Nuit de noces au bord d’elle…

Au soir des noces du Duc de Berry, futur Louis XVI, avec Marie-Antoinette, le Roi Louis XV retint Monsieur de la Vauguyon, précepteur des enfants de France. Ce dernier avait en charge trois garçons : outre le Duc de Berry, il officiait auprès du Comte de Provence, futur Louis XVIII, et du Comte d’Artois, futur Charles X. Mais une partie importante de sa mission s’éteignait avec ce mariage princier.

Louis XV félicita le précepteur pour l’éducation donnée aux jeunes princes et fit un point sur les divers centres d’intérêt du futur Roi.

Puis, il lui demanda si le jeune marié savait ce qu’il devrait faire dans la chambre nuptiale. Le précepteur, gêné, rappela que ce cours n’était pas prévu dans le programme.

Louis XV informa qu’au moment de son mariage, lui-même n’avait aucune connaissance sur le sujet et confia à de la Vauguyon qu’au moment de rentrer dans la chambre, il avait traversé lentement un long couloir parsemé de petits tableaux qu’il avait pu admirer :

—Vous comprenez ?
— Non, sire.
— Comment dirai-je cela? Des scènes champêtres.
— Dans le genre des tableaux de Teniers, alors…
— Mieux que cela, primitives.
— Primitives?
— Naturelles… Je crois que j’ai enfin trouvé le mot ; vous comprenez, cette fois ?
— Comment! s’écria M. de la Vauguyon rougissant, on osa présenter à Votre Majesté?…
— Et qui vous parle de me présenter quelque chose, duc?
— Mais pour que Votre Majesté pût voir…
— Il fallait que Ma Majesté regardât ; voilà tout.
— Eh bien?
— Eh bien, j’ai regardé.
— Et…?
— Et comme l’homme est essentiellement imitateur… j’ai imité.
— Certainement, Sire, le moyen est ingénieux, certain excellent, quoique dangereux pour un jeune homme.
Le roi regarda le duc de la Vauguyon avec ce sourire que l’on eût appelé cynique s’il n’eût glissé sur la bouche la plus spirituelle du monde.
— Laissons le danger pour aujourd’hui, dit-il, et revenons à ce qui nous reste à faire.
— Ah!
— Le savez-vous?
— Non, Sire, et Votre Majesté me rendra bien heureux en me l’apprenant.
— Eh bien, le voici : vous allez aller trouver Monsieur le Dauphin.
— Oui, sire.
— Vous vous munirez d’un bougeoir, et vous le prendrez à part.
— Oui, Sire.
— Vous indiquerez à votre élève, — le roi appuya sur les deux mots, — vous indiquerez à votre élève que sa chambre est située au bout du corridor.
— Je veux bien vous dire, à vous, monsieur le duc, continua le roi, que cette galerie renferme une vingtaine de tableaux que j’ai fait placer là.
— Ah! Sire, oui, oui.
— Oui, monsieur le duc; vous embrasserez votre élève, vous lui ouvrirez la porte du corridor, vous lui mettrez le bougeoir à la main, vous lui souhaiterez le bonsoir, et vous lui direz qu’il doit mettre vingt minutes à gagner la porte de sa chambre, une minute par tableau.
— Ah! Sire, je comprends.
— C’est heureux. Bonsoir, Monsieur de la Vauguyon.

Ce que Louis XV ne pouvait imaginer, c’est qu’il faudrait sept ans au Dauphin pour arriver à ses fins.

Mona pas eu besoin d’images ou de sept années. Et vous ?