Laissez les ivres

friedrich_august_der_starkeLa Pologne a la réputation d’être la terre d’élection de l’ébriété. Mais on lui prête peut-être plus de capacité qu’elle n’en a. On prétend que pour choisir un nouveau souverain, on buvait beaucoup et que le plus fort buveur était finalement élu roi.

Quant à Auguste II[ 1], roi de Pologne, qui eut, disent les mauvaises langues, plus de trois cent cinquante bâtards, il buvait tant qu’on disait de lui :
– « Quand Auguste boit, c’est la Pologne qui est ivre ».

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elisabeth_petrovna_par_heinrich_buchholz_vers_1768La liste des buveurs célèbres est trop impressionnante et décourage l’énumération. Retenons seulement une buveuse : Élisabeth de Russie[2]. On prétend qu’elle s’enivrait si fréquemment qu’on ne parvenait pas à la déshabiller le soir. Aussi ses femmes avait-elles imaginé de lui faire porter des robes simplement bâties et non cousues. Quelques coups de ciseau suffisaient donc pour la débarrasser de ses vêtements, et ses femmes la portaient au lit « où elle retrouvait quelques forces dans les bras d’un bel athlète ».

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Balzac, quant à lui, raconte une ivresse mémorable qui le prit un soir de 1822, aux Italiens. Il avait fumé trop de tabac, et bu trop de vin avant la soirée et l’opéra acheva de l’enivrer. Il titubait légèrement à l’entracte.
– « Ce monsieur sent le vin, murmura une dame, dégoûtée.
– Non, madame, s’écria-t-il superbement, je sens la musique! ».

De nos jours, il aurait fini au ballon. Je propose de porter un toast à la mémoire d’Honoré et puis un autre à celle d’Auguste et pi un aut’ à cel’  d’Elisabeth. Mona, sortez les ballons, je vous prie.


[1] Prince électeur de Saxe, puis roi de Pologne de 1697 à 1704, puis de 1709 à 1733.

[2] Fille de Pierre le Grand,  Impératrice de 1742 à 1762 et belle-mère de Catherine II