Au plaisir du coude

On ne relit jamais assez les classiques. Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, nous laisse une bien belle chanson dans le Bourgeois Gentilhomme (Acte 4, scène première). Cet hymne au bien vivre et bien boire est rafraichissant.

Buvons, mes chers amis, buvons,
Le temps qui fuit nous y convie ;
Profitons de la vie
Autant que nous pouvons.

Quand on a passé l’onde noire
Adieu le bon vin, nos amours ;
Dépêchons-nous de boire,
On ne boit pas toujours.

Laissons déraisonner les sots
Sur le vrai bonheur de la vie ;
Notre philosophie
Le met parmi les pots.

Les biens, le savoir et la gloire
N’ôtent point les soucis fâcheux ;
Et ce n’est qu’à bien boire
Que l’on peut être heureux !

Sus, sus, du vin partout, versez, garçons, versez,
Versez, versez toujours, tant qu’on vous dise assez.

Bon, ma Chère Mona, vous voyez ce qu’il nous reste à faire. Tendez donc votre verre, j’y verserai un nectar : Rosanna 2010 du Château Grès Saint-Paul est une merveille de Muscat. Puissance et élégance, explosion de fruits pour notre bonheur !

Indien vaut mieux…

Une indienne coûte trois sioux

Chacun d’entre nous a rencontré Le Bourgeois Gentilhomme de Molière sur les bancs de son école. Pour le plaisir, je vous fais relire un petit bout d’une scène.

ACTE I scène 2

M. JOURDAIN, en robe de chambre et en bonnet de nuit; le Maitre de Musique, le Maitre à danser, l’élève du Maitre de Musique, une Musicienne, deux Musiciens, Danseurs, deux Laquais.
[….]

MONSIEUR JOURDAIN.
Je vous ai fait un peu attendre; mais c’est que je me fais habiller aujourd’hui comme les gens de qualité; et mon tailleur m’a envoyé des bas de soie que j’ai pensé ne mettre jamais.

LE MAÎTRE DE MUSIQUE.
Nous ne sommes ici que pour attendre votre loisir.

MONSIEUR JOURDAIN.
Je vous prie tous deux de ne vous point en aller qu’on ne m’ait apporté mon habit, afin que vous me puissiez voir.

LE MAÎTRE A DANSER.
Tout ce qu’il vous plaira.

MONSIEUR JOURDAIN.
Vous me verrez équipé comme il faut, depuis les pieds jusqu’à la tête.

LE MAÎTRE DE MUSIQUE.
Nous n’en doutons point.

MONSIEUR JOURDAIN.
Je me suis fait faire cette indienne-ci.

LE MAÎTRE A DANSER.
Elle est fort belle.

MONSIEUR JOURDAIN.
Mon tailleur m’a dit que les gens de qualité étaient comme cela le matin.

LE MAÎTRE DE MUSIQUE.
Cela vous sied à merveille.

J’ai souligné une phrase énigmatique. De nos jours, on dirait crûment :
Je me suis fait cette indienne.
Mais c’est grossier… et ce n’est pas le même sens.
En effet, à cette époque, des indienneurs fabriquaient des robes de chambre faites de toiles de coton décorées de motifs en provenance d’Inde. On les nommait «indiennes» même si elles étaient réalisées en France. Ces vêtements furent très à la mode dans les milieux chics et précieux (on dirait bobos) et Molière ne pouvait qu’en rire.

Mona aimé ces robes de chambres tipi-ques.

La Champmeslé regardait fixement les scènes

« La Champmeslé  est quelque chose de si extraordinaire qu’en votre vie vous n’avez rien vu de pareil ; c’est  la comédienne que l’on cherche, et non pas  la comédie. J’ai vu Ariane pour la Champmeslé seule ; cette comédie est fade, les comédiens sont maudits, mais quand la Champmeslé arrive, on entend un murmure,  tout le monde est ravi, et l’on pleure de son désespoir. »

C’est Madame de Sévigné, la célèbre épistolière qui écrit cet éloge à sa fille en avril 1671. Qui est cette Champmeslé ?

Actrice née en 1644 à Rouen, Marie Desmares épousa un comédien, Charles Chevillet connu à la scène sous le sobriquet de Champmeslé. Bien que l’ayant largement trompé avec le tout Paris et même le tout français…, elle resta connue sous ce nom. Madame de Sévigné, dont le fils en fera un temps sa maîtresse, la décrit comme une femme ayant :

«plus de grâce que de régularité, quoique sa taille fût avantageuse, et qu’elle eut de la dignité dans son maintien. Ses yeux n’étaient pas assez grands, et leur rondeur nuisait quelquefois à l’expression de sa figure. Sa peau était très brune ; sa voix était enchanteresse autant par sa douceur que par les sons touchants qu’elle en tirait quoiqu’elle fût forte et harmonieuse ; ce qui a fait dire à l’auteur des Anecdotes dramatiques : «Si l’on avait ouvert les portes de la salle, quand Mademoiselle Champmeslé déclamait, sa voix aurait été entendue dans le café Procope. Ce café était situé dans la rue des Fossés-Saint Germain, vis-à-vis la Comédie Française

Mais c’est surtout sa liaison avec Jean Racine qui en fit une actrice inoubliable. Le dramaturge écrivit pour elle les rôles de Bérénice, Bajazet, Mithridate, Iphigénie et Phèdre. Excusez du peu !

Mais la belle ne put se satisfaire d’un seul homme. Ils défilaient dans son lit à un rythme soutenu. Finalement elle quitta Racine pour Le comte de Clermont-Tonnerre, ce qui fit circuler à Paris ces vers :

À la plus tendre amour elle était destinée,
Qui prit longtemps racine dans son cœur ;
Mais par un insigne malheur
Le tonnerre est venu, qui l’a déraciné.

Elle rejoignit la troupe de Molière jusqu’en 1680 date à laquelle Louis XIV fusionna les troupes des deux grands écrivains pour instituer la Comédie Française. Elle en devint une des premières sociétaires.

Mona pas pris racine, tonnerre de Brest !

Voeux pour nous, Mesdames, voeux d’Agen pour vous Messieurs

Molière, Mona et Lépicurien vous souhaitent une bonne année

Epicurienne, Epicurien,

Je suis sûr que si vous lisez ces lignes, vous n’acceptez pas cette mise à l’index du vin. Qu’un divin breuvage soit uniquement considéré pour sa quantité d’alcool au même titre que les pires gins et vodka dans un pays tel que le notre est un scandale.

Aussi, nous vous souhaitons Lépicurien et moi une très bonne année pleine de bonnes bouteilles. Qu’en cette nouvelle année, nos vignerons nous sortent des flacons qui nous réjouiront pour les années à venir.

Pour que 2012 commence sous les meilleurs auspices, lisez sans modération ces vers du grand Molière (Bourgeois gentilhomme)

Buvons, mes chers amis, buvons,
Le temps qui fuit nous y convie ;
Profitons de la vie
Autant que nous pouvons.

Quand on a passé l’onde noire
Adieu le bon vin, nos amours ;
Dépêchons-nous de boire,
On ne boit pas toujours.

Laissons déraisonner les sots
Sur le vrai bonheur de la vie ;
Notre philosophie
Le met parmi les pots.

Les biens, le savoir et la gloire
N’ôtent point les soucis fâcheux ;
Et ce n’est qu’à bien boire
Que l’on peut être heureux !

Mona née et bonne sans thé !

La suite : çà tombe bien…

Je vous ai laissé vendredi dernier au milieu du cimetière du Père Lachaise… Je vous avais promis de vous en dire plus sur les tombeaux des auteurs Français les plus connus.

« Il est plus que douteux que nous ayons les ossements de Molière, et il est certain que nous n’avons pas ceux de La Fontaine. Le monument qui est au cimetière du Père La Chaise est donc un cénotaphe[1] consacré à ces deux hommes illustres; mais ce n’est pas un tombeau… » écrit Charles Athanase, baron Walckenaer, dans sa biographie de Jean de Lafontaine qui lâche une vraie bombe.

Alors que sait-on ?

Le 17 février 1673, Molière rend l’âme quelques heures après sa dernière représentation du Malade Imaginaire. Bien qu’en qualité d’acteur, il n’a pas droit d’être enterré en « terre sainte », sur ordre de Louis XIV, l’archevêque de Paris écrit :

« Nous avons permis au sieur curé de Saint Eustache de donner la sépulture ecclésiastique au corps du défunt Molière dans le cimetière de la paroisse, à condition néanmoins que ce sera sans aucune pompe et avec deux prêtres seulement et hors des heures du jour et qu’il ne se fera aucun service solennel pour lui, ni dans la dite paroisse, ni ailleurs« .

Quatre jours plus tard, c’est de nuit que la dépouille est enterrée au cimetière Saint-Joseph.

Le 13 avril 1695, Lafontaine s’éteint. Il est porté en terre au cimetière des Saints-Innocents.

En 1792, une section armée prend le nom de Molière et de La Fontaine. On veut rendre hommage aux grands hommes. On entreprend d’exhumer leurs corps. On commença par Molière, mais il n’existait aucune repère qui indiquât où était son corps. On trouve un corps, qui parait aux témoins avoir été enterré dans un cercueil, lequel corps leur parait être le corps de Molière, et voilà l’exhumation faite…

Quant à La Fontaine, l’extrait mortuaire, que l’on avait sous les yeux, rendait la chose plus embarrassante; mais on vivait alors dans un temps où rien n’embarrassait : en conséquence, on déclare dans ce procès-verbal, que ces mots, Saints-Innocents, qui se trouvent dans l’acte de décès, sont une erreur et que le fabuliste a été enterré à Saint-Joseph. Malgré les doutes, on collecte des os qu’on lui attribue.

Aussi, les cercueils inhumés au Père Lachaise ne contiennent pas les os de Lafontaine et vraisemblablement pas ceux de Molière…

Bon, Mona, c’est pas tout çà, faut boire un coup : Château-Thierry est le lieu de naissance de Lafontaine. Pour arroser çà, un Champagne s’impose : le Ruinart blanc de blancs est tout en délicatesse et finesse… En un mot, vos qualités, ma chère Mona.


[1] Monument élevé à la mémoire d’une personne dont la forme rappelle celle d’un tombeau, bien qu’il ne contienne pas son corps.

Exercice de stèles

Lafontaine et Molière au Père Lachaise

Le cimetière du Père Lachaise est le quatrième lieu le plus visité de Paris. Il faut dire qu’il y a du beau monde : du Maréchal Ney à Oscar Wilde, en passant par Colette, Frédéric Chopin,  Edith Piaf, Marcel Proust, Georges Haussmann, Ludovico Visconti, J.Dominique Ingres, Victor Hugo, Sarah Bernhardt, Delacroix, Balzac, Amedeo Modigliani… Excusez du peu. Pour voir la liste rendez vous sur ce site. Vous pourrez même circuler entre les tombes…

Mais la pierre tombale qui attire de loin le plus de visiteurs est celle de Jim Morrison, le leader des Doors. Décédé à Paris le 3 juillet 1971, il fut enterré à la va vite 4 jours plus tard. Sa famille, fâchée depuis plusieurs années avec le chanteur, ne voulut pas payer les frais de rapatriements. Un défilé incessant de fans perturbe la tranquillité des lieux. Poulenc, de Lesseps, Champollion voient des hardes passer devant leurs pierres sans s’arrêter. Comme souvent, lorsqu’une vedette est fauchée en pleine jeunesse, les bruits les plus fous courent : Jim ne serait pas mort ; son corps serait reparti au States, donc la tombe parisienne serait vide…
Et pourtant ce que l’on prête au rockeur est arrivé à deux de nos plus grands auteurs.

Bref retour en arrière. Le 21 mai 1804, le cimetière du Père Lachaise ouvre… Mais les Parisiens boudent le lieu : le 20ème arrondissement n’a pas la cote. Que faire ?

En 1817, la mairie de Paris organise en grande pompe le transfert des restes de Jean de Lafontaine et de Molière.
Succès immédiat : la surface passera de 17 ha à 43 ha.

Mais il semble bien que la tombe de Molière contienne les restes d’un inconnu et que les os de Molière sont peut-être dans celle de Lafontaine.

Ma Chère Mona, je vous reparlerai de cette énigme dans un prochain article. En attendant, buvons un vin de Pézenas (c’est là qu’est né Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière) : Domaine Montrose, cuvée des Lézards 2007. Cet assemblage de Merlot, Syrah et Carignan est une gourmandise. Allez Mona, sortez les verres, je m’impatiente.

Cachez ce zinc que je ne saurais voir…

Le vin est, dans notre pays, depuis de longues années mis à l’index par nombre de nos hommes politiques. Des études scientifiques publiées en France vont à l’encontre de celles publiées dans d’autres pays. Le vin est  souvent présenté comme  source de tous les maux. Tout buveur de vin est présenté comme un alcoolique en puissance ou pire qui s’ignore. Comme Lépicurien l’a déjà écrit à de nombreuses reprises, le vin est une des bases de notre civilisation. Nous devons le défendre contre vent et marées. En ces temps chagrins, il est bon de relire ces quelques vers de Jean-Baptiste Poquelin :

Buvons, mes chers amis, buvons,
Le temps qui fuit nous y convie ;
Profitons de la vie
Autant que nous pouvons.

Quand on a passé l’onde noire
Adieu le bon vin, nos amours ;
Dépêchons-nous de boire,
On ne boit pas toujours.

Laissons déraisonner les sots
Sur le vrai bonheur de la vie ;
Notre philosophie
Le met parmi les pots.

Les biens, le savoir et la gloire
N’ôtent point les soucis fâcheux ;
Et ce n’est qu’à bien boire
Que l’on peut être heureux !

Le Bourgeois gentilhomme, 1660

Mona bu son verre comme les autres, et vous ? Santé…