Bouche de goût

Nous avons eu l’occasion de vous parler dans ces lignes de Napoléon qui n’aimait pas rester à table. Il avait chargé Talleyrand des réceptions. On ne peut oublier qu’il avait demandé la même chose à Cambacérès. Les deux hommes se divisèrent les dîners officiels. Pour ce faire, Talleyrand s’appuyait sur un cuisinier hors-pair du nom de Carême.

La tombe du Marquis ?

Cambacérès, lui, faisait confiance à son officier de bouche, Monsieur d’Aigrefeuille. Ce dernier accompagnait partout son maître et de plus faisait office de «goûteur». Non que le Consul eût peur d’être empoisonné, mais il demandait à Aigrefeuille son avis sur un nouveau mets avant d’en manger. Célèbre gourmand, Monsieur d’Aigrefeuille était connu pour ses dons de bouche extraordinaires. Son art de découpeur était si consommé qu’il réussissait à cacher dans un coin du plat, sous les autres tranches, le morceau de son choix, pour le retrouver quand venait le moment pour lui de se servir.

Son aura était telle que Grimod de la Reynière, le célèbre amphitryon, lui dédia le premier exemplaire de son «Almanach des Gourmands». Il reçut également le titre très envié de «Roi des Gourmands».

Dans ses mémoires[1], la Baronne de Saint Estève, née de Vacharde peint le personnage :
«Le marquis d’Aigrefeuille, Chevalier de Malte, ancien procureur à la cour des aides de Montpellier, un gros homme de petite taille, vient de se faire faire une épée de prestige. Suspendue à son énorme ventre, celle-ci ressemble en fait à une broche !».

En 1814, juste avant la chute de l’Empire, le Marquis d’Arfeuille, fut congédié par Cambacérès. Il s’était aperçu que son protégé était un espion de Fouché, ministre de la police de l’Empereur. L’officier de bouche se retrouva rapidement sans ressources suffisantes pour continuer à faire bombance. Sa chute lui valut le couplet d’une chanson de rue :

 «  D’Aigrefeuille, de Monseigneur
Ne pouvant plus piquer l’assiette,
Pour en témoigner sa douleur
A mis un crêpe à sa fourchette »

 Mona, quand je lis des trucs comme çà, j’ai soif. J’ai les amygdales qui sèchent. Vite, ouvrez donc ce flacon qui va nous faire vibrer. Pour une libation, direction le Liban : Château Musar 2002 est un vin extraordinaire. Après un passage obligatoire en carafe, ce breuvage vous mènera vers un univers de plaisir.


[1] Bruits de Cour et Potins Mondains 1805 -1809

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