Fille du Cardinal

Au lendemain de la dernière grande guerre, naissait à Rome une jeune pousse nommée Matilde. Ses parents, voulant sans doute à leur nouvelle progéniture garantir une destinée célèbre, écrivirent le prénom de Matilde dégagé de la lettre h pour ne pas créer de confusion avec la non moins célèbre Mathilde [1] originaire de Westphalie qui épousa le roi Henry 1er appelé « l’Oiseleur » [2]. Il ne s’agissait pas de confondre cette Germanie qui fit d’Aix la Chapelle la ville des sacres, avec l’Italie et sa ville sacrée et éternelle que représente Rome. Le houblon pour les saxons et la vigne pour les latins…

Le père de Matilde était Cardinal. L’arbre généalogique de l’Eminence indique que ses origines américaines étaient soulignées par ses allures de « peau rouge » sans rapport avec ses aïeux franco-hongrois (d’un père ardéchois du nom de Alphonse Lavallée et d’une mère hongroise appelée Flame Tokay).

raisins-et-insecte-Kaercher_AmalieLe Cardinal au gré de ses implantations successives rencontra un jour une belle méditerranéenne qui se nommait Italia. Elle avait pour père un riche terrien du nom de Muscat de Hambourg, qui malgré ses ascendances nordiques, apportait dans la corbeille de la mariée des jeunes feuilles aux couleurs d’un jaune tendre et orangé. La mère d’Italia était surnommée par ses voisins de sol : Bicane ; les registres des états agraires ne révèlent rien sur ses origines. Ses autres descendants par contre se sont rendus jusqu’en Roumanie, Yougoslavie et même en Australie.

Ainsi le Cardinal, arborant sa parure rouge et violacée était persuadé qu’en mariant Italia toujours de jaune vêtue, allait pouvoir grâce à leur enfant Matilde développer de nouveaux fruits et donc de nouveaux vins.

Or Matilde grandit modestement malgré ses formes généreuses. Produisant une grappe à grosses baies d’un jaune vert, elle s’offrait aux «clients» qui appréciaient sa chaire croquante.

Mais, plus les années passaient, plus Matilde s’éloignait de la destinée dont avaient rêvé ses parents.

Petit à petit, lorsque Matilde se présentait à table, généralement lors du dessert, le goût des convives était marqué par la déception. Croquer Matilde laissait de plus en plus une saveur insipide et neutre.

Telle est l’aventure d’un de ces modeste cépages, issus d’une des nombreuses familles ampélographiques établies sur la totalité du globe. On  dénombre aujourd’hui, grâce au dernier recensement de Pierre Gallet [3], plus de 9600 inscrits.

Mona cumule des connaissances chaque jour un peu plus… pour vous.


[1] Sainte Mathilde de Ringelheim (890-968)

[2] Surnom dû à sa passion pour la chasse au faucon

[3] Ampélographe (spécialiste de la description morphologique des cépages)

C’est un brie qui court

La TRADITION et les vieilles habitudes ont la vie dure en France. C’est au moment où l’on amène le fromage, que l’on se sent obligé d’ouvrir la bouteille de derrière les fagots. Et combien de bouteilles de grands vins, issu d’un grand millésime, ayant dormi de longues années en cave, finissent sur une table confrontées à un camembert, un maroilles…  et meurent en direct dans une indifférence générale. Quel gachis !!

Certains sommeliers n’hésitent pas à déclarer :1066622591_3fc56e9278_o

Il vous reste une bouteille de mauvais vin rouge ? Servez-le donc avec un peu de fromage. Après quelques bouchées, personne ne fait la différence entre un vin d’exception et un «gros rouge qui tache».
Deux chercheurs de l’Université de Californie à Davis, ont fait tester des vins de qualité variable, avec ou sans fromage, par des goûteurs expérimentés et ont découvert que le fromage faisait disparaître les arômes, l’acidité et l’astringence de tous les vins, qu’ils soient très bons ou mauvais.
Ce sont probablement les protéines du fromage qui empêchent les arômes de s’exprimer ou le gras qui masque les récepteurs du goût.

Alors, votre prochain grand flacon de vin rouge, servez le plutôt avec la viande. Et pour le fromage, contentez vous d’un vin rouge jeune et peu tannique (Loire, Beaujolais…) ou d’un vin blanc sec, notamment pour les fromages de chèvre, ou par exemple, d’un vin moelleux ou liquoreux pour accompagner les fromages bleus (Roquefort, Fourme …). Vous découvrirez de nouvelles sensations.

Mona, si vous allez chez le fromager, rapportez donc un morceau de Comté de 12 mois. Je vous ferai découvrir un mariage fabuleux avec le Vin Jaune.

Tire-bouchon

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Pour un bon tire-bouchon, combien d’objets niaiseux ? De gadgets ? ! !..Vrilles faisant forets taraudant le bouchon, le découpant ; les qui pincent les doigts, massacrent les phalanges, endolorissent la paume de la main…

  1. Le bon couteau sommelier, outil de professionnel (faisons leur confiance) : il fait levier, il doit faire 6 cm de long et avoir 5 spires.
  2. Le “ screw-pull ” est d’emploi facile mais perçant le miroir, de légers débris de bouchon sont à craindre.
  3. Les injecteurs de gaz qui expulsent le bouchon sont remarquables pour… traumatiser les vins vieux !tire bouchon6
  4. Les bi-lames demandent un petit coup de main… mais laissent le bouchon intact et pas de dépôt dans le flacon.

TIRE-BOUCHON002Qui fut inventé en premier ?
Le bouchon ou le tire-bouchon ?
L’œuf ou la poule… air bien connu !

Un simple T en acier torsadé apparaît en Angleterre vers 1680. Cet objet, dérivé des tires-balles de l’armée, a un usage plus pacifique. Le tire-bouchon est né et il est bien anglais : la vrille est dextrogire (qui tourne à droite)… cette forme ne survit plus que chez les marchands de farces et attrapes. Devenu objet culte ; Chablis, Rouen, Ménerbes possèdent leur musée du tire-bouchon. Certaines  pièces de collection coûtent plus cher qu’une caisse de grand vin ! A tout choisir…préférons l’essentiel à l’accessoire.

En allant sur cette adresse, vous trouverez quelques jolies pièces de collection (en anglais) et sur ce site, une magnifique collection (en espagnol).

Bon, Mona, puisque vous avez un tire-bouchon, sortez donc deux verres…

des p’tis trous, toujours des p’tits trous

manga-vinLe dessus des capsules de bouteille de vin présente parfois une ou deux perforations. Ces petits trous sont pratiqués par la machine, lors de l’assujettissement de la capsule.
Cela permet d’éviter la formation d’un coussinet d’air en haut du goulot et limite les risques de moisissure du bouchon.

Las ! Au pays du Soleil-Levant circule une toute autre explication : ce sont les traces d’injections de produits stabilisants faites à l’aide de seringues, au moment de l’exportation! Seuls les Champagnes échappent à cette « vaccination » !

Chinoiserie japo-niaise ? Légende urbaine? Comment dit-on « parano-nïaque » au Japon, le pays du soleil le-vin ?

Mona, ma p’tite geisha du ???, mirez le disque de mon verre de rouge, on dirait le drapeau du Japon.

Mona : geisha loupée ?
Mona geisha d'un jour

Un p’tit coup de jaja ?

verre_ballonLorsqu’on parle de vin en France, c’est le plus souvent négatif. Par exemple, la campagne : un verre de vin augmente le risque de cancer. Lorsqu’on feuillette une revue spécialisée en vins, on lit des commentaires sur les meilleurs vins de Bourgogne, de Bordeaux… et jamais sur les vins que boivent réellement les Français. En effet, les vins présentés coûtent souvent plus de 10 € et pratiquement jamais moins de 5 €. Or, régulièrement, des informations donnent un prix moyen d’achat d’une bouteille de vin aux environs de 3 €.

La revue Rayon Boissons qui est spécialisée dans les boissons distribuées en grande distribution (GMS) publie un classement des vins les plus vendus par la GMS.

Je ne reprends ci-dessous que les trois premiers en ajoutant le prix de vente TTC constaté dans les hypermarchés.

NOM DE MARQUE

Prix moyen vente TTC

Bouteilles vendues 2008

Roche Mazet

2.40

21 millions

Vieux Papes

1.75

18 millions

La Villageoise

1.20

15 millions

En additionnant les 10 marques du tableau de l’article, on arrive au chiffre sympathique de 142 millions de bouteilles vendues.

Bien entendu, les clients des cavistes, des sites de vente en ligne et ceux qui achètent directement chez les vignerons dépensent plus pour leur vin. Mais la GMS vend environ 75% des bouteilles de vin toutes qualités confondues. Aussi je reste persuadé que le nombre d’amateurs de vins de qualité reste marginal dans notre beau pays. On parle généralement de 5% …

Il y a du boulot pour les Epicuriens.

Le « connaisseur »

buveurTout le monde en a un dans sa famille ou parmi ses relations. Que ce soit à table, lors de la soirée d’inauguration d’une foire aux vins, à Vinexpo (parce que le copain d’un copain de son oncle maternel a travaillé dans un château et lui a obtenu une invitation, bien qu’il ne soit pas professionnel) ou à la Saint-Vincent bourguignonne, son comportement est le même : un rapide tour d’horizon et il se précipite vers les appellations prestigieuses ou les grands crus. D’entrée, ses aristocratiques papilles dédaignent les “ petits ” St Emilion, les “ petits ” Pommard. Pour lui, un Médoc s’efface devant un Haut-Médoc qui par définition ne peut rivaliser avec un Pauillac. Il est péremptoire : “ je n’en goûterai que deux ou trois…mais uniquement des grands ! ”.

Il connaît par coeur le cru qu’il a dans son verre : parfois, son verbiage descriptif ampoulé commence avant même d’avoir eu le vin dans la bouche. Il recrache, non pas le vin (« c’est trop bon, quoi… »), mais le dernier commentaire de son gourrou américain dont il a lu et appris tous les ouvrages. Il vous met en demeure d’apprécier et aura, de toute façon, toujours le dernier mot : quel merveilleux vendeur ferait-il dans la grande distribution ! Voler au secours du succès est sa vocation.
Faites-lui goûter une de vos découvertes, un de ces vins d’oenophile, il condescendra à y trouver quelques mérites mais… mais… il ne pourra s’empêcher d’ajouter : “ il ressemble à château X , en moins étoffé, bien sûr ” ou “ à Clos Y, mais en bien plus acide ”. Vous ne le surprendrez jamais : il connaît tout ; du moins tout ce qui a déjà été sacralisé :

c’est le “ buveur d’étiquettes ”.

Chassez le naturel, il revient toujours au goulot !!!

La cave de Monsieur Labiche

lourcine-affichePendant le siège de Paris en 1870, Eugène Labiche dut abandonner sa maison. Seul son jardinier resta sur place pour éviter le pillage …
Mais, à son retour, il constata que sa cave était entièrement vide.

Le jardinier lui expliqua que les Prussiens avaient bu l’essentiel de ses flacons. Et il ajouta fièrement : « Mais rassurez vous, Monsieur, j’ai pris largement mon compte. Et à chaque bouteille ouverte, je me disais : ce sera çà de sauvé pour Monsieur Labiche« .

Cà ne cerf à rien de s’énerver, Monsieur Labiche.

En 1857, Eugène Labiche avait écrit « L’Affaire de la rue de Lourcine » : une pièce dans laquelle le bourgeois Lenglumé se réveille un beau matin avec un inconnu dans son lit, une « épouvantable gueule de bois » et le soupçon d’être mêlé à un crime.

Comme qui dirait : pris en flagrant débit.

Gueule de bois : un mot que les auteurs d’aujourd’hui banissent de leurs textes. Consensus mou oblige.

Partir en miction

1483294863_31613af84f_oLa bière a la réputation d’agir sur la vessie. Il suffit de se rendre dans une fête de la bière, notamment à Munich, pour comprendre que c’est tout à fait justifié.

Et pourtant c’est le vin qui semble avoir suscité les expressions les plus imagées relatives au phénomène.
« Pisse dru « , La pissotière de l’Impératrice » : nombre de vocables locaux en font cas. Le vin est-il velouté ? C’est « le petit Jésus qui vous pisse dans le gosier« . Dès l’antiquité, les poêtes comparaient les grands vins à l’urine des dieux.
L’acte peut introduire une notion d’urgence. Ainsi du Beaujolais : « sitôt fait, sitôt bu, sitôt pissé » ou bien « il doit être bu et pissé avant Pâques » pour les Muscadets.
Le vin blanc est connu pour « destouper » les tuyaux. Par exemple les asperges conjuguées avec un Muscat d’Alsace invitent à une visite régulière du petit coin. Huîtres et Gros Plants ont également des effets diurétiques manifestes.

Quant au « bourru », ce mi-vin, mi jus de fruits, chargé de levures et de sucres que l’on boit durant les vendanges avec des châtaignes, ses vertus gustatives et surtout purgatives vous privent du plaisir irremplaçable de croquer une dragée Fuca.

Ahhhrrr, Scheiße, ahrrr !!!!

Garçon, dieux verres d’ambroisie, deux…

Le Festin des Dieux de Jan van Biljert (1630) Musée Magnin
Le Festin des Dieux de Jan van Biljert (1630) Musée Magnin

Dans certaines envolées lyriques de la littérature bachique, nombre de vins sublimes sont comparés à tort à l’antique Ambroisie. Or sur le Mont Olympe, c’est le « Nectar » qui était la boisson des dieux [1] et « l’Ambroisie » était leur nourriture. La confusion semble due au cépage Malvoisie qui fut très réputé dès le XV° siècle[2] et fut très à la mode au XIX° siècle.

Pour nous, l’ambroisie est malheureusement plutôt connue comme une plante envahissante. Avec mildiou, phylloxéra, oïdium qui frappèrent la vigne au XIX° siècle, quelques graines d’ambroisie se glissèrent dans la sinistre invasion venue des Amériques. L’ambroisie est une plante pionnière des zones non-cultivées. Cette proche de l’armoise colonise sournoisement, depuis le Midi,  le reste de la France. C’est fin août qu’elle largue son pollen qui provoque moult allergies. Au Canada, on l’appelle  » l’herbe à poux » et on risque une amende si elle n’est pas arrachée dans un jardin.
Après vous être débarrassé de cette plante qui se cache dans vos haies ou friches …  dégustez donc un verre de vin[3]. Même si ce n’est pas du nectar, vous l’apprécierez.

Mona-mbroisie à moi … c’est vous !!!!

[1] Zeus (Jupiter), Héra (Junon), Poséidon (Neptune), Arès (Mars), Hermès (Mercure), Héphaïstos (Vulcain), Athéna (Minerve), Apollon et Artémis (Diane), Hestia (Vesta), Déméter (Cérès), Aphrodite (Vénus), Dionysos (Bacchus) et Hadès (Pluton).
[2]Au XVème siècle, le duc de Clarence, frère du roi d’Angleterre Edouard IV qui l’avait condamné à mort, choisit pour supplice d’être noyé dans un tonneau de malvoisie.
[3] Et si vous goûtiez un vin de Malvoisie : en Italie, par exemple, la Malvasia di Lipari est sublime

En Medoc, 57+1 = 60+1

1er-crusC’est par un décret impérial du 8 mars 1853, qu’est décidée la tenue à Paris d’une Exposition universelle où seraient exposés des produits agricoles et produits industriels. Pour sélectionner les meilleurs vins, Napoléon III demande à chaque région viticole d’établir un classement. C’est à la Chambre de Commerce et d’Industrie de Bordeaux qu’est confié le dossier pour le département de la Gironde.

A cette occasion, en 1855, année de l’ouverture de l’Exposition, furent listés, essentiellement sur des critères de prix de vente, 58 vins rouges du département répartis comme suit :

· Quatre premiers Grands Crus

· Douze seconds Grands Crus

· Quatorze troisièmes Grands Crus

· Onze quatrièmes Grands Crus

· Dix-sept cinquièmes Grands Crus

Ce palmarès est celui des “ vins rouges classés de la Gironde ” puisque 57 de ces crus sont sis en Médoc et un seul en Graves (Haut Brion), on l’appelle généralement et abusivement “Classement des Grands Crus du Médoc”.

Depuis lors, quelques changements sont advenus :

. Par la grâce de la révision de 1973, les « quatre » premiers sont maintenant « cinq » via la promotion de Mouton-Rotschild.
. Quant aux douze seconds, ils sont devenus quatorze ; certes Mouton a disparu de cette classe, mais l’immense Léoville s’est scindé en Léoville Barton, Léoville Poyferré et Léoville Las Cases et Pichon se décline en deux : “Baron ” et “ Comtesse ”.
. Les troisièmes sont toujours quatorze dans un statu quo virtuel : Dubignon a disparu, Cantenac-Brown est apparu.
. Les quatrièmes passent de onze à dix, un des deux Pouget a été absorbé par ses voisins.
. Les cinquièmes passent de dix-sept à dix-huit grâce à Batailley, dédoublé en Batailley et Haut-Batailley.

C’est comme cela qu’en un siècle et demi, l’on est passé de 57+1 à 60+1.

Pour mémoire, en 1855, furent également classés 27 vins liquoreux de la région de Sauternes, dont 10 à Barsac :

.Un premier Grand Cru supérieur

. Onze premiers Grands Crus

· Quinze seconds Grands Crus

Mais c’est une autre histoire…