Alexandre Balthazar Grimod de la Reynière

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Quand on est Epicurien, certains auteurs sont des incontournables. Bien sûr, Brillat-Savarin [1] reste le plus connu. Son ouvrage « Physiologie du Goût » est publié sans interruption depuis sa parution en 1825.

Mais, c’est un de ses contemporains qui retient mon attention. Sa truculence, sa démesure en font un Epicurien hors norme.

Alexandre Balthazar Grimod de la Reynière est né en 1758 à Paris, d’un père fermier général [2]. Dans sa famille, le culte de la bonne chère est inscrit : ne dit-on pas que son grand père est « mort au champ d’honneur en s’empiffrant d’un pâté de foie gras ».

Un soir, le père de Grimod de la Reynière rentre dans une auberge. Il commande une dinde, on lui indique qu’il n’y en plus. Quelqu’un vient de passer commande de la totalité des volatiles. Il voit sept belles pièces qui tournent sur la broche. Il reconnaît le client : c’est son fils Alexandre. Le père s’étonne de l’appétit de son rejeton. Ce dernier lui déclare : « vous m’avez toujours dit, Monsieur, que dans ce volatile, seul le sot-l’y-laisse [3] méritait quelque attention »; ce à quoi le père répond, « votre pratique est un peu dispendieuse pour un jeune homme, mais on ne peut pas dire qu’elle soit déraisonnable ».

Avocat, c’est à table qu’il se rend célèbre. Il organise des farces macabres : un jour, il invite les fournisseurs de son père à un dîner : à la place du père, siège un énorme cochon, revêtu de l’habit d’apparat de son père [4]. Un autre jour, il invita ses collègues avocats et les fit servir par des anciens repris de justice, habillés en galériens et tirant à leurs pieds un boulet… de fromage de Hollande.

En 1803, il édite un livre : « l’Almanach des Gourmands ». Chaque année, jusqu’en 1812, l’almanach fera le bonheur des Amphitryons [5]. On y trouve des critiques sur les restaurateurs et autres professions de bouche, écrites avec humour.

158_grimodEn 1808, parait le « Manuel des Amphitryons » qui est un traité sur l’art de bien manger et de bien recevoir.
Pour les amateurs, ces ouvrages sont encore régulièrement édités.

L’année suivante, il réunit un groupe d’amis pour créer les « jurys dégustateurs ». Chaque semaine,  ils se réunissent au Rocher de Cancale, célèbre restaurant. Ils goutaient les mets que les restaurateurs apportaient. Le jury décernait des appréciations sur les plats, les baptisait d’un nom souvent pompeux ou poétique. Les professionnels affichaient les certificats des jurys dégustateurs, ce qui pouvait leur permettre d’augmenter leur renommée. Suite à des procès intentés par des restaurants mal notés, les dégustateurs cessèrent leurs activités en 1812.

Un dernier coup d’éclat de Grimod de la Reynière, le 7 juillet 1813 : il  invita les membres des jurys dégustateurs avec un faire-part qui les conviait au dîner de ses propres funérailles. Il les reçut assis sur un catafalque avant de partager avec eux un repas pantagruélique.

Puis, il se retira dans son château de Villiers-sur-Orge, et mena une existence plus discrète, durant 25 ans, ,jusqu’à sa mort.

Grimod de la Reynière est un précurseur. On peut dire qu’il inventa la critique et la littérature gastronomique.

Mona, pour rendre hommage à Alexandre, un seul mot : Champagne !!!
Oui, je sais, c’est beau. Mais çà ne doit pas vous empêcher de sortit des flutes.


[1] Jean Anthelme Brillat-Savarin, (1755-1826) est un illustre gastronome.

[2] Financiers de l’Ancien régime en charge de collecter les impôts.

[3] Morceaux de choix des volailles.

[4] Le père avait fait fortune dans le commerce du cochon.

[5] Hôte qui offre à dîner.