Le retour de Martin guère… connu

Le 11 novembre, la France a honoré ses poilus et c’est tant mieux ! Mais combien, parmi nous, ont fêté la Saint Martin ? Et pourtant ce grand saint qui repose à Tours a donné son nom à plus de 500 communes. Un dicton populaire rappelle d’ailleurs qu’à la foire, il  y a plus d’un âne  qui s’appelle Martin.

L’épisode de sa vie le plus connu est le partage de son manteau avec un pauvre. Soldat de l’armée romaine, il croise un pauvre bougre. De son épée, il tranche son manteau en deux parties égales et couvre le miséreux. Mais pourquoi Martin s’est-il contenté d’offrir la moitié et pas la totalité, lui qui est donné comme modèle à l’humanité ? Pourquoi cette demi-générosité ? Heureusement, votre Mona est là. Telle l’Oncle Paul de Spirou, elle est prête à vous donner avec joie l’éducation qui vous manque. Et si un jour, au cours d’une soirée enfumée et alcoolisée, vous placez cette anecdote à vos comparses et que vous leur donnez l’explication qui suit, vous aurez une petite pensée pour votre Mona. Et cette image suffit à mon bonheur. Bon, c’est pas tout çà ! Revenons à nos moutonsss, comme disait Fernandel, dans Topaze… 

Si Martin n’a donné que la moitié de son manteau c’est qu’étant fils de soldat, il était tenu de s’enrôler dans l’armée romaine. Et comme toute nouvelle recrue, il recevait une somme correspondante à la moitié de son équipement et de son uniforme ; le reste étant à sa charge était sa propriété. Donc Martin ne pouvait offrir que sa moitié de manteau…

Mona apprécié l’été de la Saint-Martin !

J’ai pas le coeur à repeindre la cuisine

Philippe­-Henri Schunk se rendit, un jour de février 1819, à la vente des meubles et collections de M. Petit-Radel, architecte, récemment décédé. Il put y acquérir deux plaques aux noms de Louis XIV et de Louis XIII. Ces plaques venaient des urnes ayant contenu les cœurs embaumés de la famille royale de France. Cherchant à savoir ce qu’étaient devenus les cœurs, il fit la connaissance du peintre Saint-Martin.

Coeurs de Louis XIII et Louis XIV
Coeurs de Louis XIII et Louis XIV


Ce dernier lui expliqua que, durant la Révolution, il s’était rendu, sur invitation de l’
architecte Petit-Radel, à l’ouverture des monuments funéraires royaux. Il était accompagné de Martin Drolling, peintre également.
Les deux artistes n’étaient pas venus par hasard. En ce temps-là on utilisait, pour réaliser la couleur sépia, des « résidus » prélevés sur des momies. Cette matière extrêmement onéreuse s’appelait d’ailleurs la « momie ».
Comme les cœurs des rois avaient été embaumés, ces artistes prendraient dans les urnes de la « matière première » sans avoir à bourse délier.
Petit-Radel offrit à son ami Saint-Martin le cœur de Louis XIV en lui disant : « Tiens, prends celui-là, c’est le plus gros ». Il lui donna également le cœur de Louis XIII. Il semble avoir longtemps conservé intacts les cœurs ; cependant, il finit par en utiliser une partie.
Sous le règne de Louis XVIII, Saint-Martin restitua les restes du cœur de Louis XIV. Le Roi lui offrit, en remerciement, une tabatière en or. A l’article de la mort, il appela Shunk et lui remit les restes du cœur de Louis XIII qui était beaucoup plus abimé.

drolling cuisine
Intérieur d'une cuisine de Drolling

Drolling, lui, employait beaucoup de « momie », aussi il se servit largement. Il emporta onze cœurs, dont celui d’Anne d’Autriche… Il semble qu’il ait utilisé la totalité des cœurs pour ses peintures.
C’est ainsi que vous pourrez admirer, en vous rendant au Louvre, les
cœurs d’Anne d’Autriche, de Marie Thérèse d’Espagne, de la Grande Mademoiselle, de Monsieur frère du roi, du duc et de la duchesse de Bourgogne… étalés sur une toile qui s’intitule : « Intérieur d’une cuisine » (çà ne s’invente pas), vestige d’une époque troublée et sanglante de l’histoire de France. Comme quoi, les artistes n’ont pas toujours eu … bon cœur !!!
Comble d’ironie, cette œuvre fut achetée, après la mort de Drolling, pour les collections royales.

Enfin, une chose est certaine, le cœur du Régent, Philippe d’Orléans, ne fut pas utilisé par un peintre. En effet :
« Pendant l’embaumement du corps, en 1723, le cœur avait été placé sur une table à part ; un des chiens favoris du Régent, un superbe danois, pénétra en coup de vent dans la salle et avant que les assistants horrifiés aient pu intervenir, il avait englouti le cœur de son maitre. »

Mona, tous ces cœurs m’ont donné envie de rouge. Amenez donc deux verres, je vous sers un Vacqueyras : le Sang des Cailloux