Vinaigre ou propos acides sur un produit peu à mère

La mère du vinaigre, visqueuse et gélatineuse, est une maladie de la fermentation En présence de mère, le vin subit une fermentation partielle ou imparfaite. On obtient un mélange de vin piqué et de vinaigre incomplet.

vinaigrierLa transformation de l’alcool en acide acétique se fait dans des récipients partiellement pleins et sous un voile de mycoderma aceti. La température idéale est de 30°C. Le processus naturel et complet demande de 3 à 5 semaines. Le vinaigre industriel est obtenu par une hyper-oxydation et fermentation ultra rapide. Le vinaigre ainsi produit en deux ou trois jours est presque totalement débarrassé de ses arômes et substances sapides. Si besoin est, on l’aromatisera au dernier moment (échalotes, estragon, etc.).
Lorsqu’un vinaigrier est bien lancé, on prélève délicatement ce que l’on doit et on remplace le vide ainsi créé par la partie aliquote de vin.  Ce complément est fait le plus méticuleusement possible. Dans trois ou quatre semaines on pourra à nouveau prélever sa dîme toujours sans perturber le voile de surface.

« On n’attrape pas les mouches avec du vinaigre ! »  Rien n’est moins sûr : certains gobe-mouches l’utilisent comme appât. La drosophile en est friande. Les vinaigriers domestiques sont parfois contaminés par des animalcules amusants à regarder gigoter :  les anguillules.

L’art culinaire a besoin de l’aigre, de l’acerbe comme contrepoids, contrepoint des saveurs douces ou des consistances fades. « Le trait de vinaigre est comme un petit cri poussé sous la passion, l’émotion; il doit s’exprimer sans pour autant couper le souffle.  » L’amateur de vin est souvent un amateur de vinaigre qui s’ignore. Naturellement vin et vinaigre s’excluent l’un l’autre.Une vinaigrette peut supporter un gros plant du pays nantais, certains rosés septentrionaux. … ce ne sont que pis-aller. Le mieux est de le remplacer par quelques gouttes de vinaigre balsamique de Modène (le vrai est rare et cher -la fiole de quelques centilitres vaut le prix d’un Grand Cru Classé- mais s’utilise à dose homéopathique). Le vinaigre de Banyuls fait merveille sur les viandes. Un vinaigre de Sauternes, qui circule sous le manteau, développe des notes florales et d’abricots secs. Coté exotique, à partir du Vesou ( » vin  » issu de la fermentation du jus de canne à sucre) on tire un vinaigre très subtil et très doux. Ah ! Les gambas poêlées aux ananas avec un jet de vinaigre de Vesou !

A l’origine, le vinaigre était fait à partir de toute boisson alcoolisée, surtout la bière et le vin. C’était le désinfectant des légionnaires. L’eau ainsi acidulée était plus rafraîchissante et c’est par compassion et non par « sadisme » que le légionnaire humecte les lèvres du Christ au Golgotha.
Au Moyen Age, à table c’est un produit de luxe complémentaire du verjus (le jus de raisin vert très acide qui sert à conserver les viandes et relever les plats). Le grand Taillevent l’utilise souvent en mélange.

Le XVIII° siècle est l’âge d’or du vinaigre en France et tout particulièrement à Orléans. A l’époque, le vinaigre est aromatisé à tout-va : truffe, anis, oseille, mûre, muscat, aux six simples, ciboulette, framboise, etc.

paris-maille-aussenLes meilleurs produits sont à des fins culinaires, les autres, majoritaires, servent à l’élaboration de « vinaigre de toilette » dont il existe une centaine de variantes parfumées. On se lave peu, mais on se frictionne beaucoup avec ce type de produit » hygiénique et odorant « aux vertus médicinales et désinfectantes. Le sieur Antoine MAILLE, établi à Marseille, est un spécialiste de ces vinaigres d’apothicaires. Le vinaigre des quatre voleurs est très demandé. Lors de la grande peste à Marseille en 1720, des malandrins dévalisaient les malades et détroussaient les cadavres sans contracter le fléau. Capturés, ils échangèrent leur grâce contre le nom du fournisseur de vinaigre dont ils s’aspergeaient avant de commettre leurs forfaits… C’est le début de l’aventure pour Maille qui s’implante à Paris et deviendra le fournisseur du Roi.

Si les vinaigres d’asepsie firent la renommée du sieur MAILLE, c’est une de ses préparations confidentielles qui lui assura la fortune : il connaissait les capacités conjuguées de l’acidité et des tanins à provoquer la crispation et la constriction des muscles et muqueuses. Une clientèle de jeunes bourgeoises, de filles de grands du royaume lui achetait à prix d’or un vinaigre très particulier. Curieusement, c’est souvent quelques temps avant leur mariage que ces demoiselles venaient s’approvisionner en « vinaigre de virginité« . S’il ne raccommodait pas la chose, du moins, temporairement, en donnait-il l’illusion.

Le mariage, hymen à tout !!!