Fish de cuisine

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Dans ces pages, nous dénonçons régulièrement les pratiques des industriels de la bouffe qui nous prennent uniquement pour des cons-sommateurs. Après la glace aérée, après les informations erronées sur la composition des plats, nous avons le déplaisir de vous présenter le trempage de filets.

Pour ce, nous nous appuierons sur un article du Monde du Surgelé. Les fraudeurs ont réfléchi : l’eau revient moins chère que le poisson. Aussi par trempage ou par injection, on augmente le poids de la marchandise de 10 à 30%. Puis on glisse le tout dans un paquet en carton et le tour est joué. De toute façon, je vous rassure : à l’œil, un non professionnel n’y voit que du feu. Par contre lorsqu’il cuit  son bout de poisson, l’acheteur le voit rétrécir aussi vite et aussi fort qu’un pull lavé à 60°. Résumons, le con-sommateur a payé moins cher croyant faire un bon achat. Le professionnel lui, avec son prix sympa s’en met plein les fouilles et le filet qui devait nourrir deux personnes finit dans la gamelle du chat.

Le syndicat national du commerce extérieur des produits congelés et surgelés (SNCE) s’est saisi du problème et il assure qu’à dater de cette année, il lancera une campagne de contrôle sur cette pratique malhonnête.
Et bien, nous saluons cette initiative, n’est-il point Mona ? Je vous propose de continuer à découvrir les vins d’Emmanuel Reynaud du Château Rayas. Aujourd’hui, dégustons Pignan 2008. Encore cette touche inimitable pour un Châteauneuf du Pape qui me mène au ciel. Si, si…

Humeur au cerveau

gorter-hippocrateDans un article de ce blog, fut abordé « l’alimentation durant les jours maigres » (voir  avril). A la lumière des textes sur la « théorie des humeurs », on comprend mieux le choix du poisson durant le Carême car pour les hommes du Moyen Âge, la nourriture participe de l’équilibre de l’univers.

Selon la science et la médecine antiques (théorie hippocratique) encore en vigueur jusqu’au XVII° siècle, le monde est conçu comme la combinaison de quatre éléments essentiels : l’eau, le feu, l’air et la terre. Chacun a des propriétés de chaleur et d’humidité bien définies. Ainsi, le feu est chaud et sec, mais l’eau est froide et humide …
Or l’homme est un « microcosme » qui concentre en lui-même les qualités et les éléments du monde macrocosmique.

L’élément dominant en chaque être humain permet de définir son tempérament. La femme est colérique lorsque domine l’humeur sèche et chaude, elle est sanguine lorsque s’impose l’humeur chaude et humide ; l’homme est flegmatique lorsque froid et humide dominent ou mélancolique lorsque sec ethumeurs froid l’emportent.

Les aliments sont eux aussi plus ou moins chauds et humides, secs et froids … et donc appelés à maintenir l’équilibre des humeurs. Ils peuvent même corriger les dérèglements. C’est pourquoi les médecins, qui définissent le degré d’humidité ou de chaleur des aliments, interdisent certains aliments, ou au contraire en conseillent d’autres, en fonction de l’humeur dominante de chacun. Les colériques, par exemple,  n’ont ainsi guère intérêt à abuser d’épices qui sont très chaudes et très sèches, humeurs dominantes chez eux mais au contraire à rechercher des produits frais et humides.

De même, durant le Carême, manger du poisson c’est absorber un aliment froid et humide qui refroidit notamment les pulsions et facilite l’abstinence sexuelle exigée durant cette période.

La théorie des humeurs, formulée par les médecins antiques, influencera la diététique jusqu’au XVIIe siècle au moins.

Voilà, un sujet qui met de bonne humeur. Mona, servez moi calmement un coup chaud et humide… Comment ? Ben évidement un coup de rouge.

Que notre volonté soit fête

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Le Carême vient de s’achever. Durant les quarante jours qui précédaient Pâques, les chrétiens étaient invités à se priver, notamment, sur leur alimentation. De nos jours, le respect de ces efforts est du domaine personnel. A d’autres époques, l’Eglise était beaucoup plus interventionniste.

Au Moyen Age, les jours maigres ou de jeûne représentaient environ 150 jours par an. Durant les jours maigres, la viande disparaît au profit du poisson, l’huile remplace le beurre, saindoux et lard et on se prive de produits laitiers. Pour les jours de jeune, c’est abstinence : un seul repas de pain et d’eau.

Pour le « peuple », respecter les jours maigres, cela ne change guère de l’alimentation quotidienne : la viande est de toute façon rare. Il faut dire qu’en plus, dans certains diocèses, la punition, pour non respect des règles alimentaires, est l’arrachage de toutes les dents…

Mais chez les nobles, les ecclésiastiques et les bourgeois, il n’en est pas de même.

Soit on s’abstient de viande et on élabore des plats à base de poisson mais en ne se privant pas, c’est le moins qu’on puisse dire :

Ainsi, le 30 mars 1571[1], l’Archevêque de Paris organisa un dîner maigre, durant le carême, dont le menu a été conservé : « Quatre saumons, dix turbots, douze homards, cinquante livres de baleine, deux cents tripes de morue, un panier de moules, neuf aloses fraîches,  dix-huit brochets, soixante-deux carpes, dix-huit lamproies, cent cinquante écrevisses, deux cents harengs, vingt-quatre saumons salés, dix-huit barbues, trois paniers d’éperlans … et six cents grenouilles[2]« .
On ne connaît pas le nombre de convives, mais on peut supposer que l’Archevêque de Paris avait convié à ce repas maigre nombre d’ecclésiastiques soucieux de faire respecter l’observance du carême.

Soit on cherche à s’arranger avec les prescriptions :

La macreuse[3] et la bernache[4] sont ajoutées à la liste des mets que l’on peut consommer les jours maigres car elles vivent essentiellement dans l’eau. Pour la Nouvelle France (Québec), on autorise le castor pour les mêmes raisons. Dans le « Cuisinier François », l’auteur indique que la chair du saumon mêlée à celle du brochet permet d’imiter une belle tranche de jambon. Un brave curé, surpris, en train de manger une oie, se défendit auprès de ses ouailles en disant qu’elle était tombée d’un arbre et devait donc être assimilée à un fruit…

Nombre d’auteurs, dont Erasme, se lèvent contre ces pratiques qui font que le carême est « pour les riches, une source de plaisir et un remède contre le dégoût… Pendant ce temps, l’humble paysan grignote un navet cru avec du pain de son. Quant à ce qu’il boit, au lieu de vin moelleux que dégustent les riches, c’est de l’eau de fossé… Si un édit ordonnait aux nantis de vivre de façon frugale les jours de pénitence et d’ajouter à la pitance des pauvres ce qu’ils retrancheraient de leur festin, alors l’égalité serait réalisée et l’institution en prendrait une certaine saveur évangélique. »

Un autre auteur relate qu’un pauvre homme, à qui le prêtre demandait d’acheter du poisson pour respecter le carême, répondit qu’il serait sans un sou, à ce régime là, au terme des 40 jours de « privation »…

Mais savez vous que le carême du Moyen Age nous a laissé des monuments d’une grande beauté. Pour en savoir plus, lisez donc, demain, l’article de Mona …
En attendant, pour patienter, je vais boire un coup, çà aide à rester jeûne.


[1] Sous le règne de Charles IX, le roi qui donna le signal de la Saint-Barthélemy. Les protestants étaient notamment accusés de ne pas respecter le carême.
[2] Surnommée « poulet de carême »
[3] Sorte de canard
[4] Oie

En proie à tous les désirs

lamproieC’est vraiment un drôle de poisson ! Toute personne qui ne connait pas la bête et qui se régale dans ce plat, pousse des cris d’horreur et d’effroi en découvrant à quoi ressemble ce monstre sanguinaire et comment il est saigné avant d’être cuisiné

Ce vampire visqueux, limoneux, à la bouche-ventouse, est un vrai plat de roi. D’ailleurs, Henri I d’Angleterre, s’en fit « péter la sous-ventrière ». Mourir d’indigestion n’est pas donner à tout le monde et n’est pas chose commune.

On la nomme « fifre » ou « flûte » en raison de sa forme, « sept trous » ou « sept œil » à cause de ses branchies rondes de part et d’autres de sa gueule.

lamproieDu Val de Loire à l’Aquitaine, la « suce-pierres » ou « suce cailloux  » aspire surtout le sang des autres poissons ; ce qui lui confère cette sapidité qui en fait plus une viande qu’un poisson. La lamproie, parfois si rare en nos contrées, est un véritable fléau dans les grands lacs canadiens : plusieurs centaines de produits toxiques « lamproïcides  » ont été homologués. A quand un transport transatlantique pour ramener ces vilaines bêtes dans nos faitouts.

Pour la cuisiner ne comptez pas sur moi, mais de gentilles mamies ou de jeunes cuistots délurés ont toujours eu la gentillesse de me les préparer… Un Saint-Emilion  ou un Pomerol fera sans problème un compagnon de choix.

Mona. Parce que je le vaux bien