Pierre Poivre

Poivre1Lépicurien vous a gratifié d’un superbe article sur la muscade. Je ne pouvais passer sous silence celui, qui au péril de sa vie, arracha aux Hollandais la précieuse épice et l’acclimata sur les île de l’Océan Indien.

Issu d’une famille lyonnaise, Pierre Poivre rêve de voyages. Rentré au séminaire parisien de la rue du Bac des Missions Étrangères, il embarque en 1741 pour le Tonkin[1]. En fait, il n’arrivera pas à sa destination mais visite la Chine et la Cochinchine[2]. Au cours de son séjour, il traverse les lieux de production des épices dont les Hollandais ont l’exclusivité.
Ayant abandonné ses projets de prêtrise, après plus de trois ans en Orient, il décide de rentrer en France. Mais son bateau est attaqué par des Anglais. Dans le combat, il perd son bras droit… lui qui voulait faire de la peinture.

Remis de ses blessures, il est débarqué à Batavia[3]. Il y fera de multiples observations sur les possessions hollandaises et l’organisation de la Compagnie néerlandaise des Indes. Il quitte Batavia en décembre 1746 pour l’île de France[4]. En juin 1748, enfin, il rentre en France. Dans un manuscrit dit « les Mémoires d’un Voyageur », il consigne ses observations.

Dès son retour, la Compagnie des Indes le renvoie en Extrême-Orient pour « revitaliser l’économie des Mascareignes[5], propriété de la Compagnie, et en faire un centre de production d’épices, un entrepôt de ces dernières qu’on enverra dans le monde et notamment en Europe où l’on en est si friand. »
Au fond, il doit « juste » saisir aux Hollandais des plants. Pour cela, Poivre parcourra – dans le plus grand secret – tous les lieux de production existants : la Cochinchine, les Philippines, les Moluques, touchera à Macao et Canton et reviendra par l’île de France où il apportera plants et graines de toutes les épices qu’il se pourra : canneliers, poivriers, muscadiers, girofliers… pour voir comment elles s’acclimateront dans ces îles. Malheureusement, Fusée Aublet, botaniste officiel du Roi sur l’Ile de France veut démontrer que les épices ne peuvent s’adapter sur l’ile. Il n’hésitera pas à les faire crever en les arrosant avec de l’eau bouillante.
Poivre regagne la France où après un séjour forcé à Cork en Irlande – son navire a été capturé par les Anglais- il débarque enfin en avril 1757. Désireux de se reposer enfin, Pierre Poivre envisage de finir ses jours à Lyon. Il surveille l’acclimatation d’espèces exotiques ramenées en France et leur fructification, il y amènera nombre de plantes rares, et l’on montre encore aujourd’hui certains spécimens plantés par Poivre ou ses descendants, notamment un Ginkgo Biloba[6], l’arbre aux cent écus ainsi nommé parce que Louis XV aurait payé, pour son arrivée en France, cent écus.
Pierre_poivre_mauritius_posIl épouse une jeune lyonnaise, Françoise Robin de trente ans de moins que lui. Elle lui donnera trois enfants.

Mais, il était dit que Poivre reverrait l’Extrême-Orient. Il est nommé Commissaire Général de la Marine à Port Louis de Maurice et Intendant des îles de l’Océan Indien.
Il arme deux navires et ramène à nouveau des plants d’arbres à épices sur l’Ile de France et y développe le fameux « jardin des Pamplemousses« , qui sera centre d’acclimatation et de production de ces épices. Les Mauriciens montrent encore aujourd’hui avec orgueil cette réalisation de « l’Intendant français des Mascareignes ».

C’est en 1773 que Poivre rentre en France et y meurt le 6 janvier 1786.

Poivre, au nom si prédestiné, avait pour devise:
« Les obstacles déconcertent les têtes faibles, mais elles animent les bons esprits ».

Mona bu, avec Lépicurien, à la mémoire de ce bienfaiteur une bouteille de Syrah aux arômes si poivrées.

PS : pour en savoir plus sur Pierre Poivre, je vous recommande le livre de Daniel Vaxelaire : « Les chasseurs d’épices » (Petite Bibliothèque Payot)


[1] Le Tonkin est la partie septentrionale du Viêt Nam
[2]
La Cochinchine était la partie méridionale du Viêt Nam
[3] De nos jours : Jakarta, capitale de l’Indonésie
[4] Aujourd’hui île Maurice
[5] Groupe d’îles de l’océan Indien : l’île de la Réunion, l’île Maurice et ses dépendances.
[6] Cet arbre magnifique était au XVème et XVIème siècle considéré comme sacré par les Chinois et les Japonais dont ils entouraient les temples. Il est présent aujourd’hui dans beaucoup de nos villes, à Paris notamment : ses feuilles sont caduques et d’un très beau jaune d’or en automne justifiant, à elles seules, son surnom d’arbre aux écus d’or. L’extrait de concentré de feuilles de GINKGO BILOBA est un vasodilatateur des artères et des veines.

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