Céliberté

Mona et Fontenelle : deux coeurs à prendre

Hormis ceux qui ont conservé leur Lagarde et Michard, peu d’entre nous seraient à même de citer trois œuvres de Fontenelle. Cet écrivain que nous avons déjà croisé sur ce blog, vécut 100 ans. Il ne manquait pas d’humour. J’en veux pour preuve cette jolie prière :

Ô mon Dieu, faites-moi la grâce de ne jamais me marier !

Ô mon Dieu, si je me marie, faites-moi la grâce de n’être pas cocu !

Ô mon Dieu, si je suis cocu, faites-moi la grâce de ne pas en être informé !

Ô mon Dieu, si j’en suis informé, faites-moi la grâce de ne pas le croire !

Ô mon Dieu, si je le crois, faites-moi la grâce de m’en moquer !

Ce qui ne l’empêcha pas de dire à la fin de sa longue vie de célibataire : « Il me manqua d’aimer« .

Allez Mona, buvons un coup à votre célibat qui dure ! Mais non, mon petit, on ne dit pas d’un vin que sa robe est jaune cocu, on dit plutôt paille ou or. Bien justement Mona, je vous invite à boire un vin blanc : un Aligoté 2007 de Bruno Clair. Ce vin bourguignon au nez de fleurs blanches et d’agrumes tapisse le palais d’une jolie fraîcheur.

Asperge, je vous propose la botte…

Elle nous viendrait des Romains, peut-être même depuis la lointaine Egypte. Rabelais en fait consommer à Panurge et  la cuisine de la Renaissance la met en vedette.

La blanche est de production artisanale et ne doit jamais voir le soleil. La violette tient ses reflets mauves d’avoir vu le jour. La verte pousse à l’air libre et est colorée de haut en bas.
Sont-ce ses effets, sa forme qui ont incité Madame de Maintenon à dire d’elle : « C’est la première invitation à l’amour « .

Il faut dire que ce légume avait la réputation d’être si émoustillante qu’on la déconseillait formellement aux pucelles, comme en témoigne la confession timide d’une héroïne du Roman bourgeois de Furetière (1666) :

« Si quelqu’une de nous eût mangé des asperges, on l’aurait montrée du doigt ; mais aujourd’hui, les jeunes filles sont plus effrontées que des pages de Cour ! ».

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Nu de François Boucher

Quant à la Pompadour, souhaitant étonner son royal amant qui lui reprochait d’être « froide comme une macreuse », elle cherchait la recette idéale pour assouvir les besoins de Louis XV. On peut en juger en lisant cette lettre insolite adressée à sa belle-sœur, Madame de Baschi :
« Le marquis de R., comme vous le savez, n’est pas très délicat dans ses goûts ; il aurait, hier, passé la soirée avec une comédienne, et, sur la fin du souper, étant tous les deux pleins de… charmes, le marquis n’a trouvé rien de mieux que de faire déshabiller sa Vénus, et, ayant préparé une sauce pour asperges, l’aurait placée dans un endroit que je ne puis nommer, (…) et, là, se serait mis à manger des asperges trempées dans cet endroit. Il y a trouvé du plaisir. Qu’en dites-vous ? Je vous attends pour votre réponse. Je ne puis m’empêcher de rire de cet original plaisir. »
Cette lettre qui circula largement à la Cour, fit que l’on donna à une recette, le nom d' »asperges à la Pompadour« .

A l’huile, au beurre, en sauce mousseline, chaque français en consomme presque 1 kg par an. Goûteuse, pauvre en calories et riche en sels minéraux, elle a tout pour accompagner un petit régime de printemps. De plus, l’asperge participe efficacement aux fonctions d’élimination de l’organisme : ses fibres aident au bon fonctionnement intestinal et ses composés diurétiques facilitent le travail rénal. Ne soyons pas égoïstes : chats et chiens se délecteront des parties que nous aurons dédaignées.

Fontenelle 1657 - 1757
Fontenelle 1657 - 1757

On raconte que Fontenelle adorait les asperges à l’huile, alors que son invité du jour les préfère au beurre. Il donna l’ordre que l’on les prépara pour moitié des deux façons. Son hôte étant pris d’une attaque, malgré son grand âge il se précipita en cuisine en hurlant:  » Tout à l’huile maintenant, tout à l’huile ! « .

Cà refroidit, si j’ose dire!!
Il faut dire que Fontennelle avait la réputation de penser d’abord à son confort. Claudine Alexandrine Guérin de Tencin, baronne de Saint-Martin de l’Isle de Ré (et mère de d’Alembert) qui fut l’amie de Fontennelle, lui disait en pointant le doigt sur sa poitrine : « Ce n’est pas un cœur que vous avez là ; c’est de la cervelle, comme dans la tête« .

A condition d’éviter la vinaigrette, dégustez l’asperge avec un sancerre, un vin de pays de viognier, un Chenin du Val de Loire, une muscadelle du Sud-Ouest, et bien sûr, accord « parfait » avec un muscat sec d’Alsace ou du Languedoc.