanglier, profession exercée par une vingtaine de personnes qui prélèvent la couche située sous l’écorce. Pour le déguster, il faudra patienter. C’est un fromage de fin d’automne et d’hiver qui se marie avec un vin blanc du Jura.

Difficile de ne pas parler du Morbier. Issu du Jura lui aussi, les paysans, durant l’hiver, stoppaient la fabrication du comté faute de lait en quantité suffisante et utilisaient les moindres traites pour préparer des fromages plus petits  : Morbier. Ils faisaient prendre le lait d’une traite et dans l’attente de la prochaine recouvraient le caillé de cendres pour le protéger des insectes. Aujourd’hui reste cette raie noire de charbon de bois.

Ma petite Mona, alors avec ce Sainte-Maure, quel vin blanc me proposez vous ? Un Monlouis ? Hé, ben, je dis banon. Servez…

C’est un Brie qui court….

Le site lepoint.fr a publié une information que je reprends intégralement :

plateau-fromages-et-vin« Pour promouvoir les spécialités françaises, le gouvernement va cofinancer, avec des producteurs, des soirées vin et fromages chez des particuliers américains, canadiens et d’ailleurs. Les hôtes, choisis par l’agence de marketing Sopexa, recevront, outre des bons d’achat pour du vin bon marché, un tire-bouchon et… un CD où chante Carla Bruni ! En échange, ils doivent vanter sur Internet les mérites de la nourriture et du vin français. La Sopexa a déjà reçu 14.000 demandes de particuliers. Le coût de l’opération, réalisée dans 19 pays, est estimé à 1,6 million d’euros, dont 60 % seront à la charge du ministère de l’Agriculture. »

Des journalistes et nombre de sites ont réagi en trouvant scandaleux que le budget participe à l’achat des disques de la 1ère Dame. En fait, il semble que le disque soit une compilation de variétés dont un titre est de Carla Bruni… Mais peu importe cette polémique ne m’intéresse que fort peu.

Par contre, je suis étonné que personne ne souligne le fait, qu’à l’intérieur de notre beau pays, l’image du vin soit plus associée au risquecoq-bleu-blc-rge de cancer dès le 1er verre et à l’alcoolisme. Mais dès que l’on sort de nos frontières, le vin est présenté comme un des fondements de notre civilisation et comme un des pôles de notre gastronomie.

Quand va donc cesser cette schizophrénie ?

Epicuriennes, Epicuriens, à vos verres, il est temps de faire comprendre à nos dirigeants que :

« Bonne cuisine et bons vins, c’est le paradis sur terre »
Henri IV (1553-1560)… c’est-à-dire en France comme ailleurs.

Il fallait et il faut le dire.

Le roman du Camembert

camembert-3Le Camembert tire son nom d’une commune de l’Orne, du canton de Vimoutiers, où dit-on, l’inventa  au cours de la Révolution, une fermière appelée Marie Fontaine épouse HAREL. Son origine, mais sous une forme différente, est plus lointaine. En effet, un siècle plus tôt, les archives paroissiales du village de Camembert font mention de cette spécialité fromagère.

Cependant l’apport de Marie Harel est incontestable : la forme et le goût du fromage ont été fortement modifiés en 1791. Un prêtre réfractaire, fuyant la Terreur, trouve refuge chez la fermière Marie Harel. Originaire de la Brie, l’ecclésiastique lui enseigne la manière briarde de faire le fromage. Vendus sur les marchés alentours, le succès est immédiat. La production de Marie se trouve vite insuffisante pour répondre à la demande.

C’est le mari de sa fille, Victor Paynel qui lance la première fabrique du fameux fromage. Il faudra attendre 1890, pour qu’un négociant havrais, Monsieur Rousset, donne au camembert un second souffle en lançant la boîte en bois qui permettra de l’acheminer sans problème sur de longues distances. Jusqu’à cette date, il voyageait sur un lit de paille. Le développement des chemins de fer fera le reste. Il devint l’un des fromages les plus vendus aux Halles de Paris. Copié avec plus ou moins de succès dans de très nombreux pays, symbole des fromages français, il faut en 1983, le protéger par une AOC (Appellation d’Origine Contrôlée). Ainsi sur l’étiquette, pour être sûr d’en déguster un authentique, il est est indispensable de lire sur l’étiquette “Camembert de Normandie” avec comme précision complémentaire “au lait cru, moulé à la louche”.

Or, depuis mars 2007, les principaux industriels (Lactalis), avec leurs marques plus que centenaires comme Lepetit, ont abandonné l’AOC en arêtant la production de camemberts  au lait cru. Ces groupes étaient persuadés que, compte tenu de leur poids économique, ils arriveraient à récupérer l’AOC. Mais les tribunaux en ont décidé autrement.

Alors, épicuriennes, épicuriens, la survie du vrai camembert est entre vos mains. Regardez bien la photo ci-dessous : vous y voyez, à droite, la boîte de Lepetit telle qu’elle était avant mars 2007 et à gauche, créée mars 2007. Combien de consommateurs n’ont pas remarqué la transformation :  et pourtant, le logo d’AOC, la mention au lait cru et camembert de Normandie ont disparu et ce sans que personne ne s’en soucie.

camembert-lepetitEn boycottant ces produits, nous permettrons aux fromagers qui respectent le cahier des charges de l’AOC de survivre. Et si on le faisait !!! Sélectionnez uniquement les camemberts avec le logo de l’appellation. Il faut mieux en manger moins, mais manger du vrai.

etiquette-aoc



Mont-d’or

26917Ce fromage saisonnier, appelé également vacherin, s’élabore du 15 août au 31 mars. Après un affinage minimum de trois semaines, il arrive sur l’étal du fromager. Au XIIème siècle des moines des Abbayes de MontBenoit, de Saint Claude dans le Haut Doubs défrichent et élèvent une race de vache laitière particulièrement rustique et résistante aux grands froids : la Montbéliarde. C’était le fromage préféré de Louis XV. Dés le haut moyen-âge, des “ fruitières ”produisent l’ancêtre de ce fromage devenu A.O.C. en 1981.

Fruitières et producteurs indépendants en produisent 2000 tonnes. Huit litres de lait sont nécessaires pour en faire un kg. Le lait est chauffé en une seule fois à 40°C. Après démoulaimage_1_bigge le caillé est mis dans des cercles d’écorce d’épicéas. Retourné périodiquement on les frotte avec de l’eau salée ; la croûte fleurit et prend des couleurs beiges à reflets orangés. Mis dans une boîte plus petite que son diamètre il va “ s’avachir ”, se plisser et continuer sa maturation. A l’intérieur de cette boîte, est glissée une sangle d’épicéa fabriquée par l’un de la trentaine de « sangliers » exerçant dans le massif jurassien (http://www.filmsdocumentaires.com/films/318-mont-d-or).

On le mange “ à la petite cuiller ”. Il participe à de goûteux gratins de pommes de terre et jambon… Un Jura sec bien sûr mais aussi le Jurançon sec sont de bons compagnons.

On peut élargir la gamme à tous les vins blancs secs et fruités, les rosés vifs et gouleyants, les rouges légers et fruités du Val de Loire, de Savoie…

Fruitière ?

Comme toujours, mon patron oublie que l’on ne sait pas forcément tout et par exemple ce qu’est une « fruitière« . En prenant le Petit Robert, on lit « coopérative de fabrication de fromages« .

fruitiereLe Jura est une région d’élevage. Les paysans produisent du lait qu’ils transforment en fromage (qui est plus facile à conserver). Pour éviter d’acheter du matériel et d’occuper trop de personnel à la confection des fromages, ils mettent tout en commun. Dans un texte du XIX° siècle, on peut lire :
« Vingt ou trente ménages apportent chaque matin leur laitage au fruitier ou fabricant ; et, au bout de la saison, chacun d’eux est payé en fromage, dont il reçoit une quantité proportionnée à ses versements de lait. »

On a trace de ces coopératives dès la fin du Moyen Age, mais c’est surtout à dater du XVII° siècle, que le système se développe.

Le responsable de la fabrication s’appelle un fruitier. Le mot Fruit s’entend par « produits de la terre en général qui servent à la nourriture des hommes et des bêtes ». C’est ce sens que l’on retrouve dans « le fruit de son travail ».

Les fruitières existent encore de nos jours. Elles produisent notamment le Comté, le bleu de Gex et le Vacherin.

Qu’est ce qu’on dit ? … Merci Mona.