L’ivre de cave

A chaque fois qu’il vous voit, il vous parle de sa cave. Cà pour en parler, il en parle ! Des centaines de bouteilles, un jour il vous la montrera. Au fil du temps, vous avez fini par croire que c’était l’Arlésienne, cette fameuse cave… et pourtant un jour, il vous la montre : c’est une cave bien aménagée avec ses flacons bien rangés, bien classés, bien au frais. Au mur, un thermomètre –hygromètre ; sur une tablette, un livre de cave à l’ancienne veille sur des Morgons des années cinquante. Des petits Bordeaux, des Entre Deux Mers des années soixante. Graves et Médocs cohabitent avec blancs et rosés d’Arbois. Le représentant d’Henri Maire a du sévir en son temps. D’ailleurs quelques bouteilles de « vin fou » sont allongées à coté de Champagne poussiéreux. Par ci par là, quelques étiquettes prestigieuses arborent des millésimes lointains et peu cotés. Seuls de petits vins inaptes au vieillissement sont d’années prestigieuses. Les bouteilles entrent dans ce lieu, mais en ressortent rarement. C’est une cave à sens unique. Ne croyez pas qu’il soit radin ; les mets les plus recherchés sont à sa table, mais truffes, foies gras et langoustes n’auront pour compagnons qu’un cortège de fantômes : vins fanés, usés, vieillardés dans d’obscurs millésimes. Les « grandes bouteilles », il les garde pour les « grandes occasions « . Le drame, c’est que l’occasion n’est jamais assez grande. Mariages, baptêmes, anniversaires, réveillons ont vu eux aussi le même défilé de gloires déchues, de flacons décrépis, obsolètes. Le grand frisson de l’harmonie gustative est toujours remis sine die. Un jour, il mourra, c’est à tous notre triste lot. Or jamais, on ne vit de casiers à roulette accrochés derrière un corbillard. Alors ses enfants hériteront de vins rouges décatis, de Grands Crus cassés, de blancs oxydés, de Champagne éventés. On ne sauvera du naufrage que quelques rares liquoreux, vins jaunes et alcools. Le collectionneur ne sait pas que l’on est riche que des bouteilles que l’on a bues. Il ne sait pas reconnaître l’instant où il est bon de jouir de la vie. Nous en connaissons tous au moins un. C’est le « mateur » de vin, « l’amasseur » de vin.
Il possède une cave comme un eunuque possèderait un harem.

Moi, ma chère Mona, pas de risque : je bois du vin jeune. Et plus çà va, moins j’attends. Comme dit Philippe Bouvard : « j’ai compris que j’avançais en âge en ouvrant mes grands Bordeaux de plus en plus tôt ». En parlant de jeunesse, buvons ce Château Baulos-Charmes 2006. Un Pessac Léognan gourmand. Encore une que les Prussiens n’auront pas !

Citations

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Rien de tel que de lire quelques citations sur le vin… surtout si l’on est à la plage : çà rafraîchit.

  1. Je lègue ma cave à ma femme sous réserve qu’elle se remarie. Après ma mort, un autre que moi connaîtra l’Enfer et le Paradis sur terre.
    Paul Scaron
  2. – Monsieur, si j’étais votre épouse, je mettrais du poison dans votre vin !
    – Madame, si j’étais votre mari, je le boirais.
    W. Churchill
  3. De la naissance à la mort, la route est bien courte. Je la prolonge en zigzagant.
    Claude Aveline
  4. Qui sait déguster ne boit plus jamais de vin mais goûte des secrets.
    Salvador Dali
  5. Boire du vin, c’est boire du génie.
    Charles Baudelaire
  6. L’appétit vient en mangeant, la soif disparaît en buvant.
    François Rabelais
  7. Les bons crus font les bonnes cuites.
    Pierre Dac
  8. Une belle femme et le vin font de doux poisons.
    Proverbe Oriental
  9. La pénicilline guérit les humains ; le vin les rend heureux.
    Sir Alexander Fleming

Mona doucie par les vers et les verres

La cave de Monsieur Labiche

lourcine-affichePendant le siège de Paris en 1870, Eugène Labiche dut abandonner sa maison. Seul son jardinier resta sur place pour éviter le pillage …
Mais, à son retour, il constata que sa cave était entièrement vide.

Le jardinier lui expliqua que les Prussiens avaient bu l’essentiel de ses flacons. Et il ajouta fièrement : « Mais rassurez vous, Monsieur, j’ai pris largement mon compte. Et à chaque bouteille ouverte, je me disais : ce sera çà de sauvé pour Monsieur Labiche« .

Cà ne cerf à rien de s’énerver, Monsieur Labiche.

En 1857, Eugène Labiche avait écrit « L’Affaire de la rue de Lourcine » : une pièce dans laquelle le bourgeois Lenglumé se réveille un beau matin avec un inconnu dans son lit, une « épouvantable gueule de bois » et le soupçon d’être mêlé à un crime.

Comme qui dirait : pris en flagrant débit.

Gueule de bois : un mot que les auteurs d’aujourd’hui banissent de leurs textes. Consensus mou oblige.