Loth de consolation

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Troisième et dernier jour du défi Sand. Qui va gagner ? Récemment, Victor a vidé ses vers et ses boyaux. Plus scato, difficile ! Je ne suis pas certaine que cela t’ouvre le droit à posséder le frifri de la George, mon pauv’ Totor. Faudra aller te consoler auprès de ta Juliette Drouet.
Alfred lui, il choisit le triquard, le genre film interdit au moins de 18 ans. Il en met et en rajoute ; de quoi faire baver la Berrichonne autant qu’un bouledogue devant une boucherie. Et il gagne haut la main. A lui, Aurore Dupin, baronne Dudevant. Youpi !
Je suis donc tenue de vous inviter à éloigner les enfants et les vierges (s’il en reste) de cet écran ; ce qui suit est hard.

Vous avez fini de vous A. Musset ?

À Alfred Tattet. 

Qu’il est doux d’être au monde, et quel bien que la vie !
Tu le disais ce soir par un beau jour d’été.
Tu le disais, ami, dans un site enchanté,
Sur le plus vert coteau de ta forêt chérie.

Nos chevaux, au soleil, foulaient l’herbe fleurie :
Et moi, silencieux, courant à ton côté,
Je laissais au hasard flotter ma rêverie ;
Mais dans le fond du cœur je me suis répété :

Oui, la vie est un bien, la joie est une ivresse ;
Il est doux d’en user sans crainte et sans soucis ;
Il est doux de fêter les dieux de la jeunesse,

 De couronner de fleurs son verre et sa maîtresse,
D’avoir vécu trente ans comme Dieu l’a permis,
Et, si jeunes encor, d’être de vieux amis.

Alfred de Musset a écrit ce poème en 1838.
Mais qui était donc Alfred Tattet ? Ce fut sans aucun doute le seul vrai ami du poète au milieu des noctambules, viveurs, noceurs, fêtards, coureurs de jupons qu’il fréquentait. Fils d’un agent de change, il brûla la vie par les deux bouts et décéda de la goutte à 46 ans.

Ce Tattet eut de nombreuses maîtresses dont Marie Pleyel, la femme-virtuose du roi du piano Camille Pleyel. Jaloux comme un pou sur la tête d’un chauve, il soupçonna Marie de le tromper. Qu’elle fasse cocu son mari avec lui, lui semblait naturel mais qu’elle trimbale son berlingot dans le pageot d’un autre, çà non !

Bien court Madame ?

Aussi, il décide de se venger. Avec l’aide se son ami Musset, il attire la belle dans une maison isolée à quelques encablures de la capitale. Et là, la Marie fut étendue sur un lit, attachée, bâillonnée et ses robes, jupons, cotillons et crinoline relevées. Elle s’attendait au pire. Ses yeux exorbités (si j’ose dire), ses tentatives de cris étouffés par le bâillon qui emplissait sa bouche (pourtant si habile à tailler les crayons), la pauvrette transpirait comme une Algéroise au sortir d’un hammam. Sentant sa dernière cuirasse s’effondrer : je veux parler de sa culotte dim-ding-dong dont l’élastique cassa comme la soupière de la grand-mère que votre femme vous lance à la figure. Marie fut effrayée en voyant sortir de la poche de son (ex) amant un rasoir tranchant comme celui d’une  portugaise. Non pas çà : ils ne vont pas me saigner comme une dinde qui mange des marrons glacés à la veille de Noël. Que nenni ! Mais Marie sentit la lame se promener sur un endroit précis que rigoureusement ma mère m’a défendu de nommer ici. Puis, les deux Alfred sortirent de la cire et en usèrent généreusement de telle sorte que Marie avait l’entrée de la crèche aussi déplumée qu’un poulet cou-nu du Forez.

Or si à notre époque, les femmes se font facilement ratiboiser la foufounette, au milieu du XIX° siècle, ce n’était pas au goût du jour et de la nuit. On imagine Marie, montrant son clavier sans aucune touche noire à Camille qui s’y connaissait un max en instrument. Même en expliquant que l’automne était précoce, que le vent l’avait surprise, elle eut du mal à ce que Camille lui rejoue la partition de son asperge d’édredon sur motte désertique.

Sacrés Alfred, ces deux potaches méritent que l’on teste un coup  de mousseux. Et ma petite Mona, que diriez-vous d’un Préambulles de Causse Marines. Ce vin explosif est un régal. Encore chapeau Patrice, un des vignerons rois de Gaillac ! 

Un mot…,pas cent

Il y a quelques jours, je vous présentais Alfred de Musset sous un jour que l’on ne trouve pas dans les livres scolaires. Aujourd’hui, je vous propose la lecture d’un texte court de Guy de Maupassant. Cette farce devrait rappeler de bons souvenirs à quelques uns d’entre nous :

La farce que je veux dire date de ma première jeunesse. J’avais quinze ans, et je venais passer chaque vacance chez mes parents, toujours dans un château, toujours en Picardie.
Nous avions souvent en visite une vieille dame d’Amiens, insupportable, prêcheuse, hargneuse, grondeuse, mauvaise et vindicative. Elle m’avait pris en haine, je ne sais pourquoi, et elle ne cessait de rapporter contre moi, tournant en mal mes moindres paroles et mes moindres actions. Oh ! la vieille chipie ! Elle s’appelait Mme Dufour, portait une perruque du plus beau noir, bien qu’elle fût âgée d’au moins soixante ans, et posait là-dessus des petits bonnets ridicules à rubans roses. On la respectait parce qu’elle était riche. Moi, je la détestais du fond du cœur et je résolus de me venger de ses mauvais procédés.
Je venais de terminer ma classe de seconde et j’avais été frappé particulièrement, dans le cours de chimie, par les propriétés d’un corps qui s’appelle le phosphure de calcium, et qui, jeté dans l’eau, s’enflamme, détone et dégage des couronnes de vapeur blanche d’une odeur infecte. J’avais chipé, pour m’amuser pendant les vacances, quelques poignées de cette matière assez semblable à l’œil à ce qu’on nomme communément du cristau.

J’avais un cousin du même âge que moi. Je lui communiquai mon projet. Il fut effrayé de mon audace.
Donc, un soir, pendant que toute la famille se tenait encore au salon, je pénétrai furtivement dans la chambre de Mme Dufour, et je m’emparai (pardon, mesdames) d’un récipient de forme ronde qu’on cache ordinairement non loin de la tête du lit. Je m’assurai qu’il était parfaitement sec et je déposai dans le fond une poignée, une grosse poignée, de phosphure de calcium.

Puis j’allai me cacher dans le grenier, attendant l’heure. Bientôt un bruit de voix et de pas m’annonça qu’on montait dans les appartements ; puis le silence se fit. Alors, je descendis nu-pieds, retenant mon souffle, et j’allai placer mon œil à la serrure de mon ennemie.

Elle rangeait avec soin ses petites affaires. Puis elle ôta peu à peu ses hardes, endossa un grand peignoir blanc qui semblait collé sur ses os. Elle prit un verre, l’emplit d’eau, et enfonçant une main dans sa bouche comme si elle eût voulu s’arracher la langue, elle en fit sortir quelque chose de rose et blanc, qu’elle déposa aussitôt dans l’eau. J’eus peur comme si je venais d’assister à quelque mystère honteux et terrible. Ce n’était que son râtelier. Puis elle enleva sa perruque brune et apparut avec un petit crâne poudré de quelques cheveux blancs, si comique que je faillis, cette fois, éclater de rire derrière la porte. Puis elle fit sa prière, se releva, s’approcha de mon instrument de vengeance, le déposa par terre au milieu de la chambre, et se baissant, le recouvrit entièrement de son peignoir. J’attendais, le cœur palpitant. Elle était tranquille, contente, heureuse. J’attendais… heureux aussi, moi, comme on l’est quand on se venge.

J’entendis d’abord un très léger bruit, un clapotement, puis aussitôt une série de détonations sourdes comme une fusillade lointaine.
Il se passa, en une seconde, sur le visage de Mme Dufour, quelque chose d’affreux et de surprenant. Ses yeux s’ouvrirent, se fermèrent, se rouvrirent, puis elle se leva tout à coup avec une souplesse dont je ne l’aurais pas crue capable, et elle regarda…
L’objet blanc crépitait, détonait, plein de flammes rapides et flottantes comme le feu grégeois des anciens. Et une fumée épaisse s’en élevait, montant vers le plafond, une fumée mystérieuse, effrayante comme un sortilège.
Que dut-elle penser, la pauvre femme ? Crut-elle à une ruse du diable ? A une maladie épouvantable ? Crut-elle que ce feu, sorti d’elle, allait lui ronger les entrailles, jaillir comme d’une gueule de volcan ou la faire éclater comme un canon trop chargé ?
Elle demeurait debout, folle d’épouvante, le regard tendu sur le phénomène. Puis tout à coup elle poussa un cri comme je n’en ai jamais entendu et s’abattit sur le dos. Je me sauvai et je m’enfonçai dans mon lit et je fermai les yeux avec force comme pour me prouver à moi-même que je n’avais rien fait, rien vu, que je n’avais pas quitté ma chambre.

Je me disais : « Elle est morte ! Je l’ai tuée ! » Et j’écoutais anxieusement les rumeurs de la maison.
On allait ; on venait ; on parlait ; puis, j’entendis qu’on riait ; puis, je reçus une pluie de calottes envoyées par la main paternelle.
Le lendemain Mme Dufour était fort pâle. Elle buvait de l’eau à tout moment. Peut-être, malgré les assurances du médecin, essayait-elle d’éteindre l’incendie qu’elle croyait enfermé dans son flanc. Depuis ce jour, quand on parle devant elle de maladie, elle pousse un profond soupir, et murmure : « Oh ! Madame, si vous saviez ! Il y a des maladies si singulières… »
Elle n’en dit jamais davantage.

Bon Mona, je dois vous avouer que j’ai bien ri avec cette farce et que çà m’a remémoré des souvenirs d’enfance ! Bon trêve de mélancolie. Vite sortez deux verres : la Syrah 2008 de Jean Michel Gerin est une explosion (si j’ose dire) de fruits. Quelle gourmandise !

 

rêve

Faut bien çà Musset !

Sur les bancs de l’école, beaucoup d’entre nous ont appris des vers de Musset. Et la vie du poète nous était présentée toute lisse. Un écrivain romantique fauché à 47 ans à cause de problèmes pulmonaires…

En lisant la biographie de Gonzague Saint Bris, on découvre un écorché, ivrogne, fumeur, fréquentant assidument bordels et tripots. Un dandy qui dépense l’argent de ses parents et qui papillonne de femme en femme, se lassant de toutes ; mais écrivant de magnifiques textes d’un jet, sans ratures.

Le 12 février1852[1], Alfred de Musset est élu à l’Académie Française. Au mois de mai suivant, il fait son entrée officielle en habit vert et le soir même, il s’en va souper au Palais Royal où son ami, Arsène Houssaye l’aperçoit ainsi :
« Au dessert, grand bruit dans les escaliers. On éclaire la descente funèbrement joyeuse d’un homme ivre mort. On s’informe, c’est Alfred de Musset qui pour fêter son introduction a payé à dîner à un bordel. »

Quelques jours plus tard, Sainte-Beuve l’admoneste. Musset lui répond :
-Mais vous allez bien au bordel, vous aussi !
-Oui, mais, moi, je n’y demeure pas !

Son vice est désormais de notoriété publique, ce qui fait dire à ses collègues du Quai de Conti[2] lorsqu’il est absent de la séance hebdomadaire :
-Monsieur de Musset s’absente
-Vous voulez dire qu’il s’absinthe !

L’homme est un loup pour ses frères, n’est-il point Mona. Bon, ben, nous, on est des adultes, on pourrait p’t-être sans faire un petit. Cà, le fait est. Seulement le tout venant a été piraté par les mômes.

Mais, je vous rassure Mona, on ne va pas se lancer dans le bizarre. Je vous propose un Champagne Jacquesson Avizé Grand Cru 2000. Une explosion de fleurs, de minéralité, une bouche tout en finesse et quelle longueur en bouche.


[1] Soit cinq ans avant son décès le 2 mai 1857
[2]
Adresse de l’Académie

Tout le monde des Sand !

Il fut une époque où les amoureux devaient utiliser des lettres codées pour éviter le quand dira-t-on. Au début de leur liaison, Alfred de Musset et George Sand durent surement se servir de cette technique. En effet, il était très mal vu qu’une femme soit plus âgée que son amoureux. Or George avait plus de six années de plus qu’Alfred.


Voici une lettre de George Sand à Alfred de Musset.

Cher ami,

Je suis toute émue de vous dire que j’ai
bien compris l’autre jour que vous aviez
toujours une envie folle de me faire
danser. Je garde le souvenir de votre
baiser et je voudrais bien que ce soit
une preuve que je puisse être aimée
par vous. Je suis prête à montrer mon
affection toute désintéressée et sans cal-
cul, et si vous voulez me voir ainsi
vous dévoiler, sans artifice, mon âme
toute nue, daignez me faire visite,
nous causerons et en amis franchement
je vous prouverai que je suis la femme
sincère, capable de vous offrir l’affection
la plus profonde, comme la plus étroite
amitié, en un mot : la meilleure épouse
dont vous puissiez rêver. Puisque votre
âme est libre, pensez que l’abandon où je
vis est bien long, bien dur et souvent bien
insupportable. Mon chagrin est trop
gros. Accourez bien vite et venez me le
faire oublier. À vous je veux me sou-
mettre entièrement.

Votre poupée
Lire une ligne sur deux

La réponse du poète  :

Quand je mets à vos pieds un éternel hommage,
Voulez-vous qu’un instant je change de visage ?
Vous avez capturé les sentiments d’un cœur
Que pour vous adorer forma le créateur.
Je vous chéris, amour, et ma plume en délire
Couche sur le papier ce que je n’ose dire.
Avec soin de mes vers lisez les premiers mots,
Vous saurez quel remède apporter à mes maux.

Alfred de Musset
Ne retenir que le premier de chaque vers


Cette insigne faveur que votre cœur réclame
Nuit à ma renommée et répugne à mon âme.

George Sand
Ne retenir que le premier de chaque vers

C’est beau, c’est excitant, que dis-je, c’est érotique à souhait… mais c’est faux. En effet, ces lettres n’ont pas été écrites par ces deux génies du Romantisme. Il s’agit d’un canular écrit après leur mort.

Mona pas déçue. Elle a rêvé.