Tourne, tourne, mon joli Moulin

Le Moulin Rouge est une institution où les étrangers viennent applaudir une image de Paris qui fait tourner les têtes depuis 1889. Tout commença en 1850 avec une danseuse Céleste Mogador qui lança une danse au rythme endiablé à la limite de l’acrobatie : la quadrille. C’est un anglais Charles Morton qui en a fait le fameux French Cancan. De jolies filles soulèvent leurs jupes et dentelles et après avoir levé la jambe très haut, se lancent à terre pour finir en grand-écart, le tout sur une musique d’Offenbach.
En fait, il se dit que Céleste Mogador aurait repris une danse des blanchisseuses de Montmartre en usage durant leurs fêtes.

Même si ce journal n’a pas vocation à faire la publicité d’un établissement parisien qui de toute façon n’en a pas besoin, je vous livre une liste des danseuses-vedettes de la belle époque de ce célèbre cabaret. Leurs surnoms sont suffisamment évocateurs : Grille d’Égout (ainsi nommée à cause de ses dents de devant fortement espacées), Camélia dite Trompe-la-Mort, la Glu, Cri-Cri, Vol-au-Vent, Lili-Jambes-en-l’air, Nini-Pattes-en-l’air, la Môme Fromage, la Vénus de Bastringue, Rayon d’or (une grande rousse), Demi-Siphon (surnom dû à sa petite taille), Muguet la Limonière, Églantine, Jane Avril, Sauterelle (une grande, mince, sèche, avec des pas savants, une « intellectuelle »), Cléôpatre, Cascadienne, Cha-U-Kao, Pâquerette, Torpille, Galipette, Gavrochinette, Rosalba Cancan, Alice la Provençale, Finette, Nini Belles Dents, Eugénie Trompette, Mimi Gambilmuche et La Goulue…

Si  la Goulue et Jeanne Avril sont les danseuses les plus connues, immortalisées qu’elle furent par Toulouse-Lautrec, je m’intéresserai à Demi-Siphon qui est morte à la tâche.

Le 17 novembre 1897, le journal Le Temps relate ce triste accident mortel :

Jeanne Faës ou Marcelle Mignon, l’état civil de ce genre de personnes est difficile à préciser, avait reçu de ses contemporains le surnom de Demi-Siphon, par allusion à l’exiguïté singulière de sa taille 1 m 45 pas davantage. On la voyait tous les soirs, parait-il, au Moulin-Rouge, au Casino et autres lieux similaires elle dansait, par métier, si l’on peut donner le nom de danse à l’exercice acrobatique qui tient, depuis plusieurs années, la vogue et le succès.
Il ne s’agit plus, vous le savez, dans cette danse, de mouvements gracieux et rythmés, ni de figures ingénieusement alternées c’est un cancan fou, déconcertant, sans harmonie et sans beauté. Les surnoms des professionnels indiquent assez les exigences de cet « art » nouveau. L’un fait suivre son prénom de cette appellation significative Le Désossé et l’une de ses compagnes a ce sobriquet parlant Patte-en-l’air Tout est là : il faut être vraiment assoupli, désarticulé, rompu pour pratiquer cet ordre de danses; et le suprême de l’art consiste à dresser la jambe, très haut, très droit, le talon menaçant le ciel. D’où Désossé, d’où Patte-en-l’air. Des photographies étalées dans nos plus belles rues ont retenu pour l’histoire quelques moments de ces fières attitudes.
Comme il était possible à presque tout le monde de lever la jambe, avec un peu d’application et d’habitude, les virtuoses ont dû trouver autre chose pour émoustiller le public et se distinguer entre leurs pairs. Le grand écart est devenu, dès lors, le complément obligé, la conclusion, le bouquet de tous les quadrilles naturalistes. Il y a eu une syntaxe, un code du grand écart. On a établi que le meilleur grand écart et le plus correct, selon le nouveau rite chorégraphique, était le plus violent et le plus brutal. Jeanne Faës, le Demi-Siphon, excellait, après une danse folle, à se précipiter à terre, l’angle de ses deux jambes s’agrandissant sans arrêt jusqu’au moment où les deux pauvres membres martyrisés réalisaient la ligne droite. Le Demi-Siphon est allé à Reims, ces jours derniers, pour révéler à la province le prestige de ses talents. Elle a dansé; et, grisée par les applaudissements, elle a voulu accomplir un grand écart si rapide et si parfait que ses os ont lamentablement craqué en touchant le sol. Le Demi-Siphon ne s’est pas relevé. Il est mort à la bataille je n’ose pas dire au champ d’honneur.
Je voudrais que le grand écart fût mort avec le Demi-Siphon.

Manifestement, le journaliste n’apprécie que très modérément ce genre de spectacle.

Quant à moi, ma chère Mona, je souhaite rendre un hommage appuyé à cette danseuse morte en scène. Pour ce, je vous invite à tendre votre flute : je sers la cuvée Louise 1999 de Pommery. Moi, j’aime le music-hall.  

Chutes de roi ?

«Si tous les cocus et leurs femmes qui les font se tenoyent tous par la main et qu’il s’en pust faire un cerne, je croy qu’il seroit assez bastant pour entourer et circuire la moitié de la terre».

Cette citation est tirée d’un ouvrage[1] de Pierre de Bourdeille, dit Brantôme qui fut un écrivain français du XVI° siècle, surtout connu comme chroniqueur.

Il évoque la vie d’Henri III de Castille et de Léon. Surnommé, Henri le maladif, il s’aperçut assez vite qu’il aurait du mal à assurer sa descendance. Souhaitant à tout prix des enfants, il s’aida d’un beau et jeune gentilhomme de sa cour pour lui en faire. Couvert de biens et bénéficiant d’un régime de faveur, le jeune noble remplit sa mission au-delà de toute espérance puisque la Reine mit au monde trois enfants. Rien ne dit si la souveraine eut des sentiments à l’endroit du géniteur mis à disposition par son royal époux.

Ma petite Mona, voilà un cocu consentant (en un seul mot ?). Levons notre flute et buvons la Cuvée Louise 1999 de la maison Pommery. Un grand Champagne digne d’un roi…   


[1] Vie des Dames Galantes

Un paquet de millets

millet-glaneusesLorsque Madame Pommery devint veuve en 1858, ses concitoyens l’attendaient au tournant… Elle fit aussi bien que son mari, sinon mieux. Elle pénétra avec succès le marché Anglais. Des envieux du microcosme champenois ne tardèrent pas à faire circuler des rumeurs sur la fragilité, les difficultés financières de la Maison. Aux abois, elle aurait été obligée de lésiner, d’économiser sur tout…

Or, à l’époque, le fameux tableau « Les Glaneuses » de Jean-François Millet était à vendre, Il était convoité par un riche collectionneur Américain. La Veuve Pommery lui « coupa l’herbe sous le pied » en achetant le tableau pour la somme de 300.000 Francs or et demanda à ce que la toile soit offerte au musée du Louvre après sa mort. Avec l’Angélus, c’est le tableau le plus populaire de la France Rurale.

Une action d’éclat qui valait tous les démentis.

Votre Mona dorée