Les Radeau médusés

Un peu avant minuit, ce 23 mai 1920, le garde-barrière Radeau fait sa tournée d’inspection sur les voies aux alentours de Montargis. Il va un peu plus loin qu’à l’habitude car des travaux sont en cours sur les voies. Soudain, un homme vêtu d’un pyjama, pieds nus, surgit de la pénombre. Il dit de loin : « Vous n’allez pas me croire, mais je suis le Président de la République. »

« Mais si, je vous crois, répondit le cheminot, d’ailleurs moi-même je suis le Pape« .

Radeau propose au détraqué de l’accompagner chez lui.  Arrivé, il réveille sa femme qui s’occupe du pauvre hère qui est marqué comme s’il était tombé. Elle lui débarbouille le visage et lui sert un café. Pendant ce temps, l’employé du rail part téléphoner et avertit les autorités qu’il a trouvé un pauvre bougre qui semble être tombé du train. Il ajoute, en rigolant, que ce dernier se prend pour le Président de la République.

Enfin, les Radeau montent se coucher tandis que leur hôte d’un soir s’assoit sur une chaise.

Après quelques minutes, Radeau redescend et propose à l’homme de partager leur lit :

On se serra, venez, ce sera plus confortable.

Sitôt dit, sitôt fait, Paul se joint au couple dans leur lit et s’endort comme un bébé.

Paul Deschanel au lit des Radeau

Le lendemain, la Compagnie a délégué un médecin pour ausculter l’accidenté.

Il reconnaît immédiatement Paul Deschanel, Président en exercice. Il téléphone au Préfet. Une heure plus tard, le Président quitte l’appartement de fonction des gardes-barrière. Ces derniers se confondent en excuse pour leur familiarité. Ils sont félicités par les autorités et Deschanel assure qu’il a passé une bonne nuit et les en remercie.

Interrogé par la presse, Radeau raconte son aventure et souligne qu’il a vu immédiatement qu’il avait à faire à quelqu’un de bien car « le Monsieur » avait les pieds propres.

L’état du Président ne va pas en s’arrangeant. On le trouva, par exemple, perché dans un arbre du parc de l’Elysée. Le 21 septembre 1920, il démissionna…

Après Félix Faure mort d’épectase, genre Drôle de Dame, l’Elysée connut un autre hôte  avec Paul Deschanel, genre Drôle de Tram.

Mona jamais traversé des channels…

Allez… lisez

Mona aime lire sur la tombe de Félix Faure

La scène se déroule au palais de l’Elysée, le 16 février 1899. Au sortir du conseil des ministres, Félix Faure se plaint à son chef de cabinet d’avoir ressenti, lors de son lever, une violente douleur à hauteur de la nuque. Puis il se rend dans son bureau où il reçoit, à la va vite, deux visiteurs venus plaider la cause de Dreyfus. Les entretiens terminés, il appelle un huissier et lui demande d’apporter un  « petit verre ». L’homme qui connait bien les habitudes du Président, présente rapidement un verre à base de quinquina, réputé pour ses vertus « vivifiantes » (si vous voyez ce que je veux dire).
Sitôt, la potion ingurgitée, Félix Faure s’éclipse dans le salon bleu…

Quelques instants plus tard, des cris bouleversent la quiétude de l’Elysée. Monsieur Le Gall, chef de cabinet, après quelques hésitations, ouvre la porte du salon pour répondre aux appels au secours. Il trouve le Président couché sur le tapis ayant pour tout vêtement un gilet de peau. Manifestement, il est mort. Et ses mains tétanisées sont emmêlées dans la chevelure d’une dame allongée en tenue d’Eve. Vite, vite, il faut agir. Vite, vite, elle doit partir… Pour dégager la belle, il faut  même lui couper des mèches de cheveux. Vite, vite, il faut s’habiller ! Avant de prévenir Madame Faure, qui habite le palais, il faut que la dame doit sortir du salon. Vite, vite, tellement vite qu’elle n’a pas le temps de remettre son corset à lacets. Elle enfile (si j’ose dire) un manteau et part précipitamment.

Madame Faure, prévenue, fait appeler le curé de la Madeleine. Celui accourt pour administrer les derniers sacrements. A la porte du salon, il demande à un huissier :
-« Monsieur Félix Faure a-t-il encore sa connaissance ? »
-« Oh, non, rassurez-vous, elle est partie …. »

Clémenceau qui fut journaliste, écrit :
« Faure est retourné au néant, il a dû se sentir chez lui. Il a voulu vivre César et il est mort Pompée. »

Pour conclure, une remarque :

Se retrouver mort nu devant son chef de cabinet, c’est un comble pour un Président connu pour son souci extrême de l’étiquette. Ainsi, il avait demandé à toutes ses connaissances de le vouvoyer à dater de son élection. Un des ses amis d’enfance lui aurait répondu :
-« Mais bien sûr, je comprends, Monsieur le Président, mais permettez-moi de vous tutoyer une dernière fois pour vous dire que je t’emmerde. »

Et une question :

Qui est cette belle qui fit mourir Félix Faure en épectase[1] ? Vous voulez le savoir, il faudra attendre demain…

D’ici là, ne nous laissons pas aller. Sans atteindre l’épectase, ma Chère Mona, ne boudons pas notre plaisir. Je vous sers un Château Latour Martillac 2007. Ce Pessac Léognan blanc est élégant et bien équilibré. Un grand vin


[1] Mourir durant l’acte sexuel