Tout ça bourse çà

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Dans les Essais, Montagne rapporte la rencontre curieuse qu’il fit en Champagne-Ardenne :

Passant à Vitry le François je peux voir un homme que l’Evêque de Soissons avait nommé Germain en confirmation, lequel tous les habitants de là ont connu, et vu fille, jusqu’ à l’âge de vingt-deux ans, nommée Marie. Il était à cette heure là fort barbu et vieux, et point marié. Faisant, dit-il, quelque effort en sautant, ses membres virils se produisirent ; est encore en usage entre les filles de là, une chanson, par laquelle elles se préviennent de ne point faire de grandes enjambées, de peur de devenir garçons, comme Marie-Germain.

Pour bien comprendre ce qui est dit, il faut se rappeler qu’en ce XVIe siècle, on s’appuie toujours sur la science du médecin Gallien. Ce dernier considérait que seul l’homme était un être abouti. Il faut dire que la Genèse affirmait que l’homme avait été créé à l’image de Dieu et que la femme n’était qu’issu d’un des os surnuméraires de l’homme. Donc Claude Galien pensait qu’en retournant vers l’extérieur les organes de la femme, on retrouverait les organes virils. Donc une femme qui ferait des gestes tels grandes enjambées, sauts…, pourrait voir ses organes sortir et prendre forme virile.

Pendant plus de mille ans, la femme fut déconsidérée et entravée dans son activité. En fait, le pauvre Marie-Germain était surement un hermaphrodite. Mais, alors que la dissection était interdite par les autorités religieuses, il était facile de laisser les gens dans l’ignorance.

Bon Mona, aujourd’hui on sait bien que l’homme et la femme sont deux êtres aboutis et qui peuvent boire un coup. Aujourd’hui, je vous propose un vin blanc de Sancerre 2010 du domaine Reverdy. Un joli vin aromatique et équilibré.

Gardez belle mine même sans aller au pieu

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Dans son courrier, Jean Filmonslype me confie avoir du mal à maîtriser Popaul qui a tendance à se mettre au beau fixe au plus petit jupon qui passe à ses cotés. Et le petit chou, ça le gêne d’avoir l’Eminence gonflé comme un capot d’Aston Martin. Avoir la baïonnette au slibard, ça lui fait perdre tous ses moyens. Il en rougit comme une jeune fille boutonneuse rentrant par erreur dans une pissotière à six places pleine à craquer. Ce pauv’ Jeannot me demande comment contrôler son antenne télescopique ou si vous préférez, calmer son général massue.

Jean, vous êtes jeune, en pleine forme. Il est normal que votre couleuvre de calbar se sente des fois à l’étroit et cherche une porte de sortie. Tous les hommes, hormis ceux qui ont des difficultés d’allumage  récurrentes au niveau braguette, peuvent avoir ce genre de désagrément à savoir se balader avec un chapiteau style Bouglione sur le futal. Vous savez que j’aime relire Montaigne. Dans les essais, il parle de tout y compris de l’appendice queutal.

On a raison de remarquer l’indocile liberté de ce membre qui se manifeste de façon si inopportune lorsque nous n’en avons que faire, et défaillant de façon tout aussi inopportune lorsque nous en avons le plus grand besoin, contestant si impérieusement l’autorité de notre volonté, et refusant avec tant de fierté et d’obstination nos sollicitations mentales et manuelles.
Si toutefois j’avais été payé pour plaider sa cause, quand on réprimande sa rébellion et qu’on en tire une preuve pour le condamner, je jetterais peut-être la suspicion sur nos autres membres, ses compagnons, d’avoir cherché à lui faire, par jalousie envers l’importance  et la douceur de son usage, cette querelle préméditée, et d’avoir comploté pour armer le monde à son encontre, imputant méchamment à lui seul leur faute commune. Car je vous le demande, y a-t-il une seule partie de notre corps qui ne refuse pas souvent d’obéir à notre volonté, et qui souvent même s’exerce contre elle ? Elles ont chacune des passions qui leur sont propres, qui les éveillent et les endorment sans notre permission. Combien de fois les mouvements involontaires de notre visage ne viennent-ils pas révéler les pensées que nous tenions secrètes, nous trahissant ainsi à l’assistance ?
La cause qui anime ce membre, c’est la même qui, à notre insu, anime notre cœur, nos poumons, notre pouls, la vue d’un objet agréable répandant insensiblement en nous la flamme d’une émotion fiévreuse. N’y a-t-il que ces muscles et ces veines qui s’élèvent et s’abaissent sans l’accord, non seulement de notre volonté, mais même de notre pensée ? Nous ne commandons pas à nos cheveux de se hérisser, non plus qu’à notre peau de frémir de désir ou de crainte.
Notre main se porte bien souvent là où ne l’avons pas envoyée. La langue s’engourdit et la parole se fige à sa guise. Même lorsque nous n’avons pas de quoi faire une friture, et que nous le leur défendrions volontiers, l’appétit et la soif ne manquent pas d’exciter les parties qui leur sont sujettes, ni plus ni moins que cet autre appétit, qui d’ailleurs nous abandonne aussi hors de propos et quand bon lui semble.

Les organes qui servent à décharger le ventre ont leurs propres dilatations et compressions, qui se moquent de notre avis et même s’y opposent, comme ceux qui servent à vider nos glandes. Pour montrer la puissance de notre volonté, saint Augustin prétend avoir vu quelqu’un qui commandait à son derrière autant de pets qu’il en voulait. Vivès renchérit d’un autre exemple de son temps, dans lequel les pets étaient organisés suivant le ton des vers qu’on déclamait. Mais tout cela ne suppose pourtant pas la plus parfaite obéissance de cet organe.
En est-il en effet de plus ordinairement indiscret et désordonné ? Ajoutons à cela que j’en connais un si turbulent et si revêche qu’il y a quarante ans qu’il oblige son maître à péter constamment et sans interruption, et le conduit ainsi vers la mort. Plût à Dieu que je n’eusse appris que par les histoires, combien de fois notre ventre, par le refus d’un seul pet, nous conduit jusqu’aux portes mêmes d’une mort pleine d’angoisse.

Hé ben, Michou, j’aurais jamais pensé trouver un tel texte. Quelle liberté de ton : ça agace surement les pimbêches serrées du fion, les mémères à bigoudis et rosières en fleurs qui ne savent pas éteindre de tels incendies. Chapeau ! On ne feuillette jamais assez les Essais, mon petit Jean Filmonslype.

Mona pas ce problème évidemment !

Hymen à tout

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Montaigne est un génie. Alors qu’à son époque, on tentait d’expliquer tout par intervention divine, maline ou magique, il affirme que des dérèglements peuvent être d’origine psychologique (même si cette science humaine n’existait pas), ce qui, en ce temps là, était révolutionnaire. Mais le problème, c’est que lire les essais dans le texte original, c’est aussi ardu que vouloir chasser un lion avec un tape-mouches. Le vieux françaois est une langue qu’il faut lire avec un dictionnaire à ses cotés, et encore !

Aussi, pour que vous puissiez vous intéresser à ces belles pages, j’ai décidé de vous traduire, expliquer et commenter une page des Essais. Ce lien vous amènera à la page originale. Etant donné la longueur du texte, je vous propose de diviser en deux articles.

Demain Mona vous rendra sa copie ; aujourd’hui, je vous raconte le mariage d’un ami de Montaigne.

Donc Michou se rend au mariage d’un de ses potes. La nana pour qui ce dernier se passa la corde au cou avait eu un Jules jaloux comme un pou et qui ne se voyait pas tenir la chandelle sans lui rendre la monnaie de sa pièce. L’entourage du bagousé lui fila le traczire à force de le bassiner avec des histoires de sorcellerie. Il raconta à Montaigne qu’il était certain que le type avait embauché une meuf à balai et qu’elle passait son temps à clouer des épingles sur une poupée de cire pour lui réformer sa braguette. Il risquait d’avoir son os à moelle aussi flasque qu’une chique mexicaine. A cette époque, on parlait de « Nouer l’aiguillette». C’était une opération de sorcellerie qui prétendait rendre quelqu’un impuissant. Joli mot, vous en conviendrez, mais pas chouette quand même !
Et bien entendu ce qui devait arriver arriva. Le mec essaya d’entreprendre sa punaise de pageot et sa couleuvre resta aussi grosse et dure qu’un asticot vautré dans un camembert coulant.

Heureusement, à cette époque, au milieu de la nuit de noce, on amenait aux jeunes mariés un réveillon. En effet, pensant qu’ils avaient besoin d’un remontant pour continuer leur parties de galipettes, on leur donnait un petit en-cas et un verre de vin chaud fortement épicé. Le sang bleu profite de l’intermède pour glisser à l’oreille de Montaigne qu’en fait de feu d’artifesse, il n’a toujours pas réussi à allumer sa mèche.

L’essayiste lui dit d’essayer (logique, non ?) sa robe de chambre et lui tendit un plat en or sur lequel il y avait des signes astrologiques. Puis il lui remit un ruban qu’on passait autour du cou quand on avait une casquette de plomb. Le mode d’emploi était le suivant : au cagoinces en robe de chambre, changer l’eau des poissons et se serrer les rognons avec le ruban en posant le plateau devant soi puis lâcher une incantation trois fois de suite (dont Montaigne n’a pas laissé le texte. Dommage mes petits bouchons). Puis retour vers la chambrée, jeter la robe de chambre sur le pucier de façon à ce qu’elle recouvre les deux tourtereaux. Garder le ruban autour des valseuses et rejoindre maman dans le pieu et lui jouer la flute enchantée en deux actes avec la baguette aussi ferme que celle de Karajan conduisant la Cinquième de Bitoven.

Le lendemain matin, le Comte retrouva Montaigne. Il avait les traits tirés (comme une jeune mariée) ; on lisait sur son faciès une extrême fatigue. Il raconta qu’il avait retrouvé son porte-manteau dressé au dessus du ruban. Il rendit visite sans interruption à la penderie de Madame et lui fit un véritable festival de joyeuses. Certes, ce matin, il ne tenait plus debout mais la Comtesse, elle ne pouvait plus s’asseoir. Ah quelle nuit, ah quel pied ! Merci Michou.

Et Montaigne tire (encore ?) la conclusion de cette brusque métamorphose du service trois pièces de Monsieur :
Ces tours de singe accomplissent tout l’effet, notre imagination étant séduite au point de croire que ces étranges moyens procèdent nécessairement d’une science abstruse, c’est leur inanité même qui leur confère poids et considération.

Bon Mona, rendons Hommage à Montaigne qui fut Maire de Bordeaux. Je débouche un Saint-Emilion 2007 : Château L’Apolline. Comme dirait l’autre, il y a du vin.  

Les melons de Mona

Mona vous a aidé à choisir le bon melon. Elle me dit que vous fûtes nombreux à l’avoir remerciée : les trucs qu’elle vous a donnés vous ont permis de manger de bonnes cucurbitacées sucrées (oui, c’est du genre féminin)… Et, c’est tant mieux. Merci Mona. Vous êtes parfaite comme d’habitude…

Mais je ne peux oublier que ce fruit nous est arrivé d’Italie au XVI° siècle et qu’il eut un gros succès auprès des nobles et grands bourgeois. Il est déjà connu sous le nom de Cantaloup. Ce nom fait référence à résidence d’été des papes à Cantalupo où il était abondamment cultivé.

Henri IV, Montaigne, notamment se « goinfraient » de melon. Un médecin du roi rappelait pourtant que, si c’est un des fruits les plus délicieux de l’été, parce qu’il est humectant, rafraîchissant, et facile à digérer quand on en mange modérément. Par contre, l’excès en est dangereux : il produit des vents et des coliques, suivies quelquefois de dysenteries difficiles à guérir. Mangé avec un peu de sel ou de sucre, il est plus sain, surtout pour les estomacs délicats.

Fin XVIII° siècle, Bernardin de Saint-Pierre écrit un long ouvrage sur les fruits. Il y écrit sur la taille des fruits et s’émerveille de ce que Dame Nature a prévu des grosseurs de fruits. Il y en a beaucoup qui sont taillés pour la bouche de l’homme, comme les cerises et les prunes; d’autres pour sa main, comme les poires et les pommes; d’autres, beaucoup plus gros, comme les melons, sont divisés par côtes, et semblent destinés à être mangés en famille : il y en a même aux Indes, comme le jacque[1], et chez nous la citrouille, qu’on pourrait partager avec ses voisins. La nature paraît avoir suivi les mêmes proportions dans les diverses grosseurs des fruits destinés à nourrir l’homme, que dans la grandeur des feuilles qui devaient lui donner de l’ombre dans les pays chauds ; car elle y en a taillé pour abriter une seule personne, une famille entière, et tous les habitants du même hameau.

Cet été, on m’a dit que Mona avait été peu raisonnable et avait avalé tout cru des fruits un peu gros…. Allons Mona, soyez plus sage à l’avenir. .. Quant à vous, chers lecteurs, les photos vous inviteront à la prudence. Evitez d’avaler un melon entier… Cà fait des dégâts.

Un melon trop vitre ingéré par Mona
depuis, Mona est souffrante

En attendant, buvons un Causse Marines Préambulles. Cet effervescent, méthode ancestrale de Gaillac, est très aromatique et très rafraîchissant. Un Mauzac de très grande classe et sans aucun ajout… Chapeau Bas, Patrice…


[1] Fruit du jacquier : peut être consommé cru ou en confiture

Mémoires de Marc-Antoine Muret

Mise en page 1Quel plaisir de lire un livre d’une telle beauté. Gérard Oberlé qui m’avait déjà enchantée avec « Itinéraire Spiritueux » me revient avec un ouvrage qui, bien que d’une grande érudition, n’est pas pédant. On partage vite la vie de Marc-Antoine Muret. Cet humaniste fut le professeur de Montaigne, l’ami de Ronsard.
Epicurien et jouisseur, son attirance pour les garçons lui valut l’exil. Il se rendit au pays des arts et c’est Rome qui lui donna succès et gloire.

L’écriture est belle et chatoyante. Un livre à dévorer.

Pour vous mettre en appétit, un extrait d’un poème de Muret (traduit du latin par G. Oberlé) :


Profitons de nos meilleures années, tant que le destin le permet
Et que l’Amour occupe entièrement notre esprit.
Ces moments, le temps les emportera comme il emporte tout :
Vois-tu comme s’enfuient l’heure, le jour, le mois, l’année ?
Le nourrisson est maintenant un enfant,
Bientôt il sera adolescent, homme et puis vieillard.
Qui que tu sois, toi qui es jeune et ardent,
Vis sous l’emprise de Vénus,
Quand tes plus belles années seront passées, il sera trop tard !
Tu voudras te rattraper, mais tu ne le pourras plus.

M.A. Muret, Junvenilia, Elégies II

Mona pas autre chose à dire : foncez chez votre libraire.