Plein les bottes

François de Bassompierre est un contemporain d’Henri IV. Selon Tallemant des Réaux «le nom de Bassompierre était synonyme d’élégance et de perfection». Cet homme de guerre, puis Ambassadeur était vu par ses contemporains comme mais le beau, intelligent, charmeur, galant, joueur et bon vivant.

Dans ces lignes, je ne vous relaterai ni sa carrière militaire ni sa vie sentimentale bien qu’elle fut riche et tumultueuse.

J’évoquerai simplement deux de ses maîtresses les plus connues. En 1604, il tombe amoureux de Marie-Charlotte d’Entragues, la jeune sœur de la favorite du Roi Henri IV. Mais le monarque est gourmand ; il a des vues également sur la petite sœur. Un mémorialiste raconte que

«le roi soupira un jour à Guise : Ah, Marie d’Entragues nous méprise pour idolâtrer Bassompierre ! Monsieur de Guise s’offrit de défier en duel Bassompierre. La rencontre eut lieu au Louvre et Bassompierre fut gravement blessé ; en arrachant l’arme de sa blessure, ses viscères sortirent et tombèrent le long de ses chausses et une hémorragie terrible s’ensuivit. On lui plaça un rouleau de charpie dans la plaie et grâce à sa robuste santé, il réussit à survivre. C’est au cours de sa convalescence qu’il rencontra Mademoiselle de Guise, Louise Marguerite de Lorraine, avec qui il noua une solide amitié».

Cette Louise de Guise épousa François de Bourbon-Condé prince de Conti qui, non seulement était son ainé de trente ans, mais était sourd, bègue et souvent décrit comme simplet. Bassompière fit ce qu’il put pour adoucir la vie de la jeune femme…

Mais ce libertin était également réputé pour son coup de fourchette et son impressionnante descente. Ainsi, ambassadeur en Suisse, il défia à qui le voudrait de faire mieux que lui. Il enleva sa botte, la remplit à ras bord de vin et la vida d’un seul trait. Inutile de dire que personne ne lui arriva à la cheville (si j’ose dire).

Grand amateur de bonne chère, il mourut comme il se doit : attablé dans une hôtellerie de Provins.

Ma Chère Mona, je ne vous propose la botte ! Mais sortez donc deux verres, je vous prie. Je verse un Pomerol, le Château Taillefer 2006. Un millésime classique qu’on peut commencer à boire. 

Alors, tu la sers cette grosse coquette avant le carême ?

En ce mois de février, les amateurs de truffes peuvent encore se régaler avec le diamant noir. Pour ce champignon, les gourmets sont prêts à tout. Il faut dire que de simples œufs, du riz, des pâtes deviennent mets de roi avec quelques râpées de truffes. Même si c’est le Vaucluse qui est le plus gros producteur français, le fait qu’on parle de truffes du Périgord, nous évoque plutôt le sud-ouest. Aussi la petite anecdote qui suit sent bon le régional de l’étape.

Monseigneur Davian Dubois de Sanzai, mort archevêque de Bordeaux en 1826, avait gagné contre Monsieur de Camiran, l’un de ses grands-vicaires, une dinde aux truffes qui se faisait longtemps attendre. La fin du carnaval approchait[1].

Monseigneur rappelle au perdant sa gageure; celui-ci prétend que les truffes ne valent rien cette année.
– «Bah, bah, reprend le prélat, n’en croyez rien; c’est un faux «bruit que font courir les dindons.»

Bon Mona, savez vous que le Pomerol à maturité a des arômes de truffe. Aussi, si vous me tendez votre verre, j’aurai plaisir à vous verser un Château Beauregard 1996. Bob ben, Mona, qu’attendez-vous pour vous mettre en cuisine ? Une petite caille truffée me siéra… Allez Mona, t’as de beaux yeux et un Beauregard


[1] Ce qui signifie que le carême arrivait et que la viande ne pouvait plus être consommée durant 40 jours

Soupe à la grimace

Mona avant et après son régime

Ce matin Mona rentre dans mon bureau et me lâche :

« Je suis irritable voire agressive. Mon médecin m’a dit que je souffrais d’une carence en sérotonine. »

– En quoi ?

– C’est une hormone qui joue un rôle important dans notre humeur.

– Ah bon ? Je pensais que les sautes d’humeur étaient automatiquement liées au caractère féminin et qu’il n’y avait rien à faire.

-Ah, vraiment, c’est drôle. Mais sérieusement, le médecin m’a conseillé de mieux manger. Il m’a expliqué que pour synthétiser la sérotonine, nous avons besoin d’un acide animé contenu dans certains aliments : le tryptophane.

-Dîtes donc, Mona, ce matin, vous me prenez pour Bernard Kouchner. Vous avez appris le Vidal par cœur ?

-Mais non, je vous explique pourquoi je suis un peu soupe au lait. Le toubib me conseille de faire un goûter chaque jour avec du pain complet, des flocons d’avoine, 5 noix de cajou, une pomme et du miel. Mais si je suis ces conseils, je vais peut-être être plus cool, mais je vais prendre 10 kg…  Et çà, je ne le supporterai pas. Quand je grossis, j’ai d’ailleurs mauvais caractère.

-Ah, vous voyez. C’est bien ce que je disais, c’est incurable. Je vois votre problème. Je vais voir de mon coté s’il y a un autre moyen de synthétiser votre hormone… Non, non, ne me remerciez pas. Je fais çà aussi pour moi. Si vous devez être plus placide au cours de vos journées de travail, je serai mieux, moi aussi.

Bon en attendant, Mona, nous allons boire un vin de plaisir. Tour Maillet 2006 : ce Pomerol est très souvent cité dans le guide Hachette. Je ne suis pas étonné, c’est très bon. Je ne sais pas s’il y a du tryptophane dedans, mais c’est bon pour le moral…

http://www.vulgaris-medical.com/encyclopedie/serotonine-4233.html

Rien à déclamer ?

Eugène Labiche régna sur le théâtre comique durant le second empire : plus d’une centaine de pièces à son actif. Et pourtant, il dut attendre 1880 (il avait 65 ans et plus de 40 ans de carrière) pour être élu à l’Académie Française. Il ne jamais autant invité à dîner en ville qu’après son élection. Devant l’afflux des invitations, il s’exclamait:
– Mais je ne savais pas qu’on était nourri!

A une de ces soirées « littéraires », comme aimaient en donner les femmes du monde de cette époque, la maîtresse de maison dirigeait avec autorité la conversation. Chacun devait parler et briller à son tour. Labiche, pendant le repas, fit un signe pour prendre la parole, mais la maîtresse femme lui fit comprendre que son tour n’était pas venu.

Quelque temps après, alors que les convives étaient au salon pour boire le café, elle se tourna vers lui en souriant aimablement :

– Eh bien! Monsieur Labiche, que vouliez-vous nous dire?
– Rien, Madame, rien…
-Mais enfin vous avez levé la main tout à l’heure.
– Oh! Madame, répondit-il, çà n’a plus d’importance : je voulais seulement qu’on me passât le sel.

Bon Mona, laissez moi parler sans retard, je vous prie ; j’ai seulement besoin de deux verres. Avec Labiche, que pensez vous d’un Pomerol : Tour Maillet 2006. Sur sa jeunesse, ce vin offre des jolis fruits et une note de vanille.

Merlot

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C’est le cépage roi de Pétrus. Son fruité, sa précocité et son rendement sont parfois déétournés par les « pistrouilleurs » pour en faire un vin facile et délavé apprécié des buveurs.

En France sa zone d’élection est la région de Libourne avec notamment St Emilion, Pomerol et globalement la rive droite de la Garonne-Gironde. En Languedoc, sa plantation en vue de se substituer au Carignan donne des résultats fort disparates..

Une maturation lente et un rendement raisonnable, sont indispensables pour obtenir de bons résultats. C’est certainement un des cépages les plus plantés au monde avec des résultats très divers selon les régions car des vendanges précoces et des rendements pléthoriques en font des « sacs d’os » à la Bernard Buffet.

Fruité, il l’est en diable : toute la palette des petits fruits rouges (cerises, mûres,…) parfois traces d’agrumes ; au vieillissement il développe des arômes de cuir neuf de sellerie, d’humus, de sous-bois. En bouche il allie puissance et velouté, finesse et volupté. C’est sa couleur: noir bleuté et moiré qui lui aurait donné son nom. En Médoc le merlot c’est le « petit oiseau noir », le petit merle, qui ne se gène pas pour picorer son homonyme! Toutes choses étant égales (sol, climat …) à la même époque il est moins tonique, plus sacré et moins acide que le Cabernet Sauvignon. Sur la rive gauche (Graves et Médoc) il ne serait qu’un « faire-valoir » des cabernets. La réalité est tout autre: sur les terroirs qui lui conviennent (graves peu profondes, argilo-calcaire, de Blaignan, de St Laurent ou de St Seurin de Cadourne …) avec porte-greffe adéquat et rendements raisonnables, il produit des vins qui allient concentration et profondeur aromatique. Dans certaines zones, pour certains crus, s’entêter à avoir 70 % de Cabernet et 30 % de Merlot pour respecter une proportion plus administrative qu’idéale est une impasse. Le terroir, seul, doit énoncer ses diktats … Des crus à 60 voire 70 % de Merlots produisent des vins de garde bien typés pour le plus grand plaisir de l’amateur et au grand dam des agronomes en chambre.

Mona pas bu encore de Petrus, Monsieur Moueix….