Adeptes de Fidèle Gastro

Je m’entraîne pour rejoindre cette belle Société

A toutes époques, des personnages excentriques se sont réunis en France pour défendre ou honorer des causes soit indéfendables soit amusantes.

Ainsi, au XVIIIe siècle, fut fondée à Caen, la «Société des Francs-Péteurs». C’était une réunion d’hommes d’esprit, adversaires de l’intolérance religieuse, des privilèges nobiliaires et des exigences de l’étiquette.

Etant vilipendés par les bien pensants de tout poil, ils publièrent en 1743 un texte qui explique leur fonctionnement.
J’ai retenu la cérémonie d’intronisation des nouveaux admis qui ne manquent pas d’air en intégrant la docte association :

On introduit le Candidat dans le vestibule de la salle d’assemblée où le Directeur, accompagné des deux observateurs, vient lui demander ce qu’il souhaite. Comme il répond ordinairement qu’il désire entrer dans la Société des Francs-Péteurs, on l’introduit dans l’appartement où on le place sur un siège travaillé à jour. Aussitôt on ferme les fenêtres fort exactement, et on ne laisse qu’une bougie allumée sur la table. Tous les confrères, placés en demi-cercle, entourent le candidat qui est au centre de l’assemblée; puis, au signal du Directeur, qui agit toujours le premier, ils font une brusque décharge de Zéphyr-Artillerie, dont les murs percés, de distance en distance, multiplient et grossissent le fracas. Si le nouveau Frère n’est point effrayé, on pense favorablement sur son compte, et on exige de lui, sans plus attendre, trois Pets clairs, sonores et sans odeur; car les deux Observateurs, qui sont pour lors en embuscade, ne laissent pas échapper le plus petit corpuscule, et jugent toujours sainement de la qualité du Pet.
A cette dernière épreuve succède le discours du Directeur qui est un exposé des obligations et des prérogatives d’un Franc-Péteur; après quoi tous les Confrères s’étant réunis pour consentir à la réception, le Candidat prononce à peu près cette formule:

« Tenant à grand honneur d’entrer dans la Société des Francs-Péteurs, je voue une constante soumission au Directeur de la Société et amitié à tous les Confrères. Je promets qu’ennemi déclaré du préjugé, je le combattrai partout, en pétant librement, souvent et méthodiquement, me gardant toutefois de commettre aucune incongruité qui pourrait nuire au public et déshonorer la Société. « 

Après ces paroles, prononcées à haute voix, les Confrères se succédant ou s’accordant, selon la mesure, composent le concert pétifique pendant lequel le Candidat va embrasser le Directeur, les Officiers et tous les autres selon leur rang.

La Révolution aura raison de cette Société qui s’évapora dès 1789.

Ma Chère Mona, je dois vous avouer que je suis admiratif de ces Caenais. Ils méritent notre res-pet. Je sais que vous aimez le Riesling. Aussi ce sera un plaisir de vous voir déguster ce grand vin : Le Riesling Sommerberg 2000 du Domaine Boxler. Ce domaine Alsacien produit des vins magnifiques. Cette bouteille est tout simplement envoutante.

Il faut Luther pour manger

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Révocation de l'Edit de Nantes

Les dragons du roi étaient réputés avoir fort appétit. Aussi, on envoyait un nombre supérieur aux capacités d’accueil chez les protestants récalcitrants.

Louis Lacour, historien du XIX° siècle a retrouvé dans les archives le récit d’une dragonnade[1] qui eut lieu à Caen en 1685.

Après avoir recensé les Réformés, un régiment du roi entra dans la ville de Caen et on envoya aux récalcitrants le double de soldats qu’ils pouvaient loger. Mais certains s’étaient méfiés et avaient émigré. Ainsi un nommé Michel Néel, sieur de la Bouillonière pressentant qu’on allait lui imposer le logement des officiers du régiment, avait vendu ses meubles, fermé son hôtel particulier et était passé en Angleterre. Le Prévost et le lieutenant s’installèrent donc dans une auberge voisine sise rue des Teinturiers et dont l’enseigne disait « A l’Aigle d’Or, Catherine Drouart, loge à pied et à cheval ». Ils produisirent un billet indiquant qu’ils devaient loger chez le sieur de la Bouillonière, et que « en cas que la maison ne soit ouverte, ils logeront à l’Aigle d’Or aux frais dudit sieur ». La veuve Drouart crut sa fortune venue. Entre le 19 Novembre 1685 et le 5 Avril 1686, les deux hommes consommèrent pour 1110 livres de nourriture, gîte et couvert, somme énorme pour l’époque. La veuve ne fut jamais réglée, et ayant gardé tous les billets de logement des deux hommes, elle écrivit au ministre Monsieur de Chateauneuf demandant le règlement, s’estimant « réduite faute de ce payement à l’indigence ». On ne sait si elle fut réglée, mais il nous reste la liste précise de ce que ces deux officiers royaux avaient consommé.

dragonnades-copie-11Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ces deux lascars avaient bon appétit et ne s’étaient pas privés : ainsi le lundi 20 novembre, ils mangèrent à dîner : cinq quartes de vin, un pain, une soupe et un chapon, du boeuf et du mouton, une gélinotte et une douzaine d’alouettes, une fricassée de poulets, une salade de champignons, douze noix confites, deux douzaines de biscuits et de macarons, une assiette de poires et de sucre, ainsi que deux fagots et une bûche et un jeu de cartes ! Le mardi 21 Novembre 1685, ils consommèrent trois pots de vin, un pain, une poularde et trois perdrix, une douzaine d’alouettes et trois pluviers, une salade, une tourte, douze biscuits, une assiette de poires et de sucre, deux assiettes de cerises et de verjus. Le samedi 25 Novembre, ce fut à souper deux pots de vin, un pain, deux merlans, un plat d’oeufs au lait, un plat d’oeufs à la tripe, une salade de céleri et de chicorée, douze noix confites, des cerises et du verjus, des poires, des marrons et du sucre. Parfois, ils rajoutaient du vin d’Espagne, des bécassines, des épaules de mouton, etc… Seul le Carême limita un peu leur appétit pantagruélique.

L’analyse de ces repas laisse pantois. On peut penser que nos deux sbires n’ont pas pu manger tout ce qui a été facturé, bien que l’appétit des dragons fut réputé. Il est peu vraisemblable que la veuve ait falsifié ses factures face aux officiers royaux. Mais nos deux officiers, vivant aux frais du dragonné, ont sûrement largement tenu table ouverte et régalé la galerie.

Mona plus faim du tout


[1] Nom donné aux persécutions dirigées contre les communautés protestantes parce qu’on y employait les dragons de la couronne pour les convertir par la force.