Sang dessus dessous

Au moyen-âge, des ribambelles de cochons se baladaient dans les villes et leurs rapports avec les humains étaient compliqués. Souvenez-vous de la mort du Dauphin en 1131. Remémorez-vous les procès envers truies et porcs… De nombreux rois et échevins décrétèrent l’interdiction d’errance pour ces animaux. Malgré tout, les pourceaux étaient toujours en liberté dans rues et ruelles.

Mona à la saignée

Or un des traitements médicaux les plus en vigueur en ce temps là, était la saignée. Ce prélèvement pratiqué par les barbiers, ancêtres de nos chirurgiens, était considéré comme bon pour quasiment tous les maux. Mais que faire du sang ainsi pompé à leurs patients ? Un règlement dans certaines cités leur interdisait de posséder des porcins, de verser le sang dans les rivières ou de le déposer dans des lieux ou les gorets pourraient s’en nourrir. Pour que le précieux liquide, symbole de vie ne finisse pas en charcuterie, on institua même des terrains consacrés uniquement au versement des liquides provenant des saignées et autres opérations effectuées par lesdits barbiers. Ainsi, à Paris, la «Place du Sang»  se trouvait sur l’actuelle rue Molière.

Difficile ma Chère Mona de faire une transition, mais il faut bien boire un coup. Un petit rosé de saignée ? Non la période hivernale ne s’y prête pas. Je vous propose un Vacqueyras : Le Sang des Cailloux 2008. Oh, là, y a du vin !  Bravo Serge.

J’ai pas le coeur à repeindre la cuisine

Philippe­-Henri Schunk se rendit, un jour de février 1819, à la vente des meubles et collections de M. Petit-Radel, architecte, récemment décédé. Il put y acquérir deux plaques aux noms de Louis XIV et de Louis XIII. Ces plaques venaient des urnes ayant contenu les cœurs embaumés de la famille royale de France. Cherchant à savoir ce qu’étaient devenus les cœurs, il fit la connaissance du peintre Saint-Martin.

Coeurs de Louis XIII et Louis XIV
Coeurs de Louis XIII et Louis XIV


Ce dernier lui expliqua que, durant la Révolution, il s’était rendu, sur invitation de l’
architecte Petit-Radel, à l’ouverture des monuments funéraires royaux. Il était accompagné de Martin Drolling, peintre également.
Les deux artistes n’étaient pas venus par hasard. En ce temps-là on utilisait, pour réaliser la couleur sépia, des « résidus » prélevés sur des momies. Cette matière extrêmement onéreuse s’appelait d’ailleurs la « momie ».
Comme les cœurs des rois avaient été embaumés, ces artistes prendraient dans les urnes de la « matière première » sans avoir à bourse délier.
Petit-Radel offrit à son ami Saint-Martin le cœur de Louis XIV en lui disant : « Tiens, prends celui-là, c’est le plus gros ». Il lui donna également le cœur de Louis XIII. Il semble avoir longtemps conservé intacts les cœurs ; cependant, il finit par en utiliser une partie.
Sous le règne de Louis XVIII, Saint-Martin restitua les restes du cœur de Louis XIV. Le Roi lui offrit, en remerciement, une tabatière en or. A l’article de la mort, il appela Shunk et lui remit les restes du cœur de Louis XIII qui était beaucoup plus abimé.

drolling cuisine
Intérieur d'une cuisine de Drolling

Drolling, lui, employait beaucoup de « momie », aussi il se servit largement. Il emporta onze cœurs, dont celui d’Anne d’Autriche… Il semble qu’il ait utilisé la totalité des cœurs pour ses peintures.
C’est ainsi que vous pourrez admirer, en vous rendant au Louvre, les
cœurs d’Anne d’Autriche, de Marie Thérèse d’Espagne, de la Grande Mademoiselle, de Monsieur frère du roi, du duc et de la duchesse de Bourgogne… étalés sur une toile qui s’intitule : « Intérieur d’une cuisine » (çà ne s’invente pas), vestige d’une époque troublée et sanglante de l’histoire de France. Comme quoi, les artistes n’ont pas toujours eu … bon cœur !!!
Comble d’ironie, cette œuvre fut achetée, après la mort de Drolling, pour les collections royales.

Enfin, une chose est certaine, le cœur du Régent, Philippe d’Orléans, ne fut pas utilisé par un peintre. En effet :
« Pendant l’embaumement du corps, en 1723, le cœur avait été placé sur une table à part ; un des chiens favoris du Régent, un superbe danois, pénétra en coup de vent dans la salle et avant que les assistants horrifiés aient pu intervenir, il avait englouti le cœur de son maitre. »

Mona, tous ces cœurs m’ont donné envie de rouge. Amenez donc deux verres, je vous sers un Vacqueyras : le Sang des Cailloux