Héron, héron, petit patapon

Tout le monde a étudié la fable de La Fontaine : Le Héron. Cet animal stupide dut se contenter d’un petit poisson après avoir dédaigné toutes les proies passant à sa portée.
Mais connaissez-vous La Fille. Le thème de cette fable porte aussi sur le dédain et finit de la même manière.

Certaine fille, un peu trop fière,
Prétendait trouver un mari
Jeune, bien fait, et beau, d’agréable manière,
Point froid et point jaloux : notez ces deux points-ci.
Cette fille voulait aussi
Qu’il eût du bien, de la naissance,
De l’esprit, enfin tout. Mais qui peut tout avoir?
Le destin se montra soigneux de la pourvoir:
Il vint des partis d’importance.
La belle les trouva trop chétifs de moitié.
-«Quoi, moi! quoi, ces gens-là ! l’on radote, je pense
A moi les proposer! hélas! ils font pitié:
Voyez un peu la belle espèce !»
L’un n’avait en l’esprit nulle délicatesse,
L’autre avait le nez fait de cette façon-là:
C’était ceci, c’était cela;
C’était tout, car les précieuses
Font dessus tout les dédaigneuses.
Après les bons partis, les médiocres gens
Vinrent se mettre sur les rangs.
Elle de se moquer. -«Ah ! vraiment je suis bonne
De leur ouvrir la porte! Ils pensent que je suis
Fort en peine de ma personne:
Grace à Dieu, je passe les nuits
Sans chagrin, quoique en solitude.»
La belle se sut gré de tous ces sentiments.
L’âge la fit déchoir : adieu tous les amants.
Un an se passe, et deux, avec inquiétude :
Le chagrin vient ensuite; elle sent chaque jour
Déloger quelques Ris, quelques Jeux, puis l’Amour;
Puis ses traits choquer et déplaire:
Puis cent sortes de fards. Ses soins ne purent faire.
Qu’elle échappât au Temps, cet insigne larron.
Les ruines d’une maison
Se peuvent réparer : que n’est cet avantage
Pour les ruines du visage !
Sa préciosité changea lors de langage.
Son miroir lui disait : Prenez vite un mari;
Je ne sais quel désir le lui disait aussi:
Le désir peut loger chez une précieuse.
Celle-ci fit un choix qu’on n’aurait jamais cru,
Se trouvant à la fin tout aise et tout heureuse
De rencontrer un malotru. 

Rochebrune qui fut mousquetaire, poète et homme d’esprit et qui pourrait être le père de Voltaire, a écrit :

J’ai connu des femmes qui, dans leur jeunesse, ne trouvaient personne à leur gré. Les hommes les plus aimables, les amants les mieux faits leur venaient de toutes parts; elles ont congédié les uns et rebuté les autres. Mais le temps a mis un terme à leurs dédains, et bientôt elles se sont punies elles-mêmes en se donnant à quarante ans pour maîtres ceux qu’à vingt ans elles n’auraient pas voulus pour valets.

Bon Mona, je ne veux pas être désagréable à votre endroit. Mais les années passent et si elles n’ont pas encore de prise sur votre beauté, ne serait-il pas temps de vous trouver un jaloux ? Non, je n’insiste pas. Bon, ben, on va boire un coup. Au lendemain  des élections américaines, je vous invite à Montagne Saint-Emilion où Nicolas Despagne vinifie Maison Blanche. Un vin bio remarquable. Nous goûterons 2002 parfaitement prêt à vous donner du plaisir !

Fable express

Avec la cigale et la fourmi, c’est surement la fable la plus connue de Jean de la Fontaine. Enfant, chacun d’entre nous, s’est retrouvé devant le tableau noir, les mains dans le dos pour déclamer « Maître corbeau, sur un arbre perché ».
Comme souvent, le fabulateur est allé chercher chez Esope son inspiration.
Ces vers ont depuis inspirer nombre de pasticheurs.


Le corbeau sur un arbre perché
Ne foutait rien de la journée.
Le lapin voyant le corbeau
L’interpella et lui dit aussitôt:
Moi aussi, comme toi, puis je m’asseoir
Et ne rien foutre du matin jusqu’au soir?
Le corbeau lui répondit de sa  branche :
Bien sûr, ami à la queue blanche,
Dans l’herbe verte tu peux te  coucher
Et ainsi de la vie profiter.
Blanc lapin s’assit alors par terre,
Et sous l’arbre resta à ne rien  faire,
Tant et si bien qu’un renard affamé,
Voyant ainsi le lapin somnoler,
S’approcha du rongeur en silence,
Et d’une bouchée en fit sa pitance

Moralité :
Pour rester assis à ne rien faire
Il vaut mieux être très haut placé.


Jean de La Fontaine a été mis à toutes les sauces. En voici une version plat pays.


Mona prend par coeur les recettes de lapin..

Ma p’tite puce

Puce_programméeCe matin, dans ma salle de lecture favorite, je suis tombée dans mon Dictionnaire Historique de la Langue Française sur « puce« . Pour nombre d’entre nous, ce n’est plus qu’un composant informatique. Mais c’est avant tout, le nom d’un petit insecte sauteur, parasite des hommes et des animaux. La puce entre dans quelques locutions figurées :

Avoir, mettre la puce à l’oreille qui a d’abord signifié « provoquer ou avoir un désir amoureux » et ceci jusqu’au XVI° siècle, y compris chez La Fontaine avant de prendre son sens moderne (XVII°) de « être intrigué, mis en éveil »

Secouer les puces à quelqu’un est la variante de remuer les puces à quelqu’un.

Mais revenons à notre sympathique insecte. Il aime la chaleur et cherche donc notre compagnie. Colette Renard nous livre une histoire pas piquée des vers (et pourquoi pas des puces ?)

La puce

Au dortoir,
Sur le soir,
La sœur Luce,
En chemise
Et sans mouchoir,
Cherchant du blanc au noir
À surprendre une puce.
À tâtons,
Du téton,
À la cuisse
L’animal ne fait qu’un saut
Ensuite un peu plus haut
Se glisse.
Dans la petite ouverture,
Croyant sa retraite sûre,
De pincer,
Sans danger,
Il se flatte.
Luce pour se soulager
Y porte un doigt léger
Et gratte.
En ce lieu,
Par ce jeu,
Tout s’humecte
À force de chatouiller
Venant à se mouiller
Elle noya l’insecte.
Mais enfin,
Ce lutin,
Qui rend l’âme,
Veut faire un dernier effort.
Luce grattant plus fort
Se pâme.

Mona pas piquée des hannetons, et vous ?

Pompe Afrique

En Europe, depuis Jean de La Fontaine, on sait que Perrette lorsqu’elle va au marché avec son pot de lait sur la tête, passe son temps à tirer des plans sur la comète et finit par casser le pot. Et lorsqu’elle revient chez elle, elle craint d’être battue par son mari. En Afrique, les choses semblent se passer autrement selon Mamadou Khânto, auteur de ce poème :

chaponbresse3Une fermière du Rwanda,
Qui était Hutu de surcroît,
Quitte sa case et sa smala
Pour le marché de Kampala.
Elle veut honorer sa tribu
D’un beau chapon gras et dodu.
Mais elle était peu fortunée,
Et le marchand Tutsi, rusé,
Refusa de baisser le prix
Du chapon par elle choisi.
Me le donnerais-tu,
Dit la cliente Hutu,
Contre une gâterie
Sur ton beau bengali ?
A voir, dit le vendeur,
De cette gâterie quelle serait la valeur ?
Vaudrait elle un chapon ?
Il m’en faudrait la preuve pour de bon.
Aussitôt la bougresse s’enfouit sous le boubou,
Et vite fait jaillir la sève du bambou.
J’ai gagné le chapon, s’exclame l’innocente,
La bouche encore pleine du produit de la vente.
Que nenni’ lui répond le volailler acerbe
Tout comme la figure, le chapon tu as perdu
Car comme le dit notre si beau proverbe :
Turlute Hutu,
Chapon point eu.

Mona pas oublié le drame du Rwanda : c’était en avril 1994

Les mouches… tachent

Même si Saint Evremond [1] déclare que « La chaste Eloquence ne met sur son visage ni mouches, ni fard, pour paraître agréable ; c’est par les traits de sa beauté naturelle qu’elle charme et qu’elle persuade. »
Il faut se rendre à l’évidence, au XVII° siècle, la mode de porter des mouches de taffetas noir s’est répandue comme trainée de poudre à la Cour de France.

joconde-avec-mouchesDans ses Mémoires, Madame de Genlis n’en garde pas un très bon souvenir : « Il faut convenir que ce fut une mode bien ridicule que celle de se tacheter le visage, premièrement avec une grande mouche de velours noir appliquée comme un emplâtre sur la tempe droite, et ensuite de petites mouches de taffetas gommé sur le menton, sur le bas des joues et sur le front ; ces petites mouches étaient de diverses formes, les unes rondes, les autres en étoiles, d’autres en croissants. On voit encore dans quelques tableaux de Watteau de jolis visages de femmes ainsi mouchetés. Toutes les femmes portaient dans leurs poches des boites à mouches; c’étaient des boîtes communément d’or, assez grandes, carrées, à compartiments, et dans lesquelles se trouvaient un petit miroir, du rouge et des mouches. Nous avouons qu’on n’a jamais rien imaginé de plus mauvais goût et de plus ridicule. »

Mais alors pourquoi utilisait-on des mouches ? Ces morceaux de tissu noir de la grandeur d’une aile de mouche, que les dames utilisaient, faisaient paraître leur teint encore plus blanc. La Fontaine fait dire à la mouche :

mouchesJe rehausse d’un teint la blancheur naturelle ;
Et la dernière main que met à sa beauté
Une femme allant en conquête.

Or si de nos jours, le teint halé est fort prisé, il n’en fut pas toujours de même.

Ces mouches avaient différents noms selon les divers endroits du visage où elles étaient placées. Au coin de l’œil, c’était la passionnée ; au milieu du front, la majestueuse; sur la pommette, l’enjouée ; au milieu de la joue, la galante ; au coin de la bouche, l’indécise ; sur le nez, l’effrontée; sur les lèvres, la coquette; sur un bouton, la recéleuse.

En voyant où la mouche était posée, l’homme savait s’il pouvait piquer…

Mona pas besoin de mouches pour être belle… pour vous. C’est Lepicurien qui s’est amusé sur son ordinateur.


[1] Charles Marguetel de Saint-Denis, seigneur de Saint-Évremond, (1614-1703) : moraliste et critique libertin.