Avec le rhum, elle s’est bien arrangée

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C’est quand elle est grimpée sur le bureau que j’aurais dû me méfier

Une récente étude a attiré mon attention. Les travaux d’une équipe israélienne du Weizmann Institute of Science assurent que notre odorat est plus performant après avoir bu un peu d’alcool. Pour ce ils ont demandé à une vingtaine de personnes de reconnaître des odeurs après avoir bu un verre de jus de raisin. Puis quelques jours plus tard, ils leur ont présenté des flacons après qu’ils aient bu un verre de jus de raisin additionné de 35 ml de vodka. Après ingestion de cette faible quantité d’alcool, les sensations olfactives des cobayes étaient plus élevées.

J’ai souhaité vérifier ces dires en demandant à Mona de me servir de sujet d’expérimentation. Elle accepta de bon cœur sous réserve que je remplace la vodka par du rhum qu’elle aime particulièrement. Qu’à cela ne tienne !

J’avais prévu de proposer à ma fidèle collaboratrice une séance quotidienne. Le premier jour, je lui versai un simple jus de fruit. Elle reconnut 4 des 10 flacons mis à hauteur de ses narines. Le lendemain, je versais 35 ml dans un verre de jus. Elle reconnut 5 des 10 flacons. Fort de cette amélioration je versais le troisième jour 70 ml. Ce furent 7 flacons qui furent trouvés. Le quatrième jour, je mis 210 ml, elle ne reconnut que 6 flacons. Enfin le jour suivant, je versais un verre entier de rhum et une goutte de jus de fruit. Non seulement, elle ne reconnut aucun flacon, mais elle tint des propos difficilement compréhensibles, de plus, elle faisait des grimaces, des gestes amples. Elle me rappela que le rhum ne s’était pas fait en un jour, que tous les chenins mènent au rhum… puis elle passa aux mots peu appropriés à la bouche ciselée d’une jeune femme. Je l’enfermai dans son bureau imbibée comme un rognon marinant depuis des heures dans du Madère.

Il était temps de tirer les conclusions de ce que je venais de vivre. Une nette amélioration des performances olfactives de Mona peuvent être constatées après qu’elle ait bu une petite dose d’alcool. En augmentant la quantité, on arrive au résultat inverse. On peut en déduire que soit Mona ne tient pas l’alcool, soit elle avait déjà absorbé du rhum avant le dernier test. En vérifiant ce qui restait dans la bouteille, je penche pour la seconde hypothèse.

Furieux, je retournais à son bureau et la trouvais la tête penchée sur le bois, endormie telle que si elle avait été piquée par une mouche tsé-tsé.

Malgré l’attitude peu avantageuse pour elle, j’admirais sa plastique hors normes et fondis comme un glaçon tombé dans une théière. Moi qui voulais la houspiller pour ses excès qui avaient réduit à néant mon travail sur l’odorat, je caressais sa chevelure ondulée, promenais ma main sur sa peau satinée et la laissais cuver tranquillement dans les bras de Morphée.   

Inutile de vous dire que je n’ai pu proposer à la chère enfant une quelconque dégustation. Nos plus fidèles lecteurs voudront bien pardonner à Mona cette absence de vin qui nous prive d’un breuvage divin.

Gare à tes glandes, ma mère !

De nos cinq sens, l’odorat est celui qui fut longtemps considéré comme le plus primitif. Car l’odorat se réfère plutôt à nos émotions et à notre animalité. Impossible pourtant de nier qu’il module nos relations interpersonnelles et notre bien-être : odeur corporelle ou fragrance nous parlent immédiatement de l’autre, de son identité. L’olfaction constituerait même une part non négligeable de notre expérience originelle, puisque c’est une voie sensorielle qui permet à l’enfant de connaître sa mère dans le monde intra-utérin, et de la reconnaître une fois né (le nouveau-né s’oriente spontanément vers le sein maternel). Aujourd’hui, les chercheurs s’interrogent sur la capacité des odeurs naturelles du corps à véhiculer un contenu informatif et à stimuler des réponses réflexes chez l’homme. C’est l’existence des fameuses phéromones humaines qui est ici en jeu : y aurait-il des agents olfactifs d’attraction ou de séduction universelle ?

Les odeurs corporelles portent des informations sur l’identité, l’état physiologique ou émotionnel. Les phéromones, elles, sont constituées d’un composé unique et commun à une espèce, et induisent des comportements automatiques et stéréotypés. À ce jour, peu de phéromones ont été identifiées chez les mammifères. Mais, on sait que leurs échanges de signaux chimiques sont courants.
Qu’en est-il chez l’homme ? Des études scientifiques ont relevé une synchronisation des cycles ovariens chez les femmes qui vivent ensemble. Mais aucune substance satisfaisant aux critères d’une phéromone n’a pour le moment été identifiée. Et on connaît encore moins les mécanismes de détection et d’action de cette hypothétique substance. L’heure n’est pas encore arrivée de voir les parfumeurs mettre au point des phéromones aphrodisiaques…


Mona un joli nez, et vous ?